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Pour le retour de l’État et de ses services, au côté des citoyens

C’est comme l’océan à marée basse : on a l’impression que l’eau se retire et laisse la plage à nu.

À écouter le « feuilleton » télévisé, en ce moment (ce mot est écrit à la mi-mars), c’est-à-dire à regarder tous les soirs le J. T. d’Antenne 2 à 20H00, ce n’est plus une impression : c’est une réalité qui se dessine. Chaque soir, ou presque, nous est donné un nouvel exemple, un exemple différent, du retrait de l’intervention de l’État dans un des domaines qui lui étaient dévolus. Dévolus par la loi, par l’organisation sociale, etc. Ainsi, pour ne citer que ces derniers, que j’ai encore en tête :

 la délivrance des permis de construire. Autrefois assurée par l’État, aujourd’hui transférée aux communes (au motif de réduire la dépense publique). Transférée aux communes, et donc assurée par elles, avec ce risque, pointé, dans le reportage télévisé : délivré, oui, mais apparemment pas toujours de façon objective ou impartiale selon l’identité des demandeurs.

 Ainsi encore de la délivrance des cartes d’identité. (Là encore sortie des mains de l’État, les services préfectoraux, et transférée aux mêmes communes qui ont, décidément, reçu beaucoup de « patates chaudes ». La liste n’est ici pas exhaustive). Le reportage faisait état d’un embouteillage monstre, au niveau des demandes non satisfaites, parlait aussi du sous-équipement des communes en matériel spécialisé pour faire les photos, etc.

 Ainsi de ce terrain militaire de 3 hectares, de cette friche de l’armée plus exactement, située à proximité d’un grand hôpital parisien spécialisé dans le traitement du cancer et sur laquelle on devait construire un établissement, toujours en lien avec la recherche contre le cancer. Oui mais voilà !… Le ministre Darmanin, pourtant alerté par l’élu communiste du coin, par la population, n’a rien vu, ou rien su voir… Des tonnes et des tonnes de déchets de toutes sortes ont atterri sur ce site aujourd’hui transformé en véritable décharge géante à ciel ouvert.

 Ainsi encore (reportage plus récent) de la lutte contre l’emprise des sectes sur les personnes. Faute de moyens de police pour intervenir, les proches des victimes, en tout cas celles qui en ont les moyens, se voient obligées de recourir aux services, très onéreux, de détectives privés pour recueillir des témoignages, des preuves, afin de pouvoir poursuivre les persécuteurs devant les tribunaux.

Si mes souvenirs revenaient, je pourrais encore allonger, nourrir cette liste, avec d’autres exemples, toujours apportés par la télévision, et piochés au cœur même de la réalité, de la vie quotidienne des Français. (Des Français : ceux qui comparent le prix de deux paquets de pâtes à LIDL comme le disait Thomas Piketty sur France-Inter ce vendredi 10/03, et qui souffrent de ce retrait de l’État).

La « clef de voûte » de ce retrait « politique » de l’État a bien été pointée par la sénatrice socialiste Laurence Rossignol qui fustigeait le ministre de l’économie Bruno Lemaire à propos de son incurie pour juguler l’inflation qui fait flamber les prix des produits alimentaires :

« Quand le gouvernement s’adresse aux plus riches : il quémande, mais quand il s’adresse aux salariés, par exemple pour la retraite, il commande… C’est la contrainte quand il s’agit des salariés, et la demande polie et gentille quand il s’agit de redistribuer les richesses. »

Donc le retrait, manifeste, de l’État. Il est là. Il faudrait maintenant en dresser les conséquences face aux difficultés multiples de la vie (dont un bon nombre sont créées par le capitalisme débridé, par la « liberté du commerce », la « liberté d’entreprendre » – d’entreprendre quoi ? dans quel but, à quelle fin ?) qui sont faites aux Français.

Les conséquences évoquées ci-dessus, je les rappelle brièvement : une vie de plus en plus difficile pour les Français privés de services publics et obligés de faire sans ; c’est-à-dire de se « débrouiller » par eux-mêmes. La France Insoumise anticipait déjà et voyait bien venir la situation nouvelle avec cette formule ramassée : « quand tout sera privé, vous serez privé de tout ! » Eh bien, nous y sommes !

De plus en plus difficile pour ceux d’entre eux qui n’ont pas le temps, qui n’ont pas les moyens, c’est-à-dire la connaissance, la « culture administrative », la pratique de l’outil informatique*, les moyens financiers aussi pour payer le recours aux services proposés par les boîtes privées qui fleurissent dans ce désert, sur cette plage déserte.

* Une récente émission entendue sur France-Inter était consacrée à la dématérialisation de l’administration publique ( la « e »-administration, chère à M. Jospin) et à ses conséquences, désastreuses en terme de perte de droits, mais pas seulement, pour les millions de Français « non connectés ».

Alors pourquoi ces boîtes privées fleurissent-elles comme une prairie change de couleur au printemps ?

Elles flairent la bonne affaire et profitent du désengagement, du retrait (je l’ai déjà dit) de l’État, organisé pour, prétendument réduire le déficit public. (Voir les argumentaires utilisés du temps de Sarkozy pour mettre en œuvre la tristement célèbre Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) et la Modernisation de l’action publique (MAP) de Hollande qui l’a poursuivie).

Ce désengagement offre aussi, ouvre ainsi, le champ qui était occupé par le secteur public au secteur privé qui peut donc s’y engouffrer à la recherche de nouveaux profits, monnayant des services qui autrefois étaient rendus gratuitement, ou à prix coûtant, par l’État.

La qualité des services publics rendus par ces boîtes privées ? Parlons-en !

Elle laisse plus qu’à désirer et ceci pour au moins deux raisons :

1) la recherche de profit n’est jamais objective et fait ainsi de l’ombre à la qualité « intrinsèque » du service à rendre,

2) la seconde raison tient aux moyens utilisés qui ne sont pas ceux de l’État. Et pour cause !

Pointons ici. Et dans le désordre :

la déontologie, le statut du personnel et les conditions de son recrutement, les obligations auxquelles il est tenu, le devoir de réserve. Quant aux moyens, parlons des moyens d’investigation et de contrôle, des pouvoirs de police pour conduire les enquêtes, de l’habilitation à dresser des P.V. de contrôle, à requérir le concours de la force publique, en cas de besoin, dans l’exercice de ses missions, de l’assermentation des personnels, de sa formation, etc.

Tous moyens qui sont détenus par la puissance publique et que seule celle-ci peut attribuer à ses fonctionnaires pour leur permettre d’accomplir leur mission de service public, au service de la population. C’est-à-dire, notamment, mais pas seulement, faire appliquer la loi. La loi qui affranchit d’après Lacordaire pour qui : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. »

Il est donc urgent pour retrouver une qualité de vie, pour protéger la population des arnaques de tous ordres, pour rétablir l’égalité des citoyens dans la protection que peut leur apporter l’État, pour rétablir la confiance dans le modèle républicain, de remettre à flot l’État, de le réhabiliter. Il est donc urgent de redonner aux services publics tous les moyens dont il a depuis si longtemps été privé et qui font tant défaut, aujourd’hui.

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