RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
10 

Leur propagande vient de loin, et nous le savons

Exploitant les moindres recoins de l’espace habité, le colonialisme européen a longtemps plié la majorité de l’humanité aux exigences de conquérants sans scrupules qui ont arrosé d’eau bénite leurs violences et leurs rapines.

Ces empires coloniaux comme entités historiques ont fini par s’effondrer, mais le colonialisme comme système leur a survécu.

Lorsque le G7 inflige des sanctions à la Russie en 2022, il ne réunit pas seulement les nations qui ont le PIB le plus élevé du monde occidental et apparenté. Il rassemble des pays qui ont jadis pris part à l’aventure coloniale et sont hantés par le déclin de leur suprématie : les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, le Canada et le Japon.

Cette continuité entre deux formes historiques de domination est une donnée qu’il faut avoir en mémoire : l’impérialisme d’aujourd’hui est l’héritier du colonialisme d’hier.

Faisons d’abord un petit retour en arrière. Le propre du discours colonial, c’est qu’il déshumanisait le colonisé.

« Comme pour illustrer le caractère totalitaire de l’exploitation coloniale, le colon fait du colonisé une sorte de quintessence du mal. La société colonisée n’est pas seulement décrite comme une société sans valeurs. Il ne suffit pas au colon d’affirmer que les valeurs ont déserté, ou mieux n’ont jamais habité le monde colonisé. L’indigène est déclaré imperméable à l’éthique, absence de valeurs, mais aussi négation des valeurs. En ce sens, il est le mal absolu. Élément corrosif, détruisant tout ce qui l’approche, élément déformant, défigurant tout ce qui a trait à l’esthétique ou à la morale, dépositaire de force maléfiques, instrument inconscient et irrécupérable de forces aveugles, écrit Frantz Fanon ».

On imagine les conséquences. Guerre du Bien contre le Mal, la colonisation n’est pas tant une entreprise civilisatrice qu’une mesure prophylactique destinée à neutraliser les miasmes d’une bestialité latente.

« Parfois ce manichéisme va jusqu’au bout de sa logique et déshumanise le colonisé. A proprement parler, il l’animalise. Et, de fait, le langage du colon, quand il parle du colonisé, est un langage zoologique. On fait allusion aux mouvements de reptation du jaune, aux émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, au pullulement, aux gesticulations ».

L’impérialisme d’aujourd’hui a-t-il changé de registre ? L’appétit de richesse a beau revêtir les oripeaux des « droits de l’homme », il charrie la même violence symbolique. Comme le colonialisme, l’impérialisme déshumanise à tour de bras. Il transforme la guerre juste en guerre sainte, il en fait en prophylaxie de masse où le nombre ahurissant des victimes immolées sur l’autel de la démocratie est le résultat de leur incorrigible bestialité.

Tout est justifié, du moment que c’est pour sauver l’Empire du Bien.

On citera quelques exemples célèbres.

- C’est le bombardement de Bagdad qu’un pilote de l’US Air Force trouve beau comme « un sapin de Noël ».

- C’est l’ignoble massacre de ces milliers de civils et de militaires irakiens en fuite sur « l’autoroute de la mort ».

- C’est ce soldat des forces d’occupation déclarant à la presse que sa mission est de « tuer les méchants ».

- C’est Madeleine Albright justifiant l’agonie de 500 000 enfants irakiens assassinés par l’embargo.

- Ce sont ces prisonniers dénudés, humiliés et torturés dans les geôles d’Abou Ghraib.

- C’est l’incroyable mensonge du 11 septembre, prétexte à une « war on terror » qui fera 900 000 morts.

- C’est Condoleeza Rice voyant dans le bombardement du Liban les douleurs de « l’enfantement d’un nouvel ordre mondial ».

- C’est Barack Obama le sourire aux lèvres, avec sa « kill list » et sa sanglante guerre des drones.

- C’est l’acharnement mortifère contre Cuba au nom des « droits de l’homme ».

- C’est Hillary Clinton piaffant et gloussant de joie pour célébrer l’assassinat d’un chef d’État arabe.

- C’est l’Afghanistan mis à feu et à sang pour « libérer la femme afghane ».

- C’est la Syrie souveraine traînée dans la boue lorsqu’elle ose résister au terrorisme sponsorisé par la CIA.

- C’est le Venezuela dont les enfants meurent faute de médicaments à cause d’un embargo pour la « démocratie ».

- C’est la propagande insensée contre la Chine, accusée de génocide par des génocidaires après avoir subi la terreur importée.

- C’est la diabolisation de la Russie, avec son prétendu despotisme sans foi ni loi et ses ambitions criminelles.

Voilà. La messe est dite par les grands-prêtres du monde libre. Les États-Unis d’Amérique étant l’incarnation du Bien, ses ennemis sont des forces maléfiques sur lesquelles s’abat toujours un bras vengeur.

Comme les peuples colonisés de jadis, les nations récalcitrantes seront dressées à coups de trique pour le triomphe du Bien et le rayonnement de la civilisation.

Ainsi un imaginaire en relaie un autre sans que les structures aient radicalement changé. Pour justifier le forfait colonial, il fallait extraire les indigènes du monde civilisé. Pour justifier la guerre hybride contre la Russie, il faut qu’elle joue le rôle que la propagande adverse lui assigne : celui de la brute épaisse, imperméable aux impératifs de la morale ordinaire.

Comme l’armée syrienne de Bachar Al-Assad, son armée ne peut être qu’une bande de violeurs et de tortionnaires, de même que l’Etat chinois ne peut être que génocidaire.

Cette propagande est hallucinante, mais il faut bien voir qu’elle l’a toujours été. L’essentiel est de savoir pourquoi. Et nous le savons.

Bruno GUIGUE

URL de cet article 38239
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
"L’Industrie du mensonge - Relations publiques, lobbying & démocratie"
Sheldon Rampton, John Stauber
En examinant le monde des lobbyistes, ce livre dévoile l’ampleur des manipulations pour transformer l’« opinion publique » et conforter les intérêts des grands groupes industriels. Des espions aux journalistes opportunistes, en passant par des scientifiques peu regardants et de faux manifestants, l’industrie des relations publiques utilise tous les canaux possibles pour que seule puisse être diffusée l’information qui arrange ses clients - gouvernements et multinationales, producteurs d’énergie (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Il y a une idée sur laquelle chacun semble d’accord. « Vaincre Daesh », comme l’a exprimé le secrétaire d’Etat Tillerson. Laissez-moi poser juste une question : Pourquoi ? Il est temps pour Trump d’être Trump : extrêmement cynique et imprévisible. Il lui faut vaincre Daesh en Irak. Mais pourquoi en Syrie ? En Syrie, il devrait laisser Daesh être le cauchemar d’Assad, de l’Iran, de la Russie et du Hezbollah. Exactement comme nous avons encouragé les moudjahidines à saigner la Russie en Afghanistan. »

Thomas Friedman, « In Defense of ISIS », New York Times, 14 avril 2017.

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.