Avec le soutien massif d’un pays-membre de l’OTAN, la Turquie d’Erdogan, qui rêve depuis longtemps d’annexer le Nord de la Syrie, les mercenaires takfiristes ont pris le pouvoir à Damas, et l’État syrien s’est effondré comme un château de cartes. On s’étonne de cette soudaineté. Mais une économie en ruine, génératrice d’une corruption généralisée, une armée saignée à blanc par la guerre, une légitimité minée par l’impuissance du gouvernement face aux intrusions étrangères, sans parler de l’usure du pouvoir, tout a contribué à cet effondrement.
Par Bruno Guigue, ancien élève de l’École normale supérieure et de l’École nationale d’administration, Professeur invité à l’École de marxisme, Université normale de la Chine du Sud (Visiting Professor of the School of Marxism, South China Normal University)
On aura beau tenter d’occulter cette évidence, elle saute aux yeux : la Chine a accompli en soixante-quinze ans ce qu’aucun pays n’a réussi à faire en deux siècles. Elle a imaginé des solutions inédites, multiplié les succès comme les échecs. Aujourd’hui, cette odyssée continue, charriant à nouveau son lot d’incertitudes. Un regard rétrospectif, toutefois, laisse voir l’immensité du chemin parcouru, la profondeur des transformations accumulées, l’importance des progrès réalisés.
La photo de l’homme qui arrête la colonne de chars sur la place Tian’anmen va faire le tour du monde. Elle est censée illustrer la bravoure d’un homme seul, se dressant héroïquement devant des blindés qui symbolisent la brutalité de la répression. Mais sur la vidéo complète, on voit la colonne s’arrêter pour ne pas lui passer sur le corps. L’homme grimpe alors sur le premier char. Ses sacs de courses à la main, il s’entretient avec l’équipage pendant quelques secondes. Puis il redescend tranquillement du blindé et il est emmené par ses amis. Les chars continuent ensuite vers Chang’an, retournant à leur base. C’est tout. Le génie propagandiste a fabriqué un symbole planétaire avec un non événement.
Vladimir Illich Oulianov, dit Lénine, est mort il y a un siècle. Si son empreinte dans l'histoire fut aussi décisive, c'est parce qu'il a su démêler l'écheveau d'une situation historique inédite, riche de promesses révolutionnaires.
En 2005, lors du référendum sur le traité constitutionnel européen massivement rejeté par les Français, Antonio Negri, dans les colonnes de Libération, avait appelé à voter OUI pour régler son compte, je cite, à cette « merde d’État-nation ».
Comme tous les mouvements de libération nationale, la résistance à l’occupant devra compter sur ses propres forces, et l’événement en cours fait la démonstration qu’elle n’en manque pas. D’autant qu’elle pourra aussi compter sur ses alliés, confortés jour après jour par le déclin d’un Occident qui se croyait maître du monde et qui voit s’effriter une domination mortifère, vouée à finir dans les poubelles de l’histoire.
Selon la narration ressassée par les médias occidentaux, la guerre de Syrie aurait opposé une rébellion assoiffée de libertés démocratiques à un État autoritaire porté à bout de bras par ses alliés. Pour les faux naïfs, une héroïque « révolution syrienne » se serait même dressée contre un pouvoir clanique et mafieux, coupable par définition de tous les crimes imaginables. « Démocratie », « révolution », « droits de l’homme », tout le répertoire de la bien-pensance occidentale, tout le jargon déniché derrière les fagots de l'impérialisme par des hordes de plumitifs, a été mobilisé au service d’une propagande dont le seul but était de justifier, auprès d’une opinion qui n’y comprenait goutte, l’intervention multiforme des prétendus « Amis de la Syrie ».
La politique des États-Unis est faite de provocations calculées qui visent à faire monter les tensions tout en décriant aussitôt les réactions légitimes de la puissance provoquée. La Chine, elle, a besoin d’un monde en paix pour poursuivre son développement et améliorer les conditions d’existence du peuple chinois. Nul doute qu’elle saura résister à la tentation que lui offre l’impérialisme, ce tigre de papier, qui recevra un coup sur le museau le moment venu, comme en Corée, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, et bientôt en Ukraine.