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Auteur : Bruno GUIGUE

Syrie : nouvelle victoire pour la stratégie du chaos

Bruno GUIGUE

Avec le soutien massif d’un pays-membre de l’OTAN, la Turquie d’Erdogan, qui rêve depuis longtemps d’annexer le Nord de la Syrie, les mercenaires takfiristes ont pris le pouvoir à Damas, et l’État syrien s’est effondré comme un château de cartes. On s’étonne de cette soudaineté. Mais une économie en ruine, génératrice d’une corruption généralisée, une armée saignée à blanc par la guerre, une légitimité minée par l’impuissance du gouvernement face aux intrusions étrangères, sans parler de l’usure du pouvoir, tout a contribué à cet effondrement.

Face à une armée turco-takfiriste lourdement équipée et composée de mercenaires arabes, ouzbeks et ouïghours mieux payés que les officiers de l’armée syrienne, les digues ont cédé, et Bachar Al-Assad a préféré éviter un bain de sang inutile en se retirant du jeu. La conquête de Damas par le dernier avatar frelaté d’Al-Qaida est le résultat d’un très long travail de sape : il aura fallu treize années de guerre ininterrompue et de sanctions mortifères infligées au peuple syrien par ses ennemis occidentaux pour liquider le régime fondé par Hafiz Al-Assad il y a plus de soixante ans. La victoire des takfiristes de HTS, ces proches parents des assassins du Bataclan, a été saluée par les applaudissements enthousiastes de Tel Aviv et des capitales occidentales. Ces mêmes milices ont d’ailleurs chaleureusement remercié Israël pour son aide précieuse. Dans la foulée, l’armée sioniste vient de s’emparer de la totalité du Golan, et son aviation détruit systématiquement les infrastructures (…) Lire la suite »
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Le socialisme à la chinoise est-il marxiste ?

Bruno GUIGUE

Par Bruno Guigue, ancien élève de l’École normale supérieure et de l’École nationale d’administration, Professeur invité à l’École de marxisme, Université normale de la Chine du Sud (Visiting Professor of the School of Marxism, South China Normal University)

S’interroger sur les rapports entre le marxisme et le parti communiste chinois, c’est s’engager dans un dédale vertigineux. Non seulement les questions jaillissent de toutes parts, mais on se heurte assez vite à un problème de méthode : faut-il évaluer le « socialisme chinois de la nouvelle ère » au regard du « socialisme de Marx » ? Qui plus est, ce problème de méthode – qu’il faudra traiter comme tel – recouvre un véritable problème de fond : le socialisme étant selon Marx une phase transitoire (le « premier stade du communisme ») entre la société capitaliste et la société communiste, à partir de quel moment peut-on dire que l’élément communiste l’emporte sur l’élément capitaliste ? Et comment peut-on déterminer ce point de bascule – à supposer qu’il soit possible et légitime de le faire – dans la trajectoire passée, présente et future (à titre d’hypothèse) du socialisme chinois ? Autrement dit, le socialisme au stade primaire dont se prévaut aujourd’hui le parti communiste (…) Lire la suite »
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Ainsi va la Chine en 2024

Bruno GUIGUE

On aura beau tenter d’occulter cette évidence, elle saute aux yeux : la Chine a accompli en soixante-quinze ans ce qu’aucun pays n’a réussi à faire en deux siècles. Elle a imaginé des solutions inédites, multiplié les succès comme les échecs. Aujourd’hui, cette odyssée continue, charriant à nouveau son lot d’incertitudes. Un regard rétrospectif, toutefois, laisse voir l’immensité du chemin parcouru, la profondeur des transformations accumulées, l’importance des progrès réalisés.

La République populaire de Chine a été proclamée par Mao Zedong le 1er octobre 1949. Lorsqu’ils fêtent cet anniversaire, les Chinois savent bien ce qu’est devenu leur pays. Mais ils savent aussi dans quel état il se trouvait en 1949. Dévasté par des décennies de guerre civile et d’invasion étrangère, c’était un champ de ruines. D’une pauvreté inouïe, le pays ne représentait qu’une part infime de l’économie mondiale, alors qu’il en représentait encore le tiers en 1820. Le déclin de la dynastie Qing et l’intrusion des puissances prédatrices ont ruiné cette prospérité. Avec le « siècle des humiliations », la Chine a subi les affres d’une longue descente aux enfers. Le pays a été occupé, pillé et ruiné. En 1949, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Ravagées par la guerre, les infrastructures sont délabrées. Incapable de nourrir la population, l’agriculture souffre de l’absence criante d’équipements, d’engrais et de semences. En 1949, la Chine offre le spectacle d’une misère (…) Lire la suite »
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Tian’anmen, 1989 : de la crise sociale au putsch avorté

Bruno GUIGUE

La photo de l’homme qui arrête la colonne de chars sur la place Tian’anmen va faire le tour du monde. Elle est censée illustrer la bravoure d’un homme seul, se dressant héroïquement devant des blindés qui symbolisent la brutalité de la répression. Mais sur la vidéo complète, on voit la colonne s’arrêter pour ne pas lui passer sur le corps. L’homme grimpe alors sur le premier char. Ses sacs de courses à la main, il s’entretient avec l’équipage pendant quelques secondes. Puis il redescend tranquillement du blindé et il est emmené par ses amis. Les chars continuent ensuite vers Chang’an, retournant à leur base. C’est tout. Le génie propagandiste a fabriqué un symbole planétaire avec un non événement.

Dans les années 1980, le rythme des réformes économiques s’accélère. Le retour à l’exploitation agricole familiale et la restructuration de l’industrie sont menés de front afin de transformer l’économie en profondeur. Tout en modernisant méthodiquement l’appareil productif, l’équipe dirigeante débat aussi d’une éventuelle réforme politique. Conduits par Hu Yaobang, secrétaire général du parti, les réformateurs souhaitent une déconcentration du pouvoir, une meilleure répartition des rôles entre le parti et l’État, la mise en place d’une fonction publique professionnalisée. Dans l’esprit de ses promoteurs, cette démarche réformatrice ne remet nullement en cause le système socialiste : elle vise plutôt à le moderniser pour le rendre plus efficace et consolider son assise populaire. Certains intellectuels, toutefois, vont plus beaucoup loin. Ils introduisent dans le débat les notions de « démocratie » au sens occidental et de « pluralisme » au sens de compétition pour le pouvoir. Dans (…) Lire la suite »

La révolution selon Lénine

Bruno GUIGUE

Vladimir Illich Oulianov, dit Lénine, est mort il y a un siècle. Si son empreinte dans l'histoire fut aussi décisive, c'est parce qu'il a su démêler l'écheveau d'une situation historique inédite, riche de promesses révolutionnaires.

Voir loin, très loin, n’est pas donné à tout le monde. Au lendemain de la révolution de 1905, Lénine comprend que la période de réaction politique qui a suivi l’écrasement de la Commune arrive à son terme. Conscient de l’inéluctabilité de la guerre impérialiste, il est l’un des rares à voir clair dans une brume crépusculaire : celle de l’époque où se consument les derniers feux de la civilisation bourgeoise. Il a la conviction que le grand carnage va ruiner le prestige d’une Europe qui a renié ses valeurs. Théoricien de l’impérialisme, il procure son intelligibilité à un processus qui est toujours à l’œuvre dans le monde qui est le nôtre. Ses analyses sur « la domination de l’oligarchie financière », sur « l’asphyxie financière » que subissent les pays pauvres de la part des créanciers internationaux, sur la « prépondérance croissante du capital financier dans l’économie mondiale », sur la formation de ces « puissants trusts internationaux ignorant les frontières », sur la division (…) Lire la suite »

Antonio Negri, la main gauche du mondialisme

Bruno GUIGUE

En 2005, lors du référendum sur le traité constitutionnel européen massivement rejeté par les Français, Antonio Negri, dans les colonnes de Libération, avait appelé à voter OUI pour régler son compte, je cite, à cette « merde d’État-nation ».

Antonio Negri est mort. Au-delà du respect dû au disparu, qui était incontestablement un grand intellectuel, je m'autorise ici à présenter quelques objections à certaines de ses thèses. En 2005, lors du référendum sur le traité constitutionnel européen massivement rejeté par les Français, Antonio Negri, dans les colonnes de Libération, avait appelé à voter OUI pour régler son compte, je cite, à cette « merde d’État-nation ». Pour tout dire, et cette citation l'illustre, il me semble que Negri est politiquement passé à côté de l'essentiel. Car si l’histoire nous a habitués à voir le pouvoir comme l’apanage d’institutions étatiques, le présent nous rappelle cruellement que ce sont des instances privées qui l’exercent, quitte à cannibaliser la puissance publique. Pourtant, lorsqu’ils publient Empire, en 2000, Antonio Negri et Michael Hardt entendent exprimer la contestation de l’ordre néolibéral. Ils soutiennent qu’il n’y a pas de marché global sans ordonnancement juridique, (…) Lire la suite »

Coup d’éclat stratégique en Palestine

Bruno GUIGUE

Comme tous les mouvements de libération nationale, la résistance à l’occupant devra compter sur ses propres forces, et l’événement en cours fait la démonstration qu’elle n’en manque pas. D’autant qu’elle pourra aussi compter sur ses alliés, confortés jour après jour par le déclin d’un Occident qui se croyait maître du monde et qui voit s’effriter une domination mortifère, vouée à finir dans les poubelles de l’histoire.

En attaquant Israël avec une audace inouïe, le mouvement national palestinien vient de franchir un cap historique. Les faits sont là, impensables hier et pourtant incontestables aujourd’hui : c’est la première fois que les combattants palestiniens mènent une offensive de cette ampleur en territoire ennemi, et la première fois qu’ils parviennent à capturer des dizaines de ressortissants israéliens. Jusqu’à présent, l’interminable combat des Palestiniens prenait deux formes. C’était soit l’insurrection populaire, où les manifestants se sacrifiaient sans espoir de vaincre mais pour témoigner de la résistance du peuple palestinien. Soit la stratégie du bastion, la résistance mettant à profit ses modestes capacités balistiques pour défier Israël et faisant le dos rond sous les bombes grâce à la densité urbaine du réduit gazaoui. Le 7 octobre, de manière spectaculaire, le théâtre des opérations principal a été projeté en territoire israélien. L’initiative stratégique est passée du (…) Lire la suite »
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La Chine doit aider la Syrie !

Bruno GUIGUE

Selon la narration ressassée par les médias occidentaux, la guerre de Syrie aurait opposé une rébellion assoiffée de libertés démocratiques à un État autoritaire porté à bout de bras par ses alliés. Pour les faux naïfs, une héroïque « révolution syrienne » se serait même dressée contre un pouvoir clanique et mafieux, coupable par définition de tous les crimes imaginables. « Démocratie », « révolution », « droits de l’homme », tout le répertoire de la bien-pensance occidentale, tout le jargon déniché derrière les fagots de l'impérialisme par des hordes de plumitifs, a été mobilisé au service d’une propagande dont le seul but était de justifier, auprès d’une opinion qui n’y comprenait goutte, l’intervention multiforme des prétendus « Amis de la Syrie ».

Désignant la coalition internationale déterminée à liquider l’État syrien, cette appellation recouvrait ainsi d’un incroyable euphémisme l’opération consistant à adouber une constellation de groupes terroristes dont la loyauté à la cause dépendait de l’épaisseur de la valise de billets. Comme on le sait, le principal résultat de cette ingérence massive fut une décennie de guerre absurde et meurtrière. Gigantesque tribut payé à une folie collective orchestrée de l’étranger, qui a vu des mercenaires de 120 nationalités affluer au Pays de Cham en rêvant d’y instaurer un nouvel « émirat islamique » et promettant d’expédier « les chrétiens à Beyrouth et les alaouites au cimetière ». Heureusement, et l'on ne tarda pas à s'en apercevoir, cette coalition anti-syrienne vassalisée par Washington n'était qu'un tigre de papier. Car de nombreuses nations ont rejeté ce nouvel avatar du néocolonialisme occidental repeint aux couleurs de la démocratie et des droits de l’homme. A tout bien tout (…) Lire la suite »

Pourquoi la Chine ne fait pas la guerre

Bruno GUIGUE

La politique des États-Unis est faite de provocations calculées qui visent à faire monter les tensions tout en décriant aussitôt les réactions légitimes de la puissance provoquée. La Chine, elle, a besoin d’un monde en paix pour poursuivre son développement et améliorer les conditions d’existence du peuple chinois. Nul doute qu’elle saura résister à la tentation que lui offre l’impérialisme, ce tigre de papier, qui recevra un coup sur le museau le moment venu, comme en Corée, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, et bientôt en Ukraine.

Les Occidentaux sont tellement habitués à faire la guerre chez les autres qu’ils la font presque sans le savoir en se prévalant toujours de nobles idéaux destinés à préserver leur conscience immaculée. Mais cet auto-aveuglement en cache un autre : la guerre étant chez eux comme une seconde nature, ils peinent aussi à se représenter une grande puissance qui y répugne. En attendant, les faits parlent d’eux-mêmes : les États-Unis et leurs alliés ont multiplié les guerres et les massacres au cours des quatre dernières décennies, tandis que la Chine s’en est soigneusement abstenue. Un cliché médiatique occidental incrimine le pays du milieu pour la soi-disant « brutalité » de son rapport aux autres, mais on se demande sur quels faits s’appuie une telle interprétation. Encore un effort de leur part pour nous enfumer, et ces journalistes à la déontologie irréprochable nous feraient presque oublier que les Somaliens, les Serbes, les Afghans, les Irakiens, les Soudanais, les Libyens et (…) Lire la suite »
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Le sauveur suprême

Bruno GUIGUE
Pour frayer sa voie jusqu'à la victoire finale, qui ne voit que l'Ukraine, aujourd'hui, a besoin d'un chef militaire sans égal, d'un meneur d'hommes au charisme exceptionnel, d'un sénéchal aux vertus guerrières éprouvées par des années de lutte sur tous les fronts ? Au moment où les valeureux soldats du monde libre à la Croix gammée livrent un combat acharné contre les forces du Mal, l'arrivée spectaculaire de ce chef providentiel sur le théâtre des opérations passerait immanquablement pour un signe du destin. Alors que tout paraissait perdu, l'irruption soudaine du maître de guerre, recru d'épreuves et arborant sa crinière grisonnante, changerait le cours de l'Histoire. Avec le largage de Bernard-Henri Lévy sur Bakhmut, avec ou sans parachute, peu importe, comment ne pas voir que cette guerre trouverait enfin sa véritable signification, qu'elle prendrait, avec l'ultime sacrifice de ce combattant infatigable à la noble figure, toute la dimension spirituelle qui s'attache au (…) Lire la suite »