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Hernando Calvo Ospina. Un navire français explose à Cuba.

Enquête inédite sur un attentat oublié. Bruxelles : Investig’Action, 2021.

Preuve, s’il en est encore besoin, qu’un événement n’existe que s’il est couvert par les médias dominants.

Le 4 mars 1960, le cargo français La Coubre, chargé de diverses marchandises, dont des armes belges, explose à La Havane. Des corps sont projetés dans tous les sens, jusqu’à 300 mètres. Fidel Castro, son frère Raoul, le président de la nation Osvaldo Dorticos d’autres dirigeants se précipitent sur les lieux. Une deuxième explosion, tue davantage que la première. 70 personnes meurent, dont 6 marins français. Le lendemain, Castro déclare que la bombe n’a pas été placée à Cuba.

Les médias français n’ont quasiment rien dit de ce drame. Le gouvernement français y a prêté une attention distraite.

Cuba, sa jeune révolution, voulaient cet armement. Castro et les siens savaient qu’un plan secret visait à déstabiliser le régime, sous la férule d’Alan Dulles, directeur de la CIA et frère du secrétaire d’État John Foster Dulles. Les Dulles, une famille de hauts dirigeants depuis trois générations et actionnaires de la United Fruit, cette entreprise bananière – d’où l’expression – qui faisait la pluie et le beau temps en Amérique latine.

Le 17 mai 1959, une première loi de réforme agraire avait été promulguée. Plus de 400 domaines avaient été saisis et transformés en coopérative. Le gouvernement cubain s’était engagé à rembourser leurs propriétaires sur trente ans. Washington avait refusé cette proposition, acceptée par d’autres pays.

Le secrétaire d’État décide que, vu leur popularité dans le peuple, Castro et Guevara doivent être éliminés. De nombreuses actions terroristes sont lancées dans tout le pays, la CIA ayant armé des groupes contre-révolutionnaires. La Révolution n’était au pouvoir que depuis six mois quand des avions bombardent l’île en vue d’une première invasion. Seuls deux pays européens, l’Italie et la Belgique, envisagent de vendre des armes à Cuba. Mais, sous la pression des États-Unis, l’Italie se rétracte. Á ce moment précis, Castro ne demande pas l’aide de l’Union Soviétique. C’est ainsi que le cargo français La Coubre partit d’Avers avec de l’armement belge.

Le 4 mars, dans le port de La Havane, une première explosion a lieu. C’est l’horreur : « Un gigantesque champignon de fumée obscurcit La Havane pendant de longues minutes. Quelques secondes plus tôt, […] s’étaient élevés vers le ciel des morceaux de métal, de bois et d’éclats d’armes […]. Ils retombèrent dans un rayon de 500 mètres. » La deuxième explosion fut encore plus meurtrière car de nombreux citoyens s’étaient rendus sur place pour porter secours, en plus de la police, de l’armée, des pompiers end e la Croix rouge.

Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir étaient à La Havane au moment de l’explosion. Sartre ne masque pas son angoisse car cet événement lui rappelle l’invasion de la France par les nazis. « Comment peut-on tuer plus de cent personnes de façon aveugle », demande-t-il ? Il rendra compte du sursaut du peuple, de l’action héroïque de Castro sur les lieux dans son article du 15 juillet 1960 pour France Soir : « Ouragan sur le sucre ».

Partout des scènes d’horreur. J’en cite une : « […] Sur une table, deux hommes morts, […] qui ne portaient pas de blessures ni de brulures. […] Le médecin souleva le pantalon de l’un deux et palpa la jambe, il ne sentait que de la chair : il n’y avait pas d’os, dans l’autre non plus ; les os de cet homme étaient broyés. “ Il y a des centaines de fractures ”, dit le médecin et il ajouta : “ Et probablement tous les organes internes détruits. ” ».

Les diplomates français en poste à La Havane ne s’émeuvent guère. On demande au premier secrétaire d’envoyer des télégrammes aux familles, ce qu’il ne fait pas, pour des raisons inconnues. L’ambassadeur ne rendra visite aux survivants français qu’un jour plus tard. Le gouvernement français ne réagit absolument pas. Il n’adressa aucun message de sympathie à la centaine de familles cubaines et françaises.

C’est lors des funérailles des victimes que la photographe Alberto Diaz Guttierez (alias Korda) prendra la photo la plus célèbre du XXe siècle, le portrait d’un Guevara « au visage sévère, au regard sombre, lointain, mais très expressif. »

Le gouvernement cubain décide de donner 10 000 dollars aux familles des six victimes françaises qui avaient dû attendre quatre jours que la compagnie maritime du Coubre veuille bien annoncer la liste officielle des victimes françaises.

Il n’existe aucune preuve formelle de l’implication et de la responsabilité de qui que ce soit dans ce drame même si, suivez mon regard, les ennemis les plus acharnés de Cuba sont bien connus. Un an après l’explosion, Fidel Castro déclara : « Quand La Coubre a explosé, avec ce dantesque bilan d’ouvriers et de soldats dont les vies ont été détruites par ce sabotage criminel, nos ennemis nous avertissaient du prix qu’ils étaient prêts à nous faire payer… ».

Bernard GENSANE

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