Les occasions de rire étant confinées, il est bon de prendre un moment de détente en évoquant Reporters sans Frontière. Aujourd’hui un RSM, puisque Reporters sans Ménard. A croire que cette invention est aussi là pour nous faire rire. Ce qui démontre RSF est utile. En lisant « Marianne » (« en accès libre »), je découvre que l’immense Christophe Deloire, patron rémunéré de RSF, est en colère. Fâché contre des journalistes galopins auto-définis comme des « street reporters ». Le grand maître du journalisme entend les fesser, et sur Twitter dénonce les attaques dont son association fait l’objet. Taha Bouhafs, ex-militant de « La France Insoumise » qui travaille pour « Le Média », « Là-bas si j’y suis », et Gaspard Glanz de Taranis News, n’arrêtent pas de lui brûler la plante des pieds, via le réseau social. Ces deux petits journalistes, qui ne vénèrent pas Christophe, sous entendent que RSF :« vivrait de subventions d’Etat et qu’il serait proche du pouvoir ».
Courageux face aux deux gamins, talentueux et sans le sou, Christophe sait trouver les mots qui payent : « RSF répondra par les moyens juridiques qui s’imposent aux menaces, insultes et propos diffamatoires proférés par Gaspard Glanz et aux allégations mensongères et accusations aberrantes colportées par Taha Bouhafs contre l’organisation et son dirigeant. »
Attention Chris, quand tu parles de « dirigeant » on sent monter une pointe de Kim Jong-un. Autrement dit, ce personnage médiatique utilise la menace d’une justice, que l’on connait impartiale, pour sortir des poches des deux confrères les euros qu’ils n’ont pas en « dommages et intérêts ». C’est chic, viril, et indique que l’honneur de Deloire a un prix. Pour être objectif -valeur que Deloire a enseigné quand il dirigeait le Centre de Formation des Journalistes (mais oui)-, nous sommes obligés de dire que, contrairement à Ménard qui n’a fait que quelques piges pour FR3 et publié un petit guide sur les vins du Languedoc, Christophe, lui, a pratiqué le métier pendant une dizaine d’année. Un « pro » quoi !
Le drame que vit Christophe est rude. Outre les gamins qui se moquent de lui, voilà qu’il a trouvé porte close au ministère de l’Intérieur. Où il était pourtant convié afin de débattre du projet de loi liberticide, en cours de moulage. Manque de chance, les confrères présents ont souhaité une réunion sans RSF... Pourtant Christophe est poli, se parfume... On ne comprend pas que ces professionnels aient rejeté une ONG aussi ancienne et combattante ? Des idiots inutiles ? Alors que la vie, le temps, l’espoir de Christophe ne tient que par sa fréquentation des institutions et des « élites ». C’est donc, pour lui, une sacrée chute. A son propos, alors que (bienheureux) il n’a jamais glorifié les amis du Petit Père du Peuple, on ne peut dire qu’il tombe du pied des Stals.
Puisque la règle du journalisme -si bien enseignée et défendue par Christophe- l’exige, je vais donc apporter mon témoignage. Et ne dites pas à ma mère que je suis pianistes dans un bordel, elle croit que je suis journaliste sous RSF. Ainsi donc, le 21 octobre 2000, à Ramallah, tandis qu’une balle de M16 israélien volait avec ardeur vers mon poumon gauche, j’ai eu le temps de me dire : « Bon, je vais au tapis mais (merci le diable et Robert Ménard) Reporters sans Frontières sera là pour me relever ». En cas de malheur, quand vous êtes journaliste, « correspondant de guerre » comme ils disent, vous êtes imprégné, instruit du total support que vous pouvez attendre de l’ONG sans frontières. Très mal en point mais même pas mort, j’ai pu constater l’incroyable soutien qu’a délivré RSF à mon endroit : rien. Mais pourquoi ? Parce que je n’avais pas reçu la bonne balle, y’avait erreur comme parfois chez Colissimo. S’ils étaient des soldats, homologués par les penseurs du bien comme des fascistes, je veux dire les Serbes qui m’avaient collé la même balle... Là, le bronze était prêt pour ma statue, dressée dans le jardin de Ménard, chaud encore, bouillant à glouglous. Mais là, être touché par du 5,56 lancé par un fonctionnaire admirable d’Etat démocratique (Israël), c’était inconcevable pour RSF. Donc sûrement ma faute.
Poussé au cul par mon avocat, l’admirable et si patient William Bourdon, le Ménard (alors chef de compagnie de RSF) a été contraint, dans mon dossier, de se porter « partie civile », pour « tentative d’assassinat volontaire ». Incrimination qui le mettait en transe. Comment le petit Robert pouvait-il expliquer sa trahison judiciaire à ses amis israéliens ? J’ignore par quelle génuflexion le pitre, aujourd’hui de Béziers, s’est fait pardonner ? Mais je n’ai plus entendu parler de RSF. Sauf en 2012, dans un lapidaire communiqué, toujours publié sous la pression de Bourdon. J’ai donc été un reporter sans RSF. Et c’est avec le courageux et efficace support du Syndicat National (SNJ) et la Fédération Internationales des Journalistes (FIJ), que j’ai continué mon combat devant les juges. Il dure depuis 20 ans et est censé s’achever le 5 janvier 2021. Vingt ans après comme le dirait le vicomte de Bragelonne.
Et je tire une grande satisfaction que ces défenseurs en peau de lapin m’aient ignoré. Le dernier avatar de cette ONG amie de l’OTAN et des néoconservateurs américains le démontre : le 19 mai 2019, à Tel Aviv en présence du président israélien, RSF a reçu le Prix Dan David. C’est étonnant comme un million de dollars suffit à ramollir la morale. Et RSF a un énorme besoin d’argent, tant la PME est lourde. Ménard, lui, était bien plus doué pour rabattre les dollars venus de Washington (ceux de la NED), ou de l’extrême droite cubaine exilée à Miami. A ce sujet, pour pénétrer à l’intérieur de cette machine qui ressemble à l’éléphant d’acier qui se balade parfois dans les rues de Nantes, sautez sur le livre de Vivas « La Face Cachée de RSF » chez Aden éditions. En dépit de sa barbe Maxime met l’ONG à poil.
A Tel Aviv, sous les hourras de l’ambassadrice de France, Deloire est resté ferme sur le principe en recevant un Prix patronné par un criminel de guerre : Henry Kissinger. Bravo Christophe, tu es un saint. Petit drame, il faut partager les sous avec un pseudopode du milliardaire Georges Sorros. Un faucon américano-canadien qui tient boutique de l’ultra libéralisme à l’université de Budapest. Savoir que ce personnage a approuvé toutes les guerres américaines doit consoler Deloire dans son devoir de partage. Compter les dollars avec un tel compère, ça fait monter le cours de l’honneur. Le président de RSF, piètre Haski, et des éminences du Conseil comme Paul Moreira, des gens intraitables avec les principes quand ils leur conviennent, doivent ressentir un peu de la joie de Christophe. Un garçon enthousiaste mais qu’il faut aider puisque, outre l’enfant Jésus, il doit aussi porter la lourde engeance de RSF sur le dos.
Les Palestiniens, qui sont des cons, n’ont rien compris au combat de RSF et ont protesté contre ce « Nobel » remis à Christophe : « Le fait que Reporters sans frontières ait reçu ce prix porte tristement atteinte à sa crédibilité. En réalité, recevoir un prix pour « la démocratie » en présence de Reuven Rivlin, président du régime israélien qui a voté, en juillet dernier, la Loi sur l’Etat-nation qui institue officiellement l’apartheid, n’aide pas la démocratie, bien au contraire. » Allons bon. Jamais contents ceux-là. Catherine Hall est elle aussi est une emmerdeuse. Cette historienne et féministe anglaise d’University College de Londres a refusé les dollars de Dan.
La dernière fois que j’avais pris Deloire en flagrant délit de braconnage, c’est en 2013. A la lecture de nouvelles venues du Gabon j’avais constaté que notre mètre-étalon de la déontologie s’en était allé faire la quête chez l’exemplaire Ali Bongo. Pour l’excuser disons qu’il n’était pas seul dans cette battue, puisque le leader était une petite bande attachée à Libération, organisatrice d’un Forum qui, on le sait aujourd’hui (le Parquet National Financier enquête), lui a rapporté 3,45 millions. Associé à cette entreprise démocratique, on ignore en revanche combien RSF a tiré de sa mission civilisatrice... Tout cela pour vous indiquer que Deloire a autre chose à faire que de s’occuper d’un journaliste qui s’est fait flinguer par Israël.
La mécanique de RSF est semblable à celle des éoliennes, faire du vent pour en tirer de l’énergie. Il faut paraître, passer à la télé, émouvoir, protester pour affirmer la posture du défenseur de presse. Porter des « vestes de reporters » même pour aller au « Zéphyr » boire un coup sur les boulevards. Après il faut espérer recevoir assez d’argent pour faire vivre la boutique. Vous l’avez bien compris le dollar ne vient que si l’ONG soutien la démocratie, celle de Dick Cheney, de Paul Wolfowitz et autres néo-cons qui ont fait suite. Et ainsi on pérore sans honte et en toute liberté lors de raout organisés par French American Foundation, une officine de la CIA. Ainsi, à Bayeux, où RSF patronne un barnum sur le thème des « correspondants de guerre », un Prix a été remis à Bilal Abdul Karim, magnifique homme de presse mais aussi djihadiste à ses heures gagnées. Un supporteur de « rebelles syriens », ça ne se conçoit pas sans Prix. On comprendra donc, qu’assassiné en 2003 par les forces américaines, occupées à détruire l’Irak, la mort de notre confrère espagnol José Couso Permuy, n’ait pas reçu un vif soutien de RSF. Au point que sa famille a demandé à l’Organisation « Non » gouvernementale, de se tenir au large.
On notera qu’avec Deloire RSF s’est un peu intéressé à un OVNI, la presse française. Les journaux de l’hexagone étant aussi des bailleurs de fonds de Ménard, ce dernier n’était pas assez sot pour les critiquer. Mais plutôt à les aider en dénonçant les vrais ennemis des journalistes tricolores, les énergumènes de banlieue. En son temps, Ménard a osé publier tout un « rapport » afin de nous révéler que le beur, qui recevait si mal le si bien disposé caméraman de BFM, était vraiment un disciple de Pol Pot, le vrai ennemi de la liberté de presse. Deloire a sans doute mal tourné cette page, était-elle collée ? Il reste que, pour lui, la porte était fermée de l’Intérieur. Qu’avec l’argent de ses dommages et intérêts il s’offre un trampoline, il pourra rebondir.
Jacques-Marie BOURGET
EN COMPLEMENT
De Maxime Vivas
De par ses statuts et des fonds qu’elle reçoit en provenance de nos impôts, RSF est tenu de publier sa comptabilité. Elle ne l’a jamais fait. Sous Ménard, on avait quelques chiffres : noms de sponsors, histogrammes et camemberts pas trop détaillés. Sous Deloire, c’est encore moins. On ne sait pas si les industriels, les ministères français, l’UE, la NED (National Endowment for democracy, un paravent de la CIA) ou le CFC (Center for a free Cuba, dont le but unique est de renverser le gouvernement cubain) qui arrosaient RSF continuent à le faire. Quand je préparais mon livre sur RSF, j’ai écrit à Ménard en exigeant des détails sur son organisation. C’est son bras droit, Jean-Julliard qui m’a répondu (il lui a succédé un temps avant de devenir patron de Greenpeace).
Quand j’a publié le détail des dollars, années par années, reçus par RSF, Ménard n’a pu me traduire en Justice. Il en avait une envie folle, pourtant : il m’a menacé publiquement 4 fois de le faire.
Jacques-Marie Bourget met l’accent sur une des raisons pour lesquelles les syndicats de journalistes détestent RSF : Sous une apparence de syndicat, RSF de Ménard s’est abstenue, pendant 25 ans de défendre les journalistes français ou les journaux tombant aux mains des milliardaires. Ménard, (naïf ? cynique ?) s’en est expliqué : pour être médiatisés, pour recevoir de l’argent, il ne faut pas toucher aux patrons de médias et aux milliardaires. Mieux vaut, disait-il taper sur les médias en Bosnie ou en Tunisie. Et l’argent de la NED faisait interdiction à RSF de toucher aux USA (dont Israël est l’allié).
Pour conclure, et même si Deloire est obligé désormais de recentrer un peu, en apparence, RSF sur la France, il est pire que Ménard. On ne croyait pas cela possible.
MV