RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Georges Ibrahim Abdallah sortira-t-il de prison avant Fourniret ?

Abdallah est un otage détenu par la France, afin de complaire à Washington et Netanyahou. Le 29 octobre le combattant libanais passera le cap des 36 années d'emprisonnement, et est libérable depuis 21 années. Mais la punition ne suffit pas à Washington pour laquelle il n'est de bons morts que ceux assassinés par des drones, des chasseurs, des bombes ou des missiles à bannière étoilée.

Imagine qui veut Sisyphe heureux, bien aise de pousser son inusable caillou, mais nous qui sommes d’autres Sisyphe, sommes profondément malheureux. Enragés d’être assignés à brouetter notre impuissance, à porter des banderoles sur le macadam, à écrire, à crier afin que l’otage de la France, Georges Ibrahim Abdallah (« GIA »), sorte de prison. Ce que nous faisons est inutile mais nous continuerons de le faire. A long terme une affaire de dignité : la justice n’est pas rendue par des pékins recouverts de robes noires, mais par le temps, celui de l’histoire. Après la mise à nu de vieilles archives, des chercheurs attesterons un jour que pas un soleil ne s’est levé sans que nous n’ayons pensé à la liberté d’Abdallah. Un militant libanais du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) âgé de 69 ans, emprisonné depuis le 24 octobre 1984 (36 ans), et « libérable » depuis le 27 octobre 1999. Soit onze années d’enfermement abusif. Et les murs de sa cellule de Lannemezan ne sont pas assez vastes pour que le prisonnier puisse y dessiner la marque de chacun des jours.

Dès que le Liban réapparait dans les titres de haut de page, comme il le fait avec la nouvelle tragédie en cours, nous rêvons que le vieux et intransigeant combattant soit rendu à sa terre. Que parmi les satrapes qui président aux pillages de son pays, depuis leurs palais de Beyrouth, l’un va se réveiller et être assez puissant pour cracher aux petits costumes venus de Paris : « on veut bien écouter les mots de la France, mais libérez d’abord notre otage ». Parfois je suis allé serrer les mains de ces hommes qui n’en sont pas, afin de poser une seule question, celle de la libération de leur compatriote. Rien. Personne n’est un compatriote dans un pays qui n’est qu’une moussaka d’intérêts individuels. J’ai fait parvenir ma question à Michel Aoun, un homme qui affirme présider un Etat, et que j’ai jadis connu habillé en général, terré au septième sous-sol du palais de Baabda, quand les obus tombaient un peu trop. Pas de réponse du « Héros de Souk en Gharb ». Tous ces chefs tribaux ont trop de travail : s’occuper de leurs avoirs, de leur famille et des amis, de la fuite d’eau dans l’appartement de Cannes ou Paris, ça prend du temps et demande de la vigilance. Pas une minute pour Abdallah, l’un des rares combattants qui puisse faire mémoire dans la légende du pays.

En 1982, quand Reagan donne blanc-seing à Sharon afin d’exterminer en un « acte de génocide » les réfugiés des camps de Sabra et Chatila, et que des étrangers venus de l’Occident campent pour faire la guerre dans son pays, Abdallah décide d’ouvrir un nouveau front chez les envahisseurs. Le contre-champ de bataille sera principalement en France. Abdallah, nous dit la Cour antiterroriste, justice d’exception à la française, est le chef des FARL les « Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises » qui auraient éliminé un agent du Mossad, un de la CIA, et blessant un autre fonctionnaire de la même agence. Voilà pour la guerre d’Abdallah, et ce côté « planétaire » qu’il entendait donner à sa lutte ne lui sera jamais pardonné. Les occidentaux sont légitimes en allant ouvrir des conflits chez les autres, mais qu’un illuminé ne s’en vienne pas élargir le front. Là nous tombons dans le terrorisme. Avec la poursuite de ses guerres néocoloniales, l’Occident joue à chat perché, je tue qui je veux dans le monde, mais si le boomerang revient chez moi, là je crie « perché ». La mort est pour les autres, si loin qu’on ignore qui ils sont.

L’arrivée d’Emmanuel Macron, comme nouveau mandataire du Liban, laissait penser à quelques crédules que la libération d’un citoyen libanais détenu abusivement depuis vingt et un ans chez nous, serait un premier geste, comme les chocolats offerts d’entrée à la maîtresse de maison. Rien, ni fleurs ni couronnes. Par des courriers comminatoires, pour l’essentiel venus d’Hilary Clinton, les USA ont toujours exigé la prison à, vie, c’est-à-dire à mort, pour Abdallah. Les israéliens étant moins pressants dans ce dossier, convaincus d’assassiner le militant marxiste dès sa libération. Bref, forgée à Washington par ces maîtres-là, la doctrine française reste la même : une mort lente en cellule. Etrange pourtant cette phrase de Macron alors qu’il était interrogé à Beyrouth sur le sort d’Abdallah. Répondant à une question le président français a lancé une phrase dont la fin est restée noyée dans sa gorge : « Il faut pour cela qu’Abdallah signe... ». Signe quoi ? L’élève des jésuites exige-t-il la signature d’un pardon ? Afin d’obtenir la rédemption des péchés ? Que veut-il ? A partir de 1980 Abdallah a agi en toute cohérence et lucidité, « je vais faire la guerre chez eux à ceux qui nous la font chez nous ». Certain de la justesse de son choix, on ne voit pas quelle contrition il pourrait formuler aujourd’hui. Chez celui qui devient un vieil homme, les idées sont intactes.

Démontrée par chacun de ses mots, la méconnaissance qu’a Macron de l’histoire du Liban risque de conduire à un nouveau conflit, dans lequel le cas Abdallah va se perdre. Croyant agir, alors qu’il frappe des poings comme un lapin sur son tambour, le président français s’en tient à réciter des fiches Wikipédia, alourdies de quelques fautes gribouillées par ces diplomates néoconservateurs qui peuplent les étagères du Quai d’Orsay. Dans le drame libanais son unique domaine de compétence est le dossier concernant ces banquiers qui ont transformé leur pays en Titanic. Soyez certain que personne ne lui conseillera de convoquer Jonathan Randal à l’Elysée, afin que cet immense journaliste et écrivain (qui vit en France) lui détaille son expérience, celle rapportée dans un livre toujours actuel bien que publié en 1984, « La Guerre de mille ans ». Ouvrage qui décrit la prise de contrôle du pays par la presque totalité des potentats claniques chrétiens maronites, cela aussi bien en politique qu’en économie. Sorte de coup d’état sans le nom qui va les conduire, avec la bienveillance de Washington et Tel Aviv, à envisager la création d’un état chrétien au cœur même du Liban. Autres mots, qu’Emmanuel Macron devrait écouter les yeux fermés, ceux sortis de la bouche de Georges Corm, l’universitaire essentiel, auteur par exemple du « Proche Orient éclaté ». Ce vieil intello désespéré connait les racines de la misère, celles qui poussent son pays vers une disparition qui s’annonce.

Dans un tel chaos, avec si peu de lumière pour éclairer la scène, on ne peut raisonnablement prévoir la sortie de prison de George Ibrahim Abdallah qu’après celle de Michel Fourniret.

URL de cet article 36537
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Éric Dupont-Moretti : "Condamné à plaider"
Bernard GENSANE
Il a un physique de videur de boîte de nuit. Un visage triste. De mains trop fines pour un corps de déménageur. Il est toujours mal rasé. Il sera bientôt chauve. Parce que ce ch’ti d’origine italienne est profondément humain, il est une des figures les plus attachantes du barreau français. Il ne cache pas sa tendance à la déprime. Il rame, il souffre. Comme les comédiens de boulevard en tournée, des villes de France il ne connaît que les hôtels et ses lieux de travail. Il a décidé de devenir avocat le (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Je pense que l’un des grands défis des Occidentaux, c’est d’être capables de mettre le curseur sur des forces politiques que l’on va considérer comme fréquentables, ou dont on va accepter qu’elles font partie de ce lot de forces politiques parmi lesquelles les Syriennes et les Syriens choisiront, le jour venu. Et je pense que oui, l’ex-Front al-Nosra [Al-Qaeda en Syrie - NDR] devrait faire partie des forces politiques considérées comme fréquentables »

François Burgat sur RFI le 9 août 2016.

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.