RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Le dilemme palestinien, ou devrais-je dire le polylemme...

Majed Bamya , écrivain, poète et diplomate palestinien, a étudié le droit international à Panthéon-Sorbonne

« D’accord, très bien, mais dis-nous, toi, ce que diable tu crois que nous devrions faire. »

C’est ce que j’ai envie de dire à chaque discussion que j’ai avec quelqu’un qui me dit ce que nous ne devrions pas faire.

Pour l’amour de Dieu, nous ne sommes pas la première nation à lutter pour la liberté. Examinez chaque lutte contre l’oppression de quelque nature que ce soit et dites-moi pourquoi ce que vous considérez comme légitime dans tel cas est illégitime si les Palestiniens le pratiquent. Choisissez un moyen de défense et dites-nous que vous nous soutiendrez si nous y recourons et que nous l’utilisons. N’importe quel fichu moyen.

La résistance armée ? Soyons honnêtes, c’est le moyen par lequel de nombreuses nations ont recouvré la liberté, et cela leur convenait. Si nous respectons les règles du droit international humanitaire, soutiendrez-vous notre droit à la résistance armée ? Vous voulez dire « non », pourquoi pas ? Vous la soutenez aujourd’hui dans tant de pays. Dans notre cas, ce n’est pas appelé résistance armée, c’est appelé violence, et la violence est mauvaise, toujours quand nous l’utilisons, pas si souvent quand c’est Israël. Ça semble injuste, mais je suis partisan d’une action pacifique, nous avons donc encore quelques options devant nous.

D’accord, essayons-en une autre

La résistance pacifique ? Oui, vous soutenez cela, mais le fardeau de la preuve du caractère pacifique de nos manifestations incombe à nous, pas à ceux qui tirent sur les manifestants. Et s’il y a une personne dans la manifestation qui n’est pas pacifique, eh bien vous ne pourrez pas vraiment vous opposer à ce que Israël tire sur n’importe qui et tout le monde. Vous pourrez appeler cela une réponse disproportionnée, mais vous n’irez pas plus loin. Et si la manifestation était en fait 100% pacifique et qu’Israël tirait sur les manifestants. Eh bien, vous appellerez cela une réponse disproportionnée et vous ajouterez peut-être quelques mots de plus à votre déclaration.

Que se passe-t-il si quelqu’un dans la manifestation jette une pierre, d’une distance de plusieurs dizaines de mètres sur des militaires entièrement protégés ? Vous regretterez ou condamnerez la violence. Ailleurs, vous dénonceriez la répression, mais ici, vous appellerez les deux parties à observer le calme, les civils sans défense comme les tueurs en uniforme. Et vous réitérerez votre attachement au droit inconditionnel d’Israël à la sécurité. Un droit unilatéral qui se traduit par un privilège absolu de tuer des Palestiniens, qu’on le veuille ou non. Et si vous vous le demandez, oui, c’est raciste.

D’accord, essayons un autre moyen

Le BDS. Voilà qui est certainement un moyen pacifique. Et il a été salué comme l’un des outils qui ont fait tomber l’apartheid. Nous ne pouvons certainement pas nous tromper avec celui-ci. Attendez quoi ! certains d’entre vous considèrent que c’est criminel, antisémite, et aucun d’entre vous n’est prêt à le soutenir. Comment est-ce arrivé ? Je veux dire que nous pourrions débattre de la bonne justification et de la portée du BDS, mais nous ne pouvons pas simplement le rejeter comme un outil, non ? Même si le BDS est dirigé contre un État en raison de ses violations du droit international et pour soutenir la liberté et l’égalité, il est toujours répréhensible pour vous ? OK donc nous n’aurons pas votre soutien et peut-être aurons-nous votre réprobation, ce qui est absurde, mais tant pis. Au moins, vous ne nous combattrez pas. Quoi ? Vous sanctionnerez ceux qui soutiennent le BDS sans rien faire contre les criminels de guerre ? Là ça devient difficile.

D’accord, essayons un autre moyen

Allons-y pour des sanctions ciblées, qui se concentrent sur des politiques particulières et sur ceux qui en sont responsables. Une telle approche ciblée ne peut en aucun cas être qualifiée de raciste ou d’antisémite. Que voulez-vous dire, vous ne pouvez pas faire de sanctions ? Mais vous les faites partout ailleurs. Pas quand il s’agit d’Israël. Malgré 70 ans de crimes.

D’accord, essayons-en un autre

Peut-être allons-nous demander des comptes, y compris via la justice internationale. Pourquoi n’accueillez-vous pas favorablement cette démarche ? Pourquoi ne nous soutenez-vous pas pour y parvenir ? Eh bien, au moins, vous ne mettrez pas d’obstacles sur notre chemin. Attendez. J’ai de nouveau parlé trop vite. Certains d’entre vous pensent que pour des raisons politiques et techniques, nous ne devrions pas être en mesure de demander des comptes. Vous pouvez utiliser n’importe quelle couverture, ce que vous cherchez, c’est préserver l’impunité israélienne. Pour d’autres, cela coûte trop cher sur le plan diplomatique. Certains disent même que cela pourrait entraver les efforts de paix. De quels efforts de paix parlent-ils ? Les crimes de guerre et les efforts de paix sont donc compatibles, mais juger les criminels de guerre ne serait pas compatible avec la paix. Est-ce moi qui suis fou, ou bien n’avons-nous pas vraiment l’impression que les gens ont perdu la raison ?

Alors permettez-moi de clarifier les choses, vous soutenez les droits des Palestiniens, vous voulez la paix pour la Palestine et Israël, mais nous ne pouvons rien faire de pratique et de concret pour y arriver ? Je veux dire clairement que vous prenez position et que vous utilisez la diplomatie et que vous apportez votre aide, mais si vous ne l’avez pas remarqué, Israël applique un ensemble de règles très différent, et je ne me souviens pas qu’une puissance coloniale se soit réveillée un jour en se disant « vous m’avez convaincu, je vais mettre fin à l’occupation et vivons en paix ». Si tel est le plan, acceptez que les Palestiniens n’y souscrivent pas. Mais attendez, je suis injuste, il y a un moyen auquel nous pouvons recourir.

Les négociations

Alors bien sûr, des négociations sont nécessaires mais vous m’expliquerez comment avec l’asymétrie actuelle en termes de puissance, avec le droit accordé à Israël sous prétexte de sécurité de recourir à la violence unilatérale non contrôlée, avec l’immunité dont il jouit pour tous les crimes qu’il souhaite commettre, y compris la poursuite de ses politiques coloniales, et avec la criminalisation de toutes les formes de résistance auxquelles d’autres nations ont recours lorsqu’elles sont pratiquées par des Palestiniens, comment pourrons-nous parvenir au point où Israël voudra négocier un accord de paix juste et durable. Ils tirent tous les bénéfices de la situation, nous en supportons le coût, alors que ce devrait être l’inverse.

Alors la prochaine fois que vous penserez savoir ce que nous ne devons pas faire, prenez une minute et dites-nous ce que diable nous devrions faire. Et demandez-vous honnêtement si sacraliser le droit d’Israël à la sécurité est la bonne chose à faire quand c’est utilisé de façon perverse pour justifier des crimes de guerre, et si criminaliser toutes les formes de résistance palestinienne nous aide à parvenir à la paix.

Traduction AFPS BdB

»» http://www.france-palestine.org
URL de cet article 35724
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Israël/Palestine - Du refus d’être complice à l’engagement
Pierre STAMBUL
Entre Mer Méditerranée et Jourdain, Palestiniens et Israéliens sont en nombre sensiblement égal. Mais les Israéliens possèdent tout : les richesses, la terre, l’eau, les droits politiques. La Palestine est volontairement étranglée et sa société est détruite. L’inégalité est flagrante et institutionnelle. Il faut dire les mots pour décrire ce qui est à l’oeuvre : occupation, colonisation, apartheid, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, racisme. La majorité des Israéliens espèrent qu’à terme, les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Quand l’ordre est injustice, le désordre est déja un commencement de justice.

Romain ROLLAND

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.