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En offrant une vie bonne et juste, la gratuité est révolutionnaire

Liberté, égalité, gratuité

Le site LGS partenaire du Forum national de la gratuité qui aura lieu le samedi 5 janvier 2019 à Lyon publie la conclusion du livre-manifeste Gratuité vs capitalisme (Larousse). Tous les partis et mouvements des gauches et de l‘écologie vous donnent rendez-vous le samedi 5 janvier pour fêter la gratuité ! Construisons la gratuité et l’espoir, construisons la sortie du capitalisme !
Toutes informations sur le site :
Appelgratuite.canalblog.com

La gratuité tire les leçons des échecs des politiques d’émancipation depuis du 20e siècle. Tout appel au sacrifice au nom du bonheur des générations futures se conclut dans le sang. Nous ne croyons plus aux lendemains qui chantent car nous voulons chanter au présent. Cette bonne nouvelle possède à la fois un fondement matériel et un fondement idéel. La planète est déjà bien assez riche pour permettre à sept milliards d’humains de vivre bien. Les nouveaux gros mots de l’émancipation (buen vivir sud-américain, plus vivre négro-africain, écologisme des pauvres en Inde) montrent que les peuples ne désirent pas « toujours plus ».

Au terme de ce voyage aussi gourmand que gourmet au sein des expériences de gratuité, qui sont autant de laboratoires d’un monde en gestation, je crois nécessaire d’établir dix grands repères permettant d’avancer, dès maintenant, vers une civilisation de la gratuité.

Gratuité ou barbarie
La gratuité est une réponse à la crise systémique qui menace l’avenir même de l’humanité. C’est bien parce que la planète est en feu qu’il convient de changer de paradigme dominant. C’est bien parce que notre civilisation meurt qu’il faut observer les alternatives émergentes. Le monde actuel court à sa perte mais d’autres mondes peuvent déjà s’y substituer. Le meilleur n’est pas certain comme le prouvent les projets d’adapter la planète et l’humanité aux besoins qui sont ceux du capitalisme mais le pire peut être évité grâce à la gratuité. La gratuité n’est pas toute la solution mais elle a le mérite de rouvrir le champ des possibles.

C’est bien parce que l’eau potable devient plus rare que nous devons la rendre gratuite ; c’est bien parce que les transports sont responsables d’une part essentielle des émissions de CO2, qu’il faut basculer des transports individuels aux transports en commun gratuits ; c’est bien parce que nous devons apprendre à manger mieux en émettant moins que la restauration scolaire, et demain toute la restauration sociale, devront être gratuites. La gratuité en changeant la règle du jeu redistribue les grandes cartes civilisationnelles. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à ne jamais céder au désespoir qui ne peut susciter que des colères mais à montrer qu’existent déjà des petits-bouts d’autres civilisations au sein même de celle-ci, des formes de vie pré-capitalistes et post-capitalistes qui peuvent rendre l’espoir.

Gratuité versus marchandisation
La gratuité répond certes à un certain nombre d’urgences sociales, écologiques, politiques, mais elle le fait en proposant non pas seulement des solutions aux multiples crises que provoque la marchandisation, mais en considérant que c’est la marchandisation elle-même qui est en crise et que nos réponses doivent donc ouvrir des voies de démarchandisation. La gratuité est donc plus révolutionnaire que tous les projets généreux de revenu d’existence puisqu’elle ne se fonde pas sur la thèse contestable de la « fin du travail » mais est une réponse à la crise du processus de marchandisation lui-même ce qui vise plus loin/grand. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à engager dès maintenant la réflexion pour commencer à construire dès maintenant des petits bouts d’une société de la gratuité. Ces îlots de gratuité deviendront demain des archipels, des continents, un nouveau monde.

La gratuité existe toujours !
La gratuité n’a pas disparu contrairement à ce que clament les chiens de garde du système. Le poète Arthur Rimbaud invitait, au 19e siècle, à redevenir des voyants pour pouvoir agir. La même urgence existe, aujourd’hui, consistant à rendre visible cette part de gratuité invisible. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à engager, dès maintenant, l’inventaire de tout ce qui subsiste de gratuit dans nos existences, dans ce que nous construisons ensemble, mais aussi dans les territoires de la République, afin de reprendre la main idéologiquement. Des villes ont déjà commencé à lister tout ce qui demeure gratuit et que nous ne voyons plus : les voies publiques, les places, jardins et parcs, les aires de jeux pour les enfants, les jeux de boules, le mobilier urbain, les protections devant les arrêts de bus, les écoles, les centres aérés, les dispensaires médicaux, les services administratifs, le soutien scolaire, les animations, les points cyb et les digital cities, l’accompagnement à la rédaction des CV et lettres de motivation, les Maisons de la justice et du droit, les déchetteries, les prêts de vélos, l’enlèvement des tags, des épaves (véhicules), les décorations florales, le stationnement, les conseils gratuits en architecture ou en aménagement paysager, les spectacles vivants, les baignades surveillées, les permanences d’assistantes sociales, de conseillères en économie sociale et familiale, la police municipale, les toilettes publiques, les fontaines d’eau y compris pétillante, avec eau froide ou à température ambiante, etc.

Une gratuité construite
La gratuité constitue une façon de faire société, bénéficiant, certes, des gratuités naturelles, mais résultant surtout d’un effort constant de construction collective dans tous les champs. La gratuité est économiquement, socialement, politiquement, écologiquement, construite ! Cette gratuité s’invente tout en fabriquant une société des usagers maîtres de leurs usages. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à mettre en commun leurs modes d’emploi, sans rien cacher des difficultés et des échecs, sans taire non plus les succès petits et grands.

La gratuité du bon usage
La gratuité ne concerne pas seulement le vital mais tous les domaines de l’existence. La gratuité n’est pas vouée à demeurer l’exception face à la marchandisation qui serait la

règle. Mais il ne s’agit surtout pas de laisser croire que tout pourrait devenir gratuit demain mais d’instaurer la gratuité du bon usage face au renchérissement du mésusage. J’incite les lecteurs, les citoyens, les élus à créer des collectifs d’usagers dans tous les domaines pour définir démocratiquement, en tenant compte du savoir scientifique, ce qui, dans l’état actuel de la société doit être gratuit, renchérie et de quelle façon et ce qui doit être interdit.

La gratuité humanise !
La gratuité n’est dévalorisée socialement que dans la tête des mercenaires du capitalisme puisque les gens partagent majoritairement, au contraire, une bonne image de la gratuité. Ce qui nous reste le plus cher, l’amour, l’amitié, l’engagement, est sans valeur marchande ! Les Français ont une relation d’attachement instinctive à leurs services publics locaux. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à contester systématiquement l’idée que ce qui serait sans valeur marchande n’aurait aucun prix aux yeux des humains et je les invite aussi à instruire le procès de la marchandisation en dénonçant systématiquement ses méfaits.

La gratuité responsabilise !
La gratuité responsabilise alors que l’échange marchand déresponsabilise. Cette thèse iconoclaste se vérifie dans tous les domaines, de l’existence individuelle à la société. Que je sache l’alimentation mondiale n’est pas gratuite et pourtant les producteurs et consommateur gaspillent presque 40 % de ce qui est produit à tous les stades de l’échange !

Les usagers des bibliothèques gratuites sont plus nombreux mais empruntent moins d’ouvrages, signe que la gratuité permet d’en finir avec le désir d’en avoir pour son argent, les usagers de l’eau gratuite en consomment également beaucoup moins. La gratuité conduit au-delà du marché donc des comportements pervers des consommateurs ! J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à montrer concrètement comment la gratuité améliore la qualité de vie, comment elle permet de réaliser des économies, de faire la chasse au gaspi.

La gratuité ou le choix de la démocratie
La gratuité est l’inverse d’une robinsonnade dans la mesure où elle a besoin des autres. La gratuité est une construction collective qui impose la participation du plus grand nombre. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à faire le choix du toujours plus de démocratie, à créer les conditions pour avancer vers une société des usagers maîtres de leurs usages, à ne jamais séparer l’extension de la sphère de la gratuité de celle de la démocratisation.

La gratuité un projet universel
La gratuité n’est pas une lubie de gosses de riches car ceux qui en parlent le mieux sont les peuples du Sud et les premiers bénéficiaires en seront incontestablement les plus pauvres. Mais la gratuité s’adresse à tout le monde puisqu’elle est par principe inconditionnelle, les logements sociaux gratuits seront

comme l’école aujourd’hui accessibles à tout le monde, sur le modèle de ce que pratiquent déjà les pays scandinaves permettant ainsi de sortir de la logique des ghettos tout en faisant bénéficier toute la société des potentialités écologiques, sociologiques, anthropologiques qui restent celles, majoritairement, des gens ordinaires. La gratuité tire tous les enseignements du courant économiques de l’économie du bonheur en montrant qu’une société de partage permet même aux riches d’être plus heureux. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à construire des convergences entre l’ensemble des territoires locaux, régionaux, nationaux, européens et mondiaux.

Le « plus à jouir » de la gratuité
L’air du temps est à l’austérité, au sacrifice, au grand repli sur soi, au retour de la xénophobie, à la recherche d’un nouveau pouvoir fort, à la montée des passions tristes. La gratuité campe du côté des passions joyeuses et donc d’un « plus à jouir » collectif. On peut, en effet, reprocher tout ce qu’on veut

au capitalisme destructeur mais il faut bien reconnaître que cette société de consommation nous fait majoritairement jouir. Il existe de la jouissance à consommer toujours plus, même si on peut légitimement juger que cette jouissance est une mauvaise jouissance car fondée sur l’accumulation et le pouvoir. Nous ne dépasserons cependant cette forme de jouissance que si nous sommes capables de lui opposer une autre jouissance, encore plus jouissive, la jouissance d’être et non plus d’avoir. J’invite les lecteurs, les citoyens, les élus à inventer déjà d’autres façon de faire de la politique qui ne reproduisent pas les relations de pouvoir qui caractérisent le monde dominant, qui donnent envie de s’engager, de construire ensemble, d’oser la gratuité. Je ne sais pas si la gratuité est festive parce qu’elle relève de la transgression des règles dominantes ou parce qu’elle suscite, en elle-même, ce caractère festif, mais je peux témoigner que l’extension de la sphère de la gratuité instaure toujours un esprit de fête. N’existent que deux façons de faire de la politique : soit jouer sur le ressentiment et la peur (de l’autre, de demain), soit miser sur l’espoir, sur le grand désir de vivre ! Le philosophe Gilles Deleuze soutenait que seul le désir est révolutionnaire.

La gratuité est donc révolutionnaire, car elle est du côté du vivant, de ce qui rend l’espoir d’une vie bonne et juste.

Paul ARIES

Et voir dans le Monde Diplomatique, novembre 2018 : « Eloge de la gratuité » par Paul Ariès.

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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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