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En bas des tours du business

Préambule : J’ai pendant des années développé dans des textes de nature technique une analyse du capitalisme, visant à démontrer la cause de ses déséquilibres, dénommés crises. Quelques-uns de ces textes sont parus dans les colonnes du Grand Soir. A force de répéter les mêmes analyses, j’ai cherché à écrire autrement, de manière plus littéraire. Le texte qui suit est une description tout juste romancée de la réalité de mon environnement de travail. En fait, chaque salarié peut voir les mêmes choses que moi, mais peu d’entre eux, du fait de « l’idéologie qui endort et asservit », les observent réellement pour en faire une lecture socio-politique. Comme haut cadre fonctionnaire à 2 ans de la retraite, à la limite, je n’ai pas à me plaindre, mais je dois dire que je ne supporte plus ce système d’esclavagisme rampant et c’est ce qui me fait réagir de manière aussi sensible. Chaque violence urbaine que mes yeux distinguent me glace d’effroi et me pousse à écrire instantanément l’insupportable de la situation, juste pour montrer ce que personne ne voit ou refuse de regarder, car cette violence de l’urbanisme érigé en système (« métropolisation des rapports sociaux »), a des causes profondes, de nature politique. Sous ce texte romancé, c’est ce soubassement politique que je dénonce. J’espère que les lecteurs du Grand Soir y trouveront matière à réflexion. Tel est le tréfonds de ce texte.

* * *

Il était une fois, dans la plus grande métropole du royaume présidé par Jupiter, des tours aux vitrages bien opaques. Celles-ci sortaient de terre à la vitesse de l’éclair, tellement l’immobilier spéculatif était initialement arrosé de fonds publics, au point qu’à la Joliette les costards-cravates du business se substituèrent aux bleus de travail auparavant dominants. Le midi, on n’entendait parler que de process, d’input, de deadline et autres anglicismes du marché libre. Cependant, pour celles et ceux qui trimaient, les bureaux calfeutrés de moquette étouffaient tout juste les souffrances subies.

En bas des tours, le « territoire » faisait résonner l’écho d’une mondialisation de langues, tellement les prolétaires du béton armé s’étaient vu appliquer, à « l’insu de leur plein gré » la directive libérale des « travailleurs détachés », de... « L’Europe de l’emploi ».

Pas ou peu de syndicats dans ce monde-là, la compétitivité ayant écrasé ce qui restait de résistance à l’oppression du « tout profit ». Oppression de l’argent pour l’argent, d’une accumulation sauvage et imbécile, destructrice d’humanité et de savoirs vivre, tandis que dehors, sur les trottoirs immaculés, s’entassaient les cohortes de mendiants, aux pantalons rapiécés de Germinal.

On reconnaissait les migrants, exilés des pays en guerre, aux poussettes vides de bébé mais remplies de déchets ménagers mis à disposition dans les poubelles de la gentrification, planifié par des politiques qui ne voulaient plus de pauvres ici-bas. On y croisait aussi les chômeurs aux regards tristes car s’en allant pointer à Pôle emploi pour toucher les allocs de survie.

À midi, l’espace public restant vrombissait des commandes de repas données aux ubérisés du pédalage forcé à toute heure, tandis que des étudiantes au béret aguichant, en publicité moulante, déambulaient en patin roulette sur les terrasses du port.

Les cafés, bondés des clients du jour, donnaient l’impression d’une ruche en suractivité, débordant du pollen à traiter dare-dare, avant que de reprendre obligatoirement le chemin du bureau, au 6ème étage d’une tour anonyme, desservie par le métro vertical.

Pendant que les employés et cadres blancs s’en allaient rejoindre leur foyer dans un immeuble cossu, protégé par digicode individuel, une armée de femmes-esclaves importée d’Afrique prenait possession des bureaux en vue de nettoyer les saletés du jour produites, laissant ainsi leurs enfants travailler seuls leurs devoirs, ou trainer dans les rues à la merci du moindre trafic et règlement de compte.

C’est l’heure à laquelle les voitures du patronat victorieux rugissaient leurs moteurs, rajoutant ainsi à la pollution de l’air déjà saturé, pour rejoindre un conseil d’Administration secret, qui déciderait sans doute de rajouter des tours aux tours, pour boucher l’horizon. Soirée branchée french-tech pouvant se terminer par une sauterie, pas simplement dédiée à rassasier les papilles gustatives...

Pendant ce temps, les trafics, la prostitution, les précarités, les mendicités et les pauvretés métropolitaines se développaient sans fin... En bas des tours du business...

26 Septembre 2017, Fabrice

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Nicolás Gómez Dávila
philosophe colombien

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