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L’homme à la gandoura blanche : un maire qui connaissait son boulot

L’homme à la gandoura blanche et au turban propre, que vous voyez sur la photo, n’était ni un caïd nommé par Charles De Gaulle ni un maire imposé par des redresseurs ou des révolutionnaires du type printemps arabe. Ce maire fut choisi d’une manière juste, transparente et sincère par des hommes honnêtes qui voulaient construire une Algérie libre et indépendante pour des enfants algériens longtemps réprimés par les fils de misérables. Au lendemain de l'indépendance, Abdelkader est désigné magistrat de la municipalité de Sougueur Après cette nomination, il devint le premier maire la circonscription de Sougueur dans une Algérie indépendante. Les idées et le discours de ce fellah dépassaient de loin le discours de monsieur le Maire du VIIIe Arrondissement de Paris, monsieur Victor Hugo en son temps.

Le costume français ne fait pas le maire car la fonction de maire est du savoir-faire. On ne peut bien faire que quand on sait. Un maire qui ne sait rien et connait tout, fera tout pour ne rien faire dans une commune où tout est à refaire. Souvent les gens de mon petit village comparent l’Algérie à la France. Ils se posent cette question : "Pourquoi nous n’avons pas un maire comme Victor Hugo chez nous ?". Cette question me fait revivre l’histoire des petites histoires politiques dans mon petit village après l’indépendance. A cette époque Abdelaziz était professeur d’arabe dans ce village.

Le parcours politique de cet homme de lettres est un peu mystérieux. Pendant la restauration, Victor Hugo soutenait Charles X. Il devient pair de France en 1845. Au début de la Révolution de 1848 qui contraint le roi Louis-Philippe à l’abdication, il est nommé maire du VIIIe arrondissement de Paris, puis député de la Deuxième République. Une fois député, il dénonça la misère française dans un de ses discours.

Dans ce discours, Victor Hugo décrit la misère un peu mieux que les vrais misérables : "Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures fouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver." Ce maire, admiré par certains Algériens, a encouragé les siens à coloniser l’Algérie. Vivant dans une France misérable, Victor Hugo voyait l’Algérie comme la terre d’Eden. Ses écrits sur l’Algérie, décrivant notre pays comme un paradis en Afrique, ont encouragé la venue massive en Algérie d’aventuriers et des terriers sans terre européens.

Les Maires de 1962 étaient des hommes propres au sens propre du terme. Ils étaient nationalistes, patriotiques, courageux et honnêtes. Ces maires étaient choisis par les habitants des villes et des villages d’une manière sincère et bien réfléchie. Aujourd’hui les Algériens se rappellent d’eux et les indiquent dans leurs discussions politiques comme des exemples pour illustrer l’humanisme, le militantisme, le sérieux, l’exactitude et la bonne citoyenneté.

Monsieur Laïdi hadj Abdelkader, le premier maire de Sougueur, est un modèle de ces hommes. Né le 19 juillet 1913 à Aouisset, un hameau situé entre Sougueur et Tiaret, Hadj Abdelkader a poursuivi ses études au lycée Les Palmiers à Oran. Après le décès de son père, Abdelkader arrêta ses études et décida de rejoindre son village natal. Avant la guerre de libération, Abdelkader milita au sein de l’organisation (UDMA) avec Ferhat Abbas. Pendant la révolution, il a joué un rôle actif dans la liaison et l’approvisionnement des moudjahidines. Il fut un fellah exemplaire qui ne connaissait pas le repos.

Les habitants de Sougeur qui l’ont connu de près se rappellent la droiture de ses actes. Les autres parlent de la personnalité impressionnante de ce maire. Le passage de si Abdelkader à la mairie de Sougueur est un héritage. La bonne administration marquée par son instinct politique fait leçon. Sa générosité de responsable à la hauteur de sa tâche mérite d’être racontée aux jeunes de Sougueur et à tous les Algériens qui admirent le naturel. Sa présence dans la commune marque une histoire bien illustrée par honnêteté, la gloire, la clarté et la simplicité dans la gestion des fonds publics.

Le travail exceptionnel de ce maire dans la commune de Sougueur a laissé une image d’un grand homme qui ne connait ni le scandale de la corruption ni le favoritisme de ses seins. Ces deux maux ne se collaient jamais à son portrait. Abdelkader savait qu’une commune est avant tout une société. Il disait souvent à ses proches collaborateurs que sa commune obéissait aux règles générales de l’action sociale. Abdelkader fixait ses objectifs en fonction des moyens mis en œuvre pour la réalisation de ces objectifs. Coexistence difficile à gérer mais Abdelkader sa su comment maintenir son équilibre. Un équilibre d’un homme qui offre volontairement son salaire de maire aux caisses de sa commune pour donner le bon exemple. Si Abdelkader représentait l’Etat dans sa commune, il exerçait des aptitudes déléguées par le conseil municipal et rendait compte aux habitants de sa commune par ses actes et par un comportement de maire qui mérite sa fonction. L’atteinte de ses objectifs était la source de sa motivation et de sa fierté dans le quotidien. Il exerçait sa fonction de maire du village et aimait entendre les gens l’appeler le père des pauvres.

Dans sa commune, l’établissement des objectifs, la clarté d’une vue lointaine, la façon de provoquer l’engagement des membres du conseil municipal et son courage de présenter ses plans n’étaient pas une hypocrisie politique mais une seconde nature. Lorsqu’il voyait un employé mal habillé, il souriait et demandait gentiment à son secrétaire monsieur Benmesbah de dire à ce négligé : « Monsieur le maire aime vraiment bien votre pantalon. Il aime la couleur de votre chemise et adore votre cravate. En revanche il trouve que vos souliers mal cirés ne vont pas du tout avec ce beau pantalon. Monsieur le maire pense que les gens jugent sa commune à travers les souliers de ses employés. Les chaussures bien cirées véhiculent de nombreux indices et messages non-verbaux. Les souliers représentent un excellent miroir de notre caractère. Monsieur le maire est un bon administrateur. Il juge une personne d’après ce qu’elle porte aux pieds sans même avoir besoin de voir le reste. Monsieur le maire pense qu’il est très rare qu’une personne choisisse consciemment des habits ou un modèle de souliers qui renvoient une image différente de sa personnalité. La tête de monsieur le maire se porte bien sous son turban bien plissé et les gens respectent les idées couvertes par ce turban ».

Les coopérants techniques français qui habitaient Sougueur respectaient ce maire. L’actuel adjoint maire de la ville de Lorient en France enseignaà Sougueur de 1966 à 1970. Il confirma la bonté et la compétence de ce maire. Un jour, Abdelkader croise cet enseignant dans les couloirs de la commune. Il s’arrête et le salue. Dans une langue française parfaite il s’exclame. Quel bon vent vous a ramené dans ce lieu monsieur Yves ? Yves répond avec respect « Je suis venu pour enregistrer une naissance. Il s’agit de mon fils Olivier ». Un sourire adéquat à la bouche, Abdelkader répond « Mes félicitations ! Olivier est un enfant de chez nous puisqu’il est né chez nous. Les habitants de Sougueur sont très heureux de voir Olivier parmi eux. Je vous respecte pour votre humble métier d’éducateur dans notre village. Vous êtes venu chez nous pour enseigner à nos enfants la science et les techniques. Les habitants de ma commune savent faire la distinction entre le Français qui portait un fusil pour semer la violence et le Français comme vous qui porte une plume et sème le savoir et le bon comportement. Je vois que vous êtes heureux chez nous et que vous vous êtes adapté très rapidement à nos coutumes villageoises. Vous jouez avec l’équipe du village USMT vous êtes chez vous. Je souhaite bonne santé à la mère d’Olivier. J’espère vous revoir très prochainement au collège.

En son temps, les femmes exerçaient sans complexe le travail des hommes. Le seul moulin à Sougueur était géré par une dame connue sous le nom de Tata. Tata connaissait toutes les familles de Sougueur. Elle se référait au couffin de blé dur que les gamins du village transportaient chez elle pour évaluer les bonnes récoltes. Elle estimait le niveau de vie des familles de Sougueur en regardant la quantité et la qualité du blé moulu chez elle. A cette époque Sougueur comptait 16 000 habitants. Le moulin de Tata se situait à quelques mètres de la maison de monsieur le maire. Tata voyait si Abdelkader presque tous les matins et le saluait à sa manière.

Une nuit de décembre 1966, Sougueur était presque déserte. Cette nuit-là, une nuit froide, une de ces nuits qu’on dirait plus longue que les autres, où la lune parait plus haute, où l’air sec des hauts-plateaux semble ramener dans ses vents glacés un bonhomme de neige venu du sommet de la montagne carrée. Pour ceux qui ne connaissent pas Sougueur, la montagne carrée est une petite montagne située à 10 kilomètres de la commune. Les arbres de cette montagne ont été plantées par monsieur le maire après l’indépendance. Pour monsieur le maire, le Saint Sid El Abed de cette montagne surveille le village. Il épargne le calme du village et protège ses habitants contre les malfaiteurs. Chaque hiver, la neige couvre le village. Le manteau blanc donne au petit village une belle image. Sans mentir, en hiver, Sougueur ressemblait aux petits villages suisses.

Ce jour-là, tôt le matin, Abdelkader surprit Tata par sa visite. Il rentra au moulin pour féliciter Tata du service qu’elle rendait au village dans une journée froide et rude. D’une voix douce et polie monsieur le maire s’adressa à Tata et dit « merci d’avoir respecté votre travail et d’avoir rependu présente dans votre moulin. Vous avez toujours accepté de moudre notre misère dans des journées pareilles. Je saisis cette occasion pour vous dire des choses que beaucoup de gens dans ma commune veulent savoir. Mon éducation ne me permet pas de rester au chaud contempler les braises dans ma cheminée alors que les pauvres dans ma commune grelottent de froid. Mon honnêteté m’oblige à ne pas acheter pour la commune les choses dont je ne m’en sers pas. Je n’achète jamais le luxe avec l’argent que je ne possède pas. Je suis juste et je respecte les gens que je représente.

A l’école on m’a appris à faire mon travail convenablement. Je le fait avec plaisir et j’essaye par tous les moyens de satisfaire les gens qui me haïssent. Je suis maire pour tous les habitants de ma commune et vous êtes la meunière pour tout le monde qui vous sollicite. Je ne suis pas de ceux qui croient qu’on ne peut pas supprimer l’injustice et la pauvreté dans la commune. Je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut éradiquer ces deux fléaux avec notre volonté de responsable honnête".

Tata saisit cette occasion pour dire à Monsieur le maire qu’à Sougueur les personnes haut placées peuvent être atteintes par les petites gens. Vous êtes un grand homme connu comme un aigle dans ce village. Les anciens du village nous ont appris une bonne leçon de modestie : "Plus l’aigle s’élève, moins il est visible". Vous punissez votre grandeur par le travail, la modestie et la générosité de votre âme. Dans votre commune "la lune n’est pas à l’abri des loups". Un curieux qui écoutait la conversation demanda à Tata de lui expliquer cette expression. Tata répond d’une manière bien réfléchie « Dis-moi le nom de ton père, et je te dirai le nom de ce maire et je t’expliquerai l’histoire des loups et la lune". La morale politique de cette histoire veut que vingt ans plus tard ce curieux se retrouve maire de ce village. La suite est laissée aux lecteurs et aux électeurs.

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La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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J’ai vu des démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les fascismes.

L’Espoir (1937) - Citations de André Malraux

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