Une région convoitée, colonisée et...recolonisée
Le Sahara occidental était, jusqu’1975, une colonie de l’Etat espagnol qui, sous la pression conjuguée des populations autochtones, des opinions et des instances internationales, devait finalement s’en retirer. Malheureusement, la population Saharaouie n’aura guère eu le temps de goûter à sa liberté et à son indépendance, furtivement entrevues, puisque le Maroc, se précipitant sur les traces du colonisateur espagnol, prenait immédiatement la relève et occupait militairement presque tout le pays.
Après cette date, ce fut, pour les populations, une succession de 26 années allant de conflits armés déclarés en "trèves" plus ou moins respectées, de négociations ouvertes généralement rompues pour non respect des décisions par le colonisateur. Et finalement, durant toutes ces années, force est de constater que le régime chérifien, de père en fils, a toujours opté, comme ligne de conduite, pour la répression la plus dure.
Récemment, apparemment usé, lassé, le représentant des Nations unies, Christopher Ross, vient de donner sa démission avant même la fin de son mandat. Il semblerait que les multiples agissements de la France dans les coulisses ainsi qu’aux Nations Unies où cette dernière intervient régulièrement en faveur du régime marocain, ne soient pas pour rien dans la décision du diplomate. Il faut dire que, porté à la connaissance de l’ONU et des autorités marocaines, un rapport avait été récemment rédigé qui mettait directement en cause à la fois l’illégitimité de l’occupation et les atteintes aux droits de l’homme dans les territoires occupés. Ce qui, au moment où le régime, impétrant à l’entrée dans l’Union Africaine (UA) dit vouloir, justement, jouer la transparence et la carte des Droits de l’homme, il faut en convenir, est du plus mauvais effet.
Le départ inopiné du diplomate des Nations Unies a par ailleurs rouvert une période de fortes tensions entre les parties. C’est en effet tout à fait légitimement qu’Ibrahim Ghalib, le Président Saharaoui, a souligné que, s’il était "toujours attaché à une voie pacifique de règlement du conflit" mais que devant l’attitude "paralysante" de l’Etat marocain il soulignait que "toutes les options restent ouvertes". Autrement dit, même l’éventualité d’une reprise de la lutte armée pour récupérer les territoire occupés ? Sur de sujet précis, il devait même ajouter : « Les atermoiements marocains et le fait que le Conseil de sécurité (de l’ONU) ne prenne pas ses responsabilités nous ont contraints à réfléchir aux différents moyens de recouvrer nos droits".
Insistant toujours sur un règlement pacifique du conflit, le président saharaoui soulignait également, à l’occasion de cette déclaration, la nécessité pour un Maroc désireux d’intégrer positivement l’UA de respecter les frontières reconnues.
Un procès en appel sous haute tension
En novembre 2010, le régime faisait procéder à l’attaque du camp de déplacés de Gdeim Izik, camp tout proche de la capitale de la République saharaouie en territoire occupé. Camp jugé trop turbulent par les autorités, construit là dans les années 2000, le camp comptait, dans les temps de haute occupation, jusqu’à 15 000 personnes et environ 3000 tentes. Les résidents y protestaient régulièrement contre les conditions de vie qui leur étaient imposées à l’intérieur. Au cours de cette attaque, violente, après les affrontements qu’elle provoqua, la police annonçait11 policiers tués alors que le Polisario (Front de libération des territoires) disait compter 36 morts dans les rangs des résidents. On devait compter aussi 70 blessés, deux civils tués dans l’affrontement ainsi que 163 personnes interpellées et placées en détention. On le voit, la police, pour attaquer ce camp et procéder à son démantèlement avait bien déployé les grands moyens.
En fin de compte, ce sont 25 militants arrêtés et accusés d’avoir tué les 11 policiers, qui furent jugés dans le courant de l’année 2013 et condamnés à des peines variant de 20 années d’emprisonnement à la perpétuité. Ces sentences ont été prononcées sans l’ombre d’une preuve, après une enquête à charge et à sens unique, ne reposant, en fait, que sur les seuls "aveux" des accusés, extorqués sous la torture, comme on d’en doute, acte de torture que ces derniers ont toujours dénoncés depuis le début de l’affaire.
Aujourd’hui, ce procès en appel, se rient à un moment où le Maroc est en pleine campagne de réhabilitation internationale, désireux de faire oublier, bien sûr, les années noires de Hassan mais aussi les mauvais comportements de la police du fils et de la politique de répression anti sociale de ce dernier. Ajouter à cette volonté affichée, la nécessité de donner aux africains une "bonne image" après que le Maroc ait été admis au sein de l’UA.
Compte tenu de cette situation particulière, on aurait pu légitimement penser que le procès pourrait aujourd’hui se dérouler sous des auspices de retour au calme. Malheureusement, les premières audiences préliminaires qui se sont tenues au cours du mois de novembre denier ne semblent pas montrer une telle orientation. En effet, les magistrats ont d’emblée refusé d’entendre parler de "territoires occupés" ou des "tortures" que dénonçaient les prévenus pour leur arracher les premiers aveux. Autrement dit, par là, on peut dire que le tribunal clairement refusé à la défense d’argumenter son propos dans la mesure où occupation illégale et répression sont les bases mêmes de la revendication saharaouie.
Les séances ont même été interrompues à plusieurs reprises après que Magistrats et parties civiles se sont laissé aller à menacer et insulter les prévenus.
Il serait temps et bon pour tous, pour la paix dans la région, de suivre d’abord les résolutions de l’ONU, de reconnaître définitivement les droits des saharaouis sur leur terre. A ce propos, la France, très "proche" du régime marocain a très clairement un rôle à jouer différent de celui qu’elle tient actuellement. Elle doit notamment mettre à profit cette "proximité" avec le régime marocain, non pour couvrir ses exactions dans les territoires occupés mais, disons le nettement, elle s’honorerait au contraire, en agissant en défense des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et à recouvrer leurs terres dans leurs frontières internationalement reconnues.