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Afrique. Famine attendue, hypocrisie postcoloniale

Alors que, de par le monde, tous les médias s'accordent désormais pour voir advenir une famine gigantesque sur l'ensemble du continent, les causes, largement connues, sont non seulement passées sous silence, mais pire, préservées comme pour leur permettre de continuer de sévir.

FMI et Banque Mondiale à la manoeuvre

Jusque vers la fin des années quatre vingt dix, l’agriculture africaine était structurée sur la base de l’organisation familiale, voire artisanale ou associative. En tout cas, à l’inverse des exploitations agricoles des pays riches, toujours à dimension humaine.
Lorsque les pays occidentaux, souvent menés par les ex puissances coloniales telle la France et son réseau Françafrique*, décidèrent d’accélérer la spoliation du continent, ils firent intervenir, en même temps, leurs deux armes de destruction massive que sont d’un côté la Banque Mondiale et le FMI de l’autre.

Ce fut alors, comme on disait auparavant "le bon temps des colonies", le temps de la néocolonisation, ou "recolonisation", ouverte.

Les PAS (plans d’ajustement structurels), tels les nuages de sauterelles, se succédèrent alors les uns après les autres, toujours plus drastiques et toujours plus draconiens. Véritable chantage aux prêts assassins contre services publics et agriculture. Cycle infernal de l’endettement, dans lequel, il faut bien l’admettre nous ont fait entrer les dirigeants des pays concernés, soit peu informés des risques, soit au contraire, très bien informés mais peu scrupuleux.

Le cycle des cauchemars était lancé : "Je t’ai prêté, tu ne peux pas me rendre...je te prête à nouveau (pour que tu me rembourses !), mais les conditions sont la fin des aides publiques à l’école, aux hôpitaux, aux transports et...à l’agriculture.."

On imagine sans peine, ce que la brusque disparition des services publics a pu provoquer, dans des pays a peine sortis de l’exploitation coloniale, et provoque encore, comme ravages économiques et sociaux, tout comme les conséquences sur le développement du continent en général.

Fin des "aides" en Afrique et subventions partout ailleurs

Dans les griffes des ultra libéraux et de leurs chevilles ouvrières, les pays d’Afrique ont ainsi été contraints de cesser les interventions en faveur de leurs secteurs agricoles respectifs, pendant que les pays du Nord qui, par intermédiaire de leurs institutions bancaires leur imposaient ce retrait, renforçaient eux, de leur côté les subventions de toutes sortes à leur propre production !

L’exemple de la culture du coton est, à cet égard, tout à fait explicite. En effet, après que Banque Mondiale et FMI eurent fait se désengager les États et avoir incité à planter du coton sur des terres anciennement agricoles (Mali, Burkina Faso, Nord Bénin...), ces derniers laissaient donc leurs paysans seuls "face au marché". Les pays riches, au mépris de toute équité, subventionnaient dans le même temps leurs propres cotonniers à un point tel que le prix coton chutait vertigineusement sur le marché mondial et que les paysans africains étaient contraints de laisser leur production à perte ! Ainsi, pour se procurer du coton à bas coût, les "acteurs" économiques internationaux ont immédiatement répandu la misère dans les pays producteurs sur le continent.

S’il en va ainsi du coton, on sait qu’il en va aujourd’hui de même pour l’ensemble du secteur agricole et notamment pour ce qui est des ressources alimentaires. Faire de l’Afrique, comme d’autres régions du globe, un continent alimentairement dépendant, voilà le projet des puissances commerciales de l’agro alimentaire. Un continent de la taille de l’Afrique, réduit à la dépendance alimentaire c’est surtout "créer un marché" de plus d’un milliard de consommateurs potentiels. Qu’importent alors les dérapages, les sorties de route et les famines artificielles cycliques.

Accaparement des terres agricoles

Depuis le milieu des années deux mille et les premières alertes aux crises alimentaires dans les pays riches, ceux-ci se sont, encore une fois, tournés vers l’Afrique, y important un nouveau fléau qu’on appelle désormais : l’accaparement des terres.

Le raisonnement est on ne peut plus simple, voire simpliste. C’est l’application stricto sensu du principe fameux dit "Loi du plus fort", en l’occurrence "Loi du plus riche" : pour faire face aux pénuries alimentaires éventuelles, il faut cultiver, pour cultiver il faut des terres disponibles et des terres "libres" On en trouve en Afrique et en grande masse !

Entreprises privées, nationales ou internationales, souvent téléguidées par les Etats, ont ainsi entrepris "d’acheter quantité de terres" sur le continent, terres considérées "non utilisées" pour les consacrer à l’agriculture, pour leur propre compte. Autrement dit, à destination finale des pays d’origine. Ainsi apparaissent les kilomètres de barbelés entourant ces immenses espaces "cédés" et, bien souvent, les gardes armés pour les "protéger" ! On trouve dorénavant de ces "implantations" un peu partout sur le continent, tant à Madagascar, Bénin, Burkina Faso, Afrique centrale...

Dans la mesure où ces "cessions" ne peuvent se faire sans le laxisme, voire la complicité des classes dirigeantes en place, on peut dire que ce sont tous les pays d’Afrique qui se trouvent exposés à ce risque majeur.

L’Afrique, le continent le plus riche en ressources et malgré tout le continent le plus pauvre, deviendra-t-il maintenant le continent le plus riche en terres cultivables et le plus exposé aux pénuries alimentaires ?

Il s’agit de cesser de pleurnicher régulièrement sur les "terribles catastrophes" qui s’abattent sur cette" pauvre Afrique". Non, ce continent n’est pas le lieu obligé de toutes les misères. Ces crises récurrentes sont tout à fait évitables ! Rien n’est inéluctable, tout est explicable, tout se comprend très bien et pourrait fort bien cesser.

Il s’agit surtout de mettre fin à la désorganisation généralisée des Etats provoquée par les chantages à la Dette par la Banque Mondiale et le FMI. En effet, la désorganisation sauvage, la suppression violente des services publics, l’accès à la scolarité, aux soins, aux retraites... conduisent inévitablement aux injustices majeures, à la misère, aux troubles et aux conflits les plus durs.

Il s’agit aussi de mettre un terme au pillage des ressources naturelles, menées à vil prix par les entreprises des pays du Nord** et promulguer une interdiction frappant, purement et simplement, l’accaparement des terres, tant par les Etats que par les firmes privées qui en dépendent.

François Charles

* Sur l’accaparement des terres voir association Survie (www.survie.org)
** Pillage qui concerne nombre d’entreprises françaises telles Total, Areva, Bouygues, Bolloré...

21 mars 2017

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COMMENTAIRES  

28/03/2017 21:24 par Scalpel

L’Afrique est le continent invisible par excellence, celui où les pires abominations sont routine, non événements. "Un génocide dans ces pays là n’est pas si grave" aurait dit un Francisque 2202 au sommet de sa forme. Preuve en est l’absence de commentaires sous ce terrifiant tableau.

29/03/2017 09:41 par D. Vanhove

@scalpel : je ne pense pas qu’il faille d’office considérer le manque de commentaires comme un critère de désintérêt pour un article... il me semble que cela n’arrive pas que pour des articles à propos de l’Afrique...

je pense plus simplement que cette situation parfaitement rappelée dans ce papier est connue du plus grand nombre, mais que cela fait des années qu’on nous la dépeint et que malgré les belles promesses des élus, rien ne change, que du contraire, les choses s’aggravent lentement mais sûrement, dans un silence et une complicité tacite, malgré la "com" que l’on fait autour de ce continent qui est présenté comme celui de "l’avenir"... (un peu comme le pb palestinien qui ne suscite plus bcp de commentaires non plus, pour les mm raisons)

le problème n’est-il pas d’ailleurs que c’est bien le "continent de l’avenir" mais surtout pour tous les prédateurs qui s’y poussent déjà et qui n’ont de cesse d’aller y chercher ce qui leur convient, dans une indifférence "globalisée", comme cela a tjr été le cas en Afrique... chacun y fait son marché, et les organismes internationaux du type FMI, BM and c° y sont probablement les pires qui soient...

je pense donc que les citoyens en ont les bras coupés... restent sans voix, tant tout a déjà été dit sur le sujet... et, en pratique que peuvent-ils faire face à ces puissances de l’argent dont on sait que les vies humaines ne comptent pour rien, d’autant quand ce sont des vies africaines...

on est bien dans le deux poids, deux mesures intolérable qui mène le monde, et l’Afrique est ss doute le pire exemple de ces politiques criminelles, pcq doublé sans que cela ne soit avoué, d’un sentiment de racisme évident... il y a une arrogance et une impunité totale dès lors que la vie de ces gens-là est considérée comme inférieure à celle des occidentaux et ne pas vouloir le reconnaître c’est déjà le début du pb...

n’est qu’à voir la manière dont on s’occupe des réfugiés dès qu’ils sont Africains... cela résume le monde sinistre dans lequel nous vivons et qui ne mérite qu’une chose : disparaître...
mais, patience, le plus drôle de l’histoire, c’est que nous nous y affairons nous-mêmes et que cela ne saurait tarder vu l’état dans lequel nous détruisons l’environnement...

cela dit, évidmt que l’auteur a raison de rappeler ce qui se passe an Afrique et que chacun se doit de le faire dans ttes les occasions où la communauté internationale manque à ses devoirs d’humanité... mais, cela risque bien de rester sans suite, comme svt... et à ce niveau-là, l’Afrique nous donne une magistrale leçon ; celle de nous renvoyer face à nous-mêmes et à nos coupables lâchetés !

01/04/2017 23:55 par alain harrison

Bonjour.

Ce qui est à la base de tout ce fatras chaotique à travers le monde est le phénomène de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Et la financiarisation des économies en est l’outil essentiel.
Nous devons nous initier à comprendre de système qui touche toutes les niches ( des marchés financier à la privatisation de l’éducation et de la santé (par la bande : les politiques économiques d’ équilibres budgétaires banalisées) à l’accaparement par le privé de la charité (faut le faire) à quand la maison de la famille par le privé ?
Ma liste pour comprendre l’économie biaisée (non exhaustif) sur You Tube

Le banquier

Comprendre l’économie en 30 minutes 

1 minute pour comprendre une politique ambitieuse du logement

Comprendre la dette publique (en quelques minutes)

Comprendre La crise en 5 Minutes

Comprendre Le circuit économique en 4 Minutes 

L’inflation pour les nuls par la BCE

Qu’est-ce que la mondialisation ?

L’esclavage moderne

N’oublier pas le petit CARTOON : Les patrons sont-ils indispensables ? Ou de l’exploitation de l’homme par l’homme

02/04/2017 16:57 par alain harrison

Bonjour.
M. Danhove : « « mais surtout pour tous les prédateurs qui s’y poussent déjà et qui n’ont de cesse d’aller y chercher ce qui leur convient, dans une indifférence "globalisée » »

Et on peut inclure la Chine...... Je ne sais pas trop !?

Mais une chose est sûr, la Chine a besoin de se développer. Il semble que la Chine garantisse des infrastructures dans les pays où elle fait affaire ?! Mais d’autres info disent qu’elle implante ses travailleurs chinois "détachés" ?!

Elle ne fait pas d’interférence politique semble-t-il ?! Mais, le problème, c’est que faire des affaires et des méga projets (infrastructure contre ressource) influencent indubitablement la politique et impliquent des changements drastiques dans le paysage.
Comme le nouveau passage Atlantique-pacifique promu par la Chine dans un des pays d’Amérique Centrale pose quand même de sérieux problèmes sur le plan écologique.
La Russie se réjouit de la fonte au Nord, cela favorisera le développement.......
Et combien d’autres projets (MÉGA) à l’horizon !?
De plus la Population mondiale sera de 9 milliards vers 50. Et les conflits ne semblent pas vouloir être résolu.
Espérons que la gauche prendra le taureau par les cornes. Qu’elle verra l’expertise des Amériques progressistes et qu’elle fera affaire avec eux. La France de gauche peut sans doute avoir une influence bénéfique auprès de la Russie et par le fait même auprès de la Chine. Le communisme du XXIè siècle pourrait porter une alternative.
Mais le fondement doit être ceci : que le projet soit fondé sur l’éradication de la pauvreté matérielle qui induit la pauvreté intellectuelle, et cela dans une échéance à court terme pour la France, ce qui serait inévitablement remarqué dans le monde puisque les médiats seraient enfin tenu de parler vrai (vous savez, décrets, lois....expropriation avec des enquêtes : paradis fiscaux, abus de désinformations avérées........). Par le fait meme, les pays latinos progressistes sortiraient du silence mediatique, un effet collateral !!..... Mais pour éradiquer la pauvreté et tout ce que cela implique, la tâche doit s’attaquer résolument au phénomène de l’exploitation de l’homme par l’homme. Donc des prises de conscience dans la population !! Nous savons aujourd’hui, que les mythes ont été un élément central pour légitimer ce phénomène. Mais le méta conditionnement a la vie dure. Encore la psychologie humaine, « tout part de nous » oblige.

03/04/2017 21:21 par alain harrison

Bonjour.
Je suis allé sur le site « « « http://survie.org/billets-d-afrique/2016/263-decembre-2016/article/bollore-un-type-formidable-qui-n-5219 » » »
Très très instructif, j’ai demandé la permission de relayer des extraits d’articles de leur cite, en lisant l’article, cela m’a fait penser aux missions de CADTM et d’Attac. Il faudrait une instance de leur calibre sur les médiats, parce que c’est pas demain la veille que nous aillons de médiats démocratiques libre d’influences indues (tout habit confondu). Mais aussi sur le système de justice.....

Je fais la promotion, à point nommé, dans mes commentaires des cites crédibles comme LGS. Bien sûr rien n’est parfait, mais la probité de plusieurs cites comme Vénézuéla infos wordpress et ci. méritent que nous en fassions la promotion auprès de la population, les citoyennes travailleurs et surtout de tenter par tous les moyens "honorables et honnêtes" de réveiller la population que l’alternative est à porter de la main, nous avons le devoir de le démontrer. En tout cas, je préfère tenter de démontrer que les solutions sont là au bout de notre nez. Trop proche peut-être ?!
Le programme du CNR, revue et corrigé, adapté aux nouveaux défis mais avec un peu de prospective (une spécialité du néo-libéralisme qui voit à long terme, ils ont toute une armada..) ce qui ferait la différence........Prévoir les scénarios de coups bats.

Encore des comités citoyennes travailleurs, à temps partagé, pourquoi pas !

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