Un certain Monsieur Poisson a exprimé une énormité qui a mis les dirigeants du CRIF, gardien consacré des mœurs françaises, digne héritier de la tradition de Torquemada, dans tous ses états d’indignation. Monsieur Poisson a osé dire – en public ! – qu’il existe aux Etats-Unis un lobby sioniste qui exerce une influence significative sur la politique au Moyen Orient de ce pays et de ses dirigeants, notamment de Madame Hillary Clinton.
Quelle horreur ! Les dirigeants du CRIF n’ont pas perdu un instant pour condamner une déclaration qui risquerait d’offenser une certaine catégorie de la population particulièrement sensible. Dans notre ère humanitaire où règne les droits humains, la sensibilité des sensibles est incomparablement plus importante que l’humble vérité, une abstraction plus que douteuse qui n’intéresse presque plus personne grâce aux divertissements commerciaux omniprésents et accaparants.
Mais le monde est rempli de sensibilités, et il est de notre devoir de ne pas en oublier une seule. Tout ce qui peut les heurter n’a plus le droit d’exister.
N’allez pas dire qu’à Pise il existe une tour penchée – pensez combien cette accusation pourrait blesser les architectes italiens qui y verraient leur travail séculaire calomnié.
Il n’y a pas de Muraille de Chine ; évoquer une telle construction serait très insultant envers les Mongols et autres immigrés sans papiers qu’une telle muraille aurait voulu exclure.
Pour éviter le crime de lèse majesté, nous devons insister sur le fait qu’il n’y a pas de Tour de Londres, afin de ne pas froisser la souveraine qui aujourd’hui porte le nom de celle qui y fit décapiter son favori Robert Devereux, comte d’Essex.
En effet, dans ce monde dont la réalité est de plus en plus mise en doute depuis le triomphe du post-modernisme et du politiquement correct, la première chose qu’il faut policer c’est la langue.
Pour le reste, anything goes ! (tout est permis).
Diana Johnstone
La mort de la démocratie ne sera probablement pas le résultat d’une embuscade. Ce sera une lente extinction par apathie, indifférence et privation.
Robert M. Hutchins