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Clinton ou Trump ? Quel serait le pire président américain pour l’Amérique latine ? (Ultimas Noticias)

« Quoi qu’il en soit, les Etats-Unis continueront de jouer un rôle négatif dans la région… » : Mark Weisbrot

Durant une interview concédée au journaliste Abby Martin, le président équatorien Rafael Correa avait déclaré que l’Amérique latine se porterait mieux si Trump gagnait les prochaines élections présidentielles américaines en novembre.

De façon très courtoise et diplomatique, il n’a pas manqué de reconnaître les aspects positifs concernant Hillary Clinton, et il a terminé son intervention en déclarant que pour le bien des Etats-Unis et du monde, il espérait que ce soit elle la gagnante. Mais M. Correa, qui en tant que président a un très bon bilan du point de vue de l’amélioration du niveau de vie de ses compatriotes et de la mise en place de réformes progressistes, a un très haut niveau d’études et est très intelligent. Il a beaucoup appris des expériences régionales sous les gestions de Bush et d’Obama. Il est donc intéressant de prendre en compte ses affirmations car il mentionne des aspects importants de la politique des Etats-Unis en Amérique latine.

En résumé, d’après Weisbrot les Etats-Unis continueront de jouer un rôle négatif dans la région, indépendamment de son président ; il serait donc plus profitable pour les latino-américains que les Etats-Unis aient à leur tête un président amplement méprisé, comme l’a été George W. Bush, qu’un président d’apparence plutôt sympathique comme le président Obama. A court terme, il est difficile de nier cette affirmation. De fait, la région s’en serait sûrement mieux portée si John McCain (2008) ou Mitt Romney (2012) avaient battu Barack Obama, si l’on prend aussi en compte qu’Obama est en général moins dur qu’Hillary en matière de politique étrangère. Les positions du gouvernement d’Obama envers l’Amérique latine n’ont pas été meilleures que celles de George W. Bush. Sa gestion a contribué à consolider le coup d’état au Honduras ainsi que le coup d’état parlementaire au Paraguay.

L’administration d’Obama s’est aussi chargée d’envoyer une mission de l’OEA qui a recommandé d’annuler de façon arbitraire les résultats du premier tour de l’élection présidentielle d’Haïti en 2010, et postérieurement de menacer le gouvernement de ce pays de stopper l’aide humanitaire envoyée après le tremblement de terre s’il n’acceptait pas les nouveaux résultats électoraux, favorables pour les étrangers. Plus récemment, elle a tenté de forcer les haïtiens à accepter les résultats de l’élection frauduleuse d’octobre dernier, même après qu’une commission d’enquête électorale indépendante ait révélé des irrégularités à grande échelle et recommandé de nouvelles élections.

En mars 2016, le président Obama s’est rendu en Argentine dans le but de féliciter le président de droite récemment élu, au même moment Washington mettait fin au blocage de prêts internationaux vers ce pays, une politique mise en place pendant le gouvernement de la présidente de gauche, Christina Fernandez Kirchner. Au même moment, Obama a décidé de renouveler les sanctions contre le Venezuela en accusant –très clairement à tord- ce pays de constituer une « menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis ». Il ne s’agissait que d’une action de plus parmi d’autres dans le cadre d’une décennie et demie d’efforts de la part de Washington pour renverser le gouvernement du Venezuela.

Nous pourrions citer de nombreux autres exemples de dommages réels, ou de tentatives de préjudices, contre des gouvernements de gauche. Du point de vue des aspects positifs, il n’y a qu’un seul élément à rapporter : l’ouverture d’Obama envers Cuba. Il s’agit là d’un changement de politique d’une importance historique, qui n’aurait probablement pas pu être engagé par un président républicain... même si ce rapprochement est mis en place dans le cadre de la stratégie inchangée de volonté de provoquer un changement de régime de l’île, mais par d’autres moyens.

Il existe des raisons historiques et structurelles qui expliquent l’effrayante continuité de la politique des Etats-Unis envers l’Amérique latine, en plus d’un honteux manque de débat autour de ce sujet, que ce soit au sein du gouvernement ou dans les médias. La raison est sûrement très simple : aucune conséquence électorale directe ne se fait ressentir, même lorsque Washington va à l’encontre de presque tous les gouvernements de la région, comme ce fut le cas avec les coups d’Etat militaires au Honduras et au Venezuela.

Ainsi, M. Correa a sûrement raison, du moins à court terme. Mais j’ajouterai quand même que sur le long terme l’Amérique latine se retrouverait dans une situation plus fâcheuse avec un président comme Donald Trump, si l’on prend en compte le fait qu’aux Etats-Unis les deux partis ne coïncident pas quand à la composition de leurs bases militantes, et que la base du Parti Démocrate est suffisamment hétéroclite et encore capable d’influencer la politique extérieure étatsunienne et la réorienter de façon positive, de façon générale. Ceci a été mis en évidence pour l’Amérique latine dans les années 80, quand le parrainage des tueries et diverses atrocités en Amérique centrale par le président Ronald Reagan a provoqué un tel rejet aux Etats-Unis que le congrès lui-même a coupé les financements pour la guerre du Nicaragua (le gouvernement Reagan a alors eu recours au financement illégal, qui a culminé avec le scandale Iran-Contra).

Durant cet affrontement, le Congrès s’est divisé autour de lignes partisanes, avec les démocrates opposés aux fonds des Etats-Unis pour les guerres illégales et mortifères.

La lettre envoyée la semaine dernière su secrétaire d’Etat John Kerry, signée par 43 démocrates du Congrès (parmi lesquels figurent quelques membre de la direction du parti à la Chambre, ainsi que des proches du président Obama) représente un récent exemple de ces différences potentielles.

La lettre signale : "Nous vous écrivons afin de vous exprimer notre profonde préoccupation au sujet des récents événements survenus au Brésil, que nous considérons comme une menace pour les institutions démocratiques de ce pays. Nous vous demandons de prendre les plus grandes précautions avec vos relations avec les autorités provisoires du Brésil et de vous abstenir de donner des déclarations ou d’exercer des actions qui pourraient être interprétées comme un soutien à la campagne de destitution lancée contre la présidente Dilma Rousseff.

"Notre gouvernement doit exprimer sa profonde préoccupation au sujet des circonstances qui entourent la procédure d’impeachment et lancer un appel afin de protéger la démocratie constitutionnelle et l’Etat de droit au Brésil."

Le gouvernement d’Obama prétend se montrer officiellement neutre par rapport au procès politique ou "coup", comme beaucoup de brésiliens l’appellent, mais il existe pourtant des preuves comme quoi il le soutient. Un membre du Comité des Affaires Etrangères m’a signalé il y a peu qu’il était "assez clair" que le gouvernement était favorable à la destitution de Dilma.

Il est assez inhabituel, et c’est même peut-être la première fois, que des douzaines de députés démocrates du Congrès cherchent à contrecarrer un gouvernement démocrate au sujet d’une ligne politique envers un pays aussi grand et important que le Brésil. Néanmoins, l’unique grand média étatsunien qui a parlé de cette lettre a été le Los Angeles Times.

Les grands médias représentent une autre raison structurelle de la continuité de l’atroce politique extérieure des Etats-Unis envers l’Amérique latine, et du manque de débat autour de cette question.

Mark Weisbrot est co-directeur du Centre de Recherches en Economie et Politique (Center for Economic and Policy Research, CEPR), basé à Washington, Etats-Unis ; il préside aussi l’organisation Just Foreign Policy. Il est l’auteur du livre "Echec. Ce que les ‘experts’ n’ont pas compris au sujet de l’économie globale" (Akal, Madrid, 2016).
Ultimas Noticias est un journal neutre.

Traduit pour Le Grand Soir par Luis Alberto Reygada
(https://twitter.com/la_reygada)

En complément :

Le 29 mai 2007 à 10 heures, tandis que Robert Ménard donnait une, conférence de presse à l’hôtel Hilton de Caracas, je me trouvais dans le bureau d’Eleazar Diaz directeur du quotidien vénézuélien : Ultimas Noticias (Dernières Nouvelles). C’est le plus fort tirage du pays (près de 300 000 exemplaires) le troisième sur toute l’Amérique latine où l’on trouve des pays immenses et très peuplés comme le Brésil, l’Argentine, le Mexique. Un journal qui s’attache à observer une neutralité politique concrétisée par la publication de points de vue et de tribunes d’auteurs de tous bords. Ses journalistes couvrent pratiquement tout l’éventail des opinions politiques en présence dans le pays. Dans ses pages, une sorte d’équilibre existe, que chaque camp conteste peu ou prou, mais qui tranche dans le paysage médiatique du Venezuela où la presse a souvent la forme d’un outil de propagande musclée.

A la suite de l’article qui en est résulté, RSF a classé Ultimas Noticias parmi les journaux chavistes.
Maxime Vivas.

»» http://www.ultimasnoticias.com.ve/n...
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