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8 août 2016, jour du dépassement. Les dangers pour les pays vulnérables

« Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, et le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas. » Proverbe des indiens Cree.

La kermesse de la COP 21 n’a rien réglé

Avec une régularité de métronome, les lanceurs d’alerte nous informent de la débâcle lente et sûre qui s’installe du fait des dérèglements climatiques dus qu’on le veuille ou non, pour une grande part, aux activités humaines. Cette année 2016 est assurément riche en mauvaises nouvelles surtout pour les sans-grade, les faibles, les déshérités, bref, les damnés de la Terre qui, non contents de subir les affres de la faim, de la mal-vie et même pour certains de la guerre, se voient menacés par les changements climatiques ; on aurait pensé qu’après la kermesse de la COP 21 présentée comme la réussite du siècle par une diplomatie française flamboyante, la Terre aurait un sursis avec un accord tacite pour que chaque pays pollueur parmi les grands fasse le geste salvateur puisque l’accord de Paris s’en remet à leur bon coeur. No, niet, nada, walou, chaque pays fait comme s’il ne se sentait pas concerné. En clair, les puissants polluent à qui mieux mieux et les pauvres trinquent. Résultat des courses, l’année 2016 la température s’emballe.

Les indicateurs clés du changement climatique dans le rouge

Le bilan de l’année 2015 est inquiétant en effet : « Les températures, la montée des eaux et les émissions de gaz à effet de serre ont atteint des niveaux record l’an dernier, faisant de 2015 la pire année de l’histoire moderne pour une série d’indicateurs clés sur le climat, révèle mardi 2 août un rapport international de référence. Recul des glaces, sécheresse, inondations... c’est un sombre portrait de la Terre que donne le rapport annuel sur l’état du climat (« State of the Climate »), un document de 300 pages auquel ont participé 450 scientifiques du monde entier. Les experts, qui notent que « la Terre a enregistré des records de chaleur pour la seconde année consécutive ». Les concentrations de gaz à effet de serre atteignent des sommets. Sur l’ensemble de la planète, le CO2 a frôlé la barre symbolique des 400 parties par million (ppm), atteignant 399,4 ppm, soit une hausse de 2,2 ppm par rapport à 2014. Le niveau des eaux a atteint son plus haut point, avec quelque 70 millimètres de plus que la moyenne enregistrée en 1993. Il monte graduellement autour de la Terre, avec une poussée d’environ 3,3 millimètres par an, selon le rapport. L’année 2015 a aussi été marquée par une saison des pluies plus abondante que la moyenne, qui a provoqué de graves inondations. Des sécheresses sévères ont affecté des superficies presque deux fois plus importantes en 2015 que l’année précédente (14%, contre 8% en 2014). La saison des ouragans dans l’Atlantique a été particulièrement modérée pour la deuxième année de suite, là encore en grande partie affectée par El Niño. » (1)

Le jour du dépassement : l’Overshoot day

« En 2016, la population mondiale a besoin de l’équivalent de 1,6 planète pour se nourrir. Lundi, l’humanité a consommé toutes les réserves que la Terre est supposée lui fournir pour l’année. Pendant plus de 140 jours, elle va vivre à crédit. Entre le 1er janvier et le 8 août, l’année n’aura été consommée qu’à 60,38%. Pourtant, la planète Terre vivra à crédit à partir de cette date, 221e jour de 2016. Selon les calculs de l’ONG Global Footprint Network, l’humanité a d’ores et déjà consommé ce 8 août toutes les ressources dont la Terre disposait et qu’elle peut renouveler en 12 mois. Elle a nommé ce jour « l’Earth overshoot day » (le jour du dépassement de la Terre), ce qui signifie que la population mondiale a besoin, pour vivre jusqu’au 31 décembre prochain, des ressources équivalant à 1,6 planète. « Nous avons émis plus de carbone que ce que les océans et les forêts ne pouvaient absorber en un an, nous avons pêché plus de poissons, coupé plus d’arbres, fait plus de récoltes, consommé plus d’eau que ce que la Terre aurait pu produire sur cette même période ». Ce jour avance inexorablement dans le calendrier. En 1970, il tombait un 23 décembre (l’année était donc consommée à 97,81%), en 1980, c’était un 3 novembre (84,15% de l’année), en 1990 un 13 octobre (78,42%), en 2000 un 4 octobre (75,96%) et en 2010 un 28 août (soit 65,85% de l’année consommée). Cette surconsommation et cette dette écologique mènent notamment à un manque d’eau, qui lui-même conduit à des désertifications et à l’érosion des sols. Autres effets irréversibles : la déforestation, la disparition des espèces et la baisse du nombre de poissons dans les océans. « Vivre à crédit ne peut être que provisoire parce que la nature n’est pas un gisement dans lequel nous pouvons puiser indéfiniment », déplore WWF. » (2)

« L’ONG pointe du doigt les émissions de carbone, « principal facteur de dépassement », selon elle, « qui représentent désormais 60% de notre empreinte écologique globale ». Les ONG qui dénoncent ce jour du dépassement de la Terre plébiscitent certains pays, qui ont, selon elles, « amorcé leur transition énergétique ». elle évoque aussi la Grande-Bretagne, le Portugal, l’Allemagne, qui ont enregistré en 2016 « une capacité record de leur production en énergies renouvelables ». Le Portugal est ainsi parvenu, pendant plusieurs jours, à assurer 100% de ses besoins en électricité. « La manière dont nous produisons notre nourriture et notre énergie, et dont nous utilisons l’eau ont un impact fort sur les écosystèmes », relève WWF. Elle conseille à tous de « baisser leur consommation de viande, privilégier les produits certifiés, Bio, MSC ou FSC et réduire au maximum le gaspillage alimentaire ». Si les ressources de la Terre sont consommées de plus en plus rapidement chaque année, un autre chiffre est en constante augmentation : tous les ans, 30% de la nourriture mondiale est gaspillée. Les spécialistes préviennent : si l’on continue ainsi, l’élevage va épuiser la planète et la pêche faire disparaître les espèces commerciales de poissons d’ici 2050. » (1)

Dans le même ordre nous avertit Philippe Vergnes, la Méditerranée est assassinée. Réchauffement climatique, pollution, surpêche. Qui se soucie encore de l’avenir de la Méditerranée, de son climat et de sa biodiversité ? Nos activités industrielles dégageant des gaz à effet de serre, notamment du CO2, contribuent au réchauffement climatique et à l’acidification des mers et des océans. Or, cette acidification est nocive à de nombreux organismes marins... tels que le phytoplancton, invisible à l’oeil nu et pourtant si essentiel à notre survie puisqu’il fournit, nous l’avons vu, près de 70% de l’oxygène planétaire. (...) C’est dire l’utilité des mers et des océans pour l’ensemble de l’humanité. Parmi toutes les agressions polluantes que nous infligeons à la Méditerranée, il en est une de particulièrement scandaleuse et pernicieuse à souhait : c’est celle provoquée par les fabricants de pesticides qui osent s’autoproclamer industrie phytopharmaceutique ou phytosanitaire. « Les faits sont incontestables : les stocks halieutiques de Méditerranée s’amenuisent. Certains sont quasi épuisés. Au total, 93% des stocks de poissons évalués sont surexploités. » (2)

Le coût de l’inaction

En 2006, écrit le sénateur René Tregouët, le rapport dirigé par Nicolas Stern avait évalué le coût pour l’économie mondiale de l’inaction face aux bouleversements climatiques en cours jusqu’à 5 500 milliards d’euros, soit 20% du produit mondial brut ! (...) Si rien n’est fait, de nombreux pays en développement qui ont déjà perdu beaucoup de produit national depuis trente ans risquent d’en perdre 5 à 6% d’ici 2050, « L’inaction coûte déjà à l’économie mondiale, 1,6% de son PIB, soit 1 200 milliards de dollars par an (..) Le temps est donc venu de cesser de tergiverser car on ne négocie pas avec la nature. Nous devons prendre nos responsabilités devant l’histoire et les générations futures et faire de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique le moteur de notre développement économique et de notre capacité d’innovation et la finalité politique et morale de nos sociétés. » (3)

L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient très vulnérables

Le monde subit déjà les affres d’une épidémie de pénuries d’eau locales et régionales. Les troubles civils et de conflits dus à la pénurie croissante d’eau. Selon l’ONU, une région est considérée comme étant en stress hydrique si la quantité d’eau douce renouvelable disponible par personne et par an est inférieure à 1700 mètres cubes. En dessous de 1000 mètres cubes, la région connaît une pénurie d’eau et en dessous de 500, elle est en « pénurie d’eau absolue ». L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient auront à souffrir des changements climatiques. L’Arabie saoudite est assurément le grand exemple de la sobriété. Toute activité en plein air sera pratiquement impossible au Moyen-Orient pendant une grande partie de l’année d’ici 2050, selon une étude récente Les pays du Moyen-Orient dédaignent généralement l’idée de changement climatique.. (...) Les jours où la température atteindra 46 °C seront multipliés par cinq par rapport au début de ce siècle. En 2050, le nombre de jours d’été avec des températures record - peut-être jusqu’à 50°C - vont doubler pour atteindre environ 80 jours par an. Dans le même temps, il est peu probable que le baromètre descende en dessous de 30 °C la nuit. » Les jours où la température sera supérieure à 40 °C deviendront la norme plutôt que l’exception.

Pour Kieran Cooke et Nafeez Ahmed : « Après des décennies de mauvaise gestion des ressources nationales, l’Arabie saoudite pourrait manquer d’eau d’ici vingt ans (...) Alors que la demande augmente de 5% par an, le pays court le risque de manquer d’eau d’ici vingt ans. L’Arabie saoudite compte parmi les régions les plus chaudes et les plus sèches de la planète, ne recevant qu’environ 100 mm de pluie par an en moyenne. Grâce à de généreuses subventions gouvernementales, les Saoudiens sont habitués à ne pratiquement rien payer pour leur consommation d’eau. Par conséquent, ils sont parmi les consommateurs les plus prodigues au monde, utilisant en moyenne jusqu’à 350 litres d’eau par personne et par jour. En Europe, le chiffre équivalent est d’environ 130 litres par jour. (...) Le pays est marqué par une mauvaise gestion chronique des ressources hydriques. (...) Les scientifiques affirment qu’en l’espace d’une génération, la majeure partie de cette quantité massive d’eau a été épuisée, principalement en raison d’une politique agricole gravement défectueuse. L’Arabie saoudite est de loin le plus grand utilisateur de technologies de désalinisation au monde, possédant plus de 30 usines sur la côte (..)Trop dépendre de la désalinisation est toutefois un problème. 29 milliards de dollars doivent être investis dans la désalinisation au cours des quinze prochaines années. Soit 1,5 million de barils de pétrole par jour en énergie électrique. » (4)

Les prémices des changements climatiques en Algérie

Les Algériens du Sud écrit Houria Alioua, de plus en plus adeptes de la climatisation. Les températures à l’ombre annoncées par les services météorologiques ne changent rien au ressenti qui parle à la peau. La chaleur est ardente, après un mois de juin historique tant ses pics avaient allégrement dépassé les 48°C, marquant cette année 2016 « Vivre le soir, vivement des marchés nocturnes et des espaces de loisirs... Pour ceux qui ont raté les premières heures de la matinée, il faut attendre 18h pour sortir... « Je n’éteins pas, c’est 24h/24 chez moi », affirme Karima. (...) Les gens se préservent comme ils le peuvent, avec une mobilité restreinte et limitée aux besoins vitaux. Une vie minimaliste intra-muros. Un bilan qui en dit long sur la résistance développée par les populations sahariennes, qui attendent toujours l’application du décret exécutif 14/27 fixant les prescriptions urbanistiques, architecturales et techniques applicables aux constructions dans les wilayas du Sud. Une autre vaine doléance. « Le toub a presque disparu, le parpaing a de beaux jours devant lui, réplique Djamel, un habitant d’In Salah. » (5)

L’Algérie, a subi des perturbations climatiques à la fois désastreuses, souvenons-nous de Bab El Oued en quelques heures, de Ghardaïa et des milliards de dollars perdus depuis ces quinze dernières années. Si on y ajoute la mort à bas bruit et les maladies de type asthmes bronchites cancers dues à l’utilisation incompréhensible du diesel interdit presque partout sauf en France, c’est à se demander si ce n’est pas une fatalité d’avoir un parc de voitures à 70% en diesel - comme en France- du fait d’un prix dérisoire du gas oil qu’il serait grand temps d’aligner sur l’essence au vu de ses méfaits. L’Algérie continuera à subir les effets de ce réchauffement climatique, avec, entre autres, une désertification qui ira en augmentant au fil des années, une raréfaction des ressources hydriques et une diminution de la pluviométrie, ou encore une baisse de la productivité agricole. Certaines projections établissent aussi que la montée du niveau de la mer Méditerranée atteindra, dans quelques années, près d’un mètre. Ce qui entraînera la submersion de nombreuses parties du littoral algérien et la disparition de nombreux quartiers de villes proches de l’eau. Même l’architecture algérienne devra être adaptée au Nord pour privilégier des villes souterraines où on peut maîtriser la température sans climatisation énergivore.

Le moment est venu, à l´instar des pays développés, de mettre en oeuvre une politique volontariste avec l’appui des citoyens pour une réelle transition énergétique vers le Développement humain durable, fait de rationalité, de sobriété, de vérité des prix, de partage du fardeau d’une façon équitable. Nous n’en prenons pas le chemin car les réponses appropriées à donner semblent s´en remettre. « Khoudhou Hadrakoum » est-il écrit dans le Coran. Nous donnons l’impression de nous être installés dans les temps morts et les invocations pour conjurer la sécheresse, qui plongent dans le panthéon berbère d’il y a plus de 2000 ans, notamment la version moderne de type « boughandja » et autres, n´auront de poids que si tout ce qui devait être humainement fait l´a été effectivement, laissant en dernier ressort, à la volonté divine le soin de disposer. Les découvertes archéologiques des dernières décennies montrent que même les grandes civilisations, comme les Sumériens et les Mayas, ont été anéanties en partie parce qu´elles n´avaient pas réussi à vivre en harmonie avec l´environnement naturel. A nous de choisir avant qu’il ne soit trop tard.

Chems Eddine CHITOUR

8 août 2016

»» http://www.lexpressiondz.com/chroni...

1.http://www.lemonde.fr/climat/article/2016/08/02/les-indicateurs-cles-du-changement-climatique- ont-atteint-des-niveaux-record-en2015_4977603_1652612.html #BO1WKiccyq FqjtK9.99

2. http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/ mediterranee-mare-nostrum-une-mer-183329

3.http://www.notre-planete.info/actualites/4477-consequences-economiques-changement-climatique

4. Kieran Cooke http://www.middleeasteye.net/columns/soaring-temperatures-make-much-middle-east-north-africa-unlivable-755427127

5.http://elwatan.com/actualite/la-vie-au-ralenti-dans-le-sud-01-08-2016-326119_109.php


URL de cet article 30741
   
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
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