RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Un Yankee et un visage (pa)pal

Deux sermons pour le prix d’un. Sans doute n’en fallait-il pas moins pour (tenter de) ragaillardir les dirigeants européens éplorés. Confrontés à une « polycrise » – un terme inventé par Jean-Claude Juncker pour désigner la conjonction des menaces désormais existentielles qui pèsent sur l’intégration européenne – ceux-ci viennent de recevoir le soutien de deux « citoyens du monde » qui les ont exhortés à plus d’unité et à plus d’« ouverture ».

L’un, natif d’Hawaï, est locataire à Washington où il termine sous peu son CDD non reconductible ; l’autre, qui a vu le jour à Buenos-Aires et jouit, au Vatican, d’un CDI à qui seul son divin patron peut mettre un terme, exerce son magistère sur les âmes qui se reconnaissent dans le catholicisme ; il s’octroie cependant volontiers un ascendant sur le genre humain en général, sur les citoyens des pays européens en particulier. Quant au premier, il tient pour naturel – une longue tradition américaine – d’exercer une autorité extraterritoriale sans frontière.

A quelques jours d’intervalle, Barack Obama et le pape François ont donc adressé des appels pressants à l’Europe. Le président américain avait commencé sa visite sur le Vieux Continent, fin avril, par Londres, où il enjoignit aux Britanniques de rester au sein de l’UE. Il apportait ainsi sa haute contribution au concert anti-Brexit quasi-quotidien des « élites mondialisées ». Il s’est ensuite rendu à Hanovre, où il a exprimé son amitié ostensible à la chancelière allemande (il aurait même pu préciser qu’il avait été si souvent à son écoute...). Les deux dirigeants ont vigoureusement plaidé pour une conclusion rapide du « partenariat transatlantique » alors que les négociations semblent s’enliser. Vive le Royaume-Uni intégré à l’Union européenne, vive le TTIP – tout cela a le mérite de la cohérence.

Mais le président américain a également saisi l’occasion pour s’adresser « au peuple d’Europe », inventant délibérément celui-ci pour l’occasion. Stigmatisant ladite agressivité russe (et exigeant un maintien des sanctions européennes contre Moscou), appelant au partage du fardeau militaire (via le financement accru d’une OTAN « plus forte que jamais »), dénonçant la « tentation du repli national », le maître de la Maison-Blanche a chanté une ode enthousiaste à l’intégration européenne, « l’un des plus magnifiques succès des temps modernes ». Il a au passage salué les réformes pilotées par Bruxelles, évoquant particulièrement celles concernant le marché du travail. Myriam El Khomri ne s’attendait pas forcément à un tel soutien.

Barack Obama l’a répété de manière plus qu’insistante : il ne ménagera pas ses efforts pour promouvoir l’« unité européenne », car « c’est dans l’intérêt des Etats-Unis ». Ce n’est certes pas une révélation, mais cette franchise n’est jamais malvenue. Enfin, il a vanté les vertus de la diversité en suggérant à l’Europe d’accueillir plus de migrants. Bref, ouvrez vos frontières pour la main d’œuvre, les capitaux, les marchandises...

Ouvrez vos cœurs, a supplié comme en écho le souverain pontife. Recevant le 6 mai le Prix Charlemagne (la plus haute distinction de l’UE !), il a tancé les Européens, tentés de céder à des « intérêts égoïstes » et oublieux de l’inspiration des « pères fondateurs ». Il les a appelés à intégrer les migrants. On serait presque tenté de lui donner le bon dieu sans confession, n’était le contexte de peuples européens socialement exsangues à force d’être soumis à la pression de la libre concurrence et de la libre circulation ; contexte où l’immigration est organisée pour peser encore plus sur le monde du travail, quand elle n’est pas provoquée par les guerres et les dominations impériales.

A peine l’évêque de Rome avait-il terminé son homélie que deux emblématiques dirigeants européens, le président de la Commission et celui de l’europarlement, prenaient la plume pour louer et opiner : « l’âme de l’Europe, ce sont ses valeurs » ont psalmodié ensemble le chrétien-démocrate Jean-Claude Juncker et le social-démocrate Martin Schulz. Et les deux éminences de prier derechef pour l’unité de l’Europe afin de « préserver notre modèle social », d’« assumer une plus grande responsabilité sur la scène internationale », et de « partager la responsabilité des migrants ». Avant de conclure d’une même voix : « il est donc grand temps pour les Européennes et les Européens de se lever ». Une Nuit debout à la gloire de l’Europe, en quelque sorte.

Succès assuré.

Pierre LEVY

Éditorial paru dans l’édition du 26/04/16 du mensuel Ruptures
Information et abonnements : http://www.ruptures-presse.fr

»» http://ruptures-presse.fr/obama-pape-francois-hanovre-brexit/
URL de cet article 30483
   
Manifeste du Parti Communiste
Karl MARX
Présentation de l’éditeur " On ne peut prétendre que quelques belles pages peuvent à elles seules changer la face du monde. L’oeuvre de Dante tout entière n’a pas suffi à rendre un saint empereur romain aux Communes italiennes. Toutefois, lorsque l’on parle de ce texte que fut le Manifeste du parti communiste publié par Marx et Engels en 1848 et qui a, indéniablement, exercé une influence considérable sur deux siècles d’histoire, je pense qu’il faut le relire du point de vue de sa qualité (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Citoyens,

Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à mot spirituel. Evitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. Citoyens, Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.

Le Comité Central de la Garde Nationale »

Texte de l’affiche apposée avant l’élection de la Commune de Paris, 25 mars 1871.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.