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Petit Aylan, sache que je ne suis plus Charlie, depuis le 13 janvier 2016

Dans une caricature, parue le 13 janvier 2016 dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo [1], Riss, le directeur de publication, a dépeint le petit Aylan [2] à l’âge adulte, en supposant qu’il ait survécu et grandi, comme un agresseur sexuel, à l’exemple des harceleurs sexuels de la gare de Cologne, le soir du 31 décembre 2015.

La meilleure réponse à ce dérapage, je l’ai trouvée dans l’émouvante oh ! combien belle, subtile et juste « Lettre ouverte à Charlie » de Tania Hadjithomas Mehanna [3] que je reproduis ci-dessous et qui contient, effectivement, les raisons de ma décision de ne plus être Charlie, à compter du 13 janvier 2016, et cela, après une magistrale description du blues, des états d’âme et du combat acharné des démocrates du Monde arabe, aujourd’hui :

«  Peu importe qui je suis. Juste te dire Charlie que je suis libanaise. C’est à dire jongleuse, funambule, équilibriste. Cela fait presque 50 ans que j’essaie d’établir un équilibre très incertain entre extrémisme et ouverture, entre religion et laïcité, entre modernisme et conservatisme entre arabité et occident. Je fais le grand écart. Je fais le dos rond. Je croule sous les bombes. Sous la corruption. Sous les influences de merde. Je survis. Je rêve ...d’un monde meilleur. Je crée des soupapes de vie. Je m’essaie à la politique. J’abandonne la politique. Je me remets en question. Je cherche mon identité. Je descends dans la rue. Je proteste. J’écris. Je lis. J’essaie de définir des choses. J’essaie souvent de les redéfinir. Je subis. Parfois j’implose. Parfois j’explose. Mais jamais jamais je ne vais vers les extrémismes qui pour moi représentent la mort. Alors quand on a voulu te tuer Charlie, j’en suis tombé malade. Tuer la liberté ? Cette liberté de pensée, d’expression qui m’avait fait tenir depuis que je suis née dans cette zone géographique si compliquée ? Jamais ! Alors, j’ai affiché mes couleurs. J’ai pleuré avec toi. Je suis descendue dans la rue pour toi. Et j’ai dit haut et fort que jamais personne ne me fera plier. Que j’avais le droit de dire ce que je voulais. Que la censure ne passera pas. Que les imbéciles qui veulent me museler et te museler ne savent pas à qui ils ont affaire. J’ai frimé. Mais j’y croyais. Et ceux qui sont venus te tuer Charlie sont exactement les mêmes qui essaient de faire de moi ce que je ne serais jamais. Alors Charlie ? mille fois Charlie. Mais là, ta caricature du petit Aylan dont je connais très bien les souffrances parce que c’est mon voisin tu vois, elle m’a beaucoup déboussolée. Et là j’ai compris que la haine t’a atteint. Tu vois Charlie, la différence entre toi et moi aujourd’hui, c’est que moi depuis que je suis enfant je suis confrontée à cette haine et que, même si je peux aussi être sarcastique, je n’ai jamais laissé ces cons haineux envahir mon espace de pensée. Bien sûr que en tant que libanaise, je suis souvent dans la provocation, mais jamais dans la haine. Et là tu vois, d’un dessin, de quelques traits de crayons, tu m’as montré que tu n’as rien compris. Ils t’ont tué. Ils t’ont inculqué leur haine et leur façon unique de penser. Je te pensais plus intelligent. Je suis déçue et triste de voir que tu n’as plus de respect même pour ta liberté. Aylan est parti parce qu’il voulait être libre. Aylan est mort parce qu’il voulait être libre. Tu es mort parce que tu voulais être libre. Alors ? Aylan est ton dessin aujourd’hui. Ton outil pour quoi ? Faire sourire ? Continuer à vivre ? Faire vendre ? Etre libre ? Tu n’as rien compris Charlie. Et c’est dommage. Parce qu’à un moment, on a eu les mêmes ennemis. Mais aujourd’hui c’est toi aussi mon ennemi Charlie ».

Que reste-t-il à Riss pour réparer les dommages provoqués par son dessin ?

Il est contenu dans ma réponse sur Facebook à un commentaire relatif à ladite caricature, parue le mardi 19 janvier, à savoir :

Je vous avoue que je suis encore choqué par cette caricature. Je me mets à la place du père d’Aylan dont j’ai rapporté la réaction dans un commentaire, réaction parue sur le lien [4], père, unique survivant de toute une famille, qui a vu disparaître ses deux enfants et leur mère dans des conditions horribles. Non, ici, il n’est pas question de liberté d’expression, ni d’humour au premier, deuxième ou nième degré, ni de racisme, ni de xénophobie, ni d’islamophobie,...., ni de je ne sais quoi encore : il est simplement question d’humanité, des souffrances d’un père qui a pleuré en découvrant le dessin de Riss insultant de façon ignoble et nauséabonde la mémoire de son enfant, conséquence de son humour indécent, offensant et humiliant, prenant le cadavre du gamin comme objet de sa caricature grotesque et inconvenante. Riss a déconné, Riss a choqué, Riss a fait souffrir ce père. Il ne lui reste qu’une seule chose à faire pour réparer les dommages provoqués : s’excuser dans le numéro de Charlie à paraitre demain ; lui, le chevalier de la défense de la liberté d’expression et de la presse qui n’a même pas daigné condescendre, du haut du génie de son crayon, à répondre à cette presse, plus précisément à l’AFP, qui l’a sollicité pour l’interroger sur la controverse suscitée par son dessin, comme il est mentionné dans [4].

Salah HORCHANI

[1] Voir, par exemple :

http://rue89.nouvelobs.com/2016/01/15/aylan-reponse-assassine-dun-dessinateur-palestinien-a-charlie-hebdo-262844
Note du GS à Salah HORCHANI : la reponse-assassine-dun-dessinateur-palestinien-a-charlie-hebdo figure depuis quelques jours sur cette page du GS (sous votre article). Note aux lecteurs : Inutile d’aller voir Rue89-L’Obs, c’est le même dessin.

[2] Voir mon poème intitulé « À Aylan », paru sous le lien suivant :

https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/100915/aylan

[3] https://www.facebook.com/tania.h.mehanna?fref=nf

[4] http://mobile.lesoir.be/1095559/article/actualite/monde/2016-01-16/dessin-charlie-hebdo-fait-pleurer-pere-d-aylan

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La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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