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Chili : la violence insurrectionnelle des camionneurs de droite

La révélation de scandales politico-financiers, pratique courante qui concerne surtout la droite mais aussi des membres de l’ex-Concertation, a ébranlé la légitimité et le prestige politique de bon nombre d’élus.

Les principaux dirigeants de droite, les plus compromis, sont inculpés, et pour l’instant, certains sont condamnés à la prison, d’autres à la détention à domicile et les autres ont l’interdiction de quitter le pays. Ceux de l’ex-Concertation, dont les agissements ne sont pas graves au point de constituer un délit, ne sont condamnables que moralement, mais ont cependant subi une érosion de leur ascendant. Le cas le plus évident est celui de la présidente Bachelet dont l’autorité provenait essentiellement d’une large popularité.

La chute de sa cote de popularité dans les sondages a été perçue par la droite, et plus largement par les secteurs conservateurs, mais aussi à l’intérieur de la coalition gouvernementale (Nouvelle Majorité), comme la cloche qui sonne le départ de l’offensive.

Après avoir remanié son gouvernement pour tenter de passer le cap, Bachelet a réaffirmé sa volonté d’accomplir le programme de réformes.

En l’absence des leaders politiques de l’opposition, contraints de s’expliquer avec la justice, les médias, totalement aux mains de la droite, et les associations patronales ont déclenché une violente offensive pour essayer d’arrêter la politique de réformes allant jusqu’à demander la démission de la présidente.

La protestation la plus spectaculaire a pris une forme qui n’est pas du tout anodine pour les Chiliens : ce sont les associations de propriétaires de camions de la IX Région (Araucanie) qui ont organisé une caravane vers la capitale avec l’intention de se rendre au palais de la Monnaie, siège du gouvernement.

Dans cette région de l’Araucanie située au sud du Chili, le peuple autochtone le plus nombreux du pays, les Mapuches, poursuit une lutte ancestrale pour la récupération de ses terres volées depuis la fin du XIX siècle.

Le refus de l’État chilien d’accéder aux revendications mapuches a provoqué la radicalisation de certains secteurs minoritaires qui utilisent le feu pour détruire les plantations des compagnies forestières. Jusqu’au gouvernement de Piñera la réponse des administrations successives fut l’application de lois antiterroristes, contribuant ainsi à l’escalade du conflit. Par ailleurs, patrons forestiers et camionneurs ont saisi l’occasion pour profiter d’indemnisations versées par les assurances pour le matériel incendié.

A la manne financière des patrons est venu s’ajouter le profit politique et c’est ainsi qu’a été organisée une caravane de protestation en direction du palais présidentiel pour dénoncer les atteintes portées à leurs propriétés et « le terrorisme mapuche » .

Les camionneurs arrivés à proximité de la capitale ont alors exigé que la caravane puisse pénétrer au centre ville en se refusant à toute négociation. Leurs exigences politiques (intervention de l’armée, démission de Bachelet) et les menaces quant aux actions à venir révélaient un état d’esprit insurrectionnel.

Les peuple chilien, qui n’a pas oublié le rôle joué par les syndicats de camionneurs dans la préparation du coup d’État contre Allende, a rejeté cette manœuvre.

Les condamnations sont venues de toutes parts : l’association des chauffeurs de camions, les ex-prisonniers politiques, la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT), la Coordination des Étudiants du Secondaire (CONES), les élus communistes de la CONFECH (universitaires), et bien entendu pratiquement la totalité des responsables politiques de la Nouvelle Majorité ont réprouvé l’action subversive des camionneurs. Une contremanifestation à l’appel des associations de Mapuches de Santiago devant la Monnaie a donné lieu à des échauffourées.

Les confédérations des étudiants ont occupé le siège de l’UDI (Union Démocratique Indépendante -extrême droite-) et distribué des dessins représentant les camions de la sédition.

Les camionneurs après avoir bloqué la route panaméricaine sud pendant des heures ont reçu l’autorisation du ministre de l’Intérieur (*) d’emprunter la principale artère pour défiler dans Santiago la nuit. Là aussi, le peuple de la capitale, à l’appel notamment des Jeunesses Communistes, a affronté les camions à coups de pierres, les obligeant à accélérer leur traversée.

Bref, tous les secteurs responsables de la société chilienne n’ont pas hésité à dénoncer la campagne insurrectionnelle de la droite.

Ces événements ont mis en évidence deux faits. D’abord qu’à l’intérieur de la Nouvelle Majorité les secteurs conservateurs hostiles au programme de changement se montrent de plus en plus réticents à appliquer les mesures gouvernementales. Ensuite, que l’idée fondamentale de la gauche radicale, selon laquelle le gouvernement de la Nouvelle Majorité ne constituerait qu’une variante politique complaisante destinée uniquement à peaufiner le système d’exploitation en place, a perdu de sa vigueur. La droite chilienne, les patrons en tête, en faisant appel à la violence, son ultime argumentation traditionnelle, vient de démontrer, si besoin était, que les réformes proposées par la Nouvelle Majorité qui s’attaquent à certaines structures de base des institutions héritées de Pinochet, menacent effectivement ses privilèges.

Il est indéniable que cette action déstabilisatrice s’inscrit dans l’offensive générale de la droite en Amérique Latine. Aussi, désormais la droite chilienne s’apprête à s’opposer, par tous les moyens, légaux ou pas, à la réalisation du programme de la Nouvelle Majorité. Malheureusement dans cette opération la droite possède des alliés privilégiés à l’intérieur même de la coalition gouvernementale, comme l’a révélé l’attitude fourbe du ministre de l’intérieur Jorge Burgos. Si les partenaires de la Nouvelle Majorité souhaitent le succès du programme, il apparaît de plus en plus évident qu’il va falloir régler le problème de loyauté au sein de l’équipe gouvernementale car les tâches prochaines, réforme du code du travail et changement de constitution, vont provoquer certainement une levée de boucliers encore plus importante des secteurs rétrogrades de la société.

Concernant la coalition gouvernementale , il est clair qu’il lui faudrait rassembler de larges couches de la population pour mener à terme son programme et souhaiter, avec cette force majoritaire, que d’autres pouvoirs de fait au Chili ne choisiront pas la violence comme moyen d’expression pour faire entendre leurs revendications, pour reprendre les termes employés par la sénatrice Isabel Allende, fille du président martyr.

On comprend facilement à quels pouvoirs elle fait référence.

J. C. Cartagena et Nadine Briatte
Massy, lundi 31 août 2015

(*) Les hésitations, compromis et faiblesses du ministre de l’Intérieur ont été durement condamnés y compris à l’intérieur de la Nouvelle Majorité.

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