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Pourquoi j’écris ? J’assume mes « excès »

Écrire est une manière de résister, de respirer aussi, dans une atmosphère de plus en plus irrespirable et dans laquelle, écrivait Mauriac, « il nous faut pourtant respirer ». Un non-monde en quelque sorte.

Nous avons perdu (momentanément) la bataille des idées contre les « libéraux » (qui le sont fort peu), mais il nous reste la parole contre la victoire (réversible) d’une classe sociale, la bourgeoisie ; elle voudrait nous imposer ses valeurs, ses représentations, sa sous-culture, son totalitarisme idéologique, son prêt-à-penser, son robinet d’eau tiède...

Nous vivons des temps de déshumanisation, de criminalisation du langage, de l’engagement militant, de la pensée critique, des « grands récits », des temps de dépossession de l’histoire des peuples, de renversement total de valeurs, où l’homme n’est plus qu’une variable d’ajustement, un kleenex... On sauve les banques, pas les êtres humains... Le droit du fric passe avant le droit de ne pas crever de faim, de se soigner, d’avoir un toit...

L’on ne trouve pas 30 milliards de dollars par an, à l’échelle du monde, pour en finir avec la faim... alors que la guerre en Irak a coûté plus de 3000 milliards de dollars... Alors la faim... Tant mieux ! Elle décime les pauvres, les « classes dangereuses », et permet à la fortune du PDG de LVMH de grossir de 9,27 milliards d’euros en un an, tandis qu’un gamin français sur 10 vit dans la pauvreté ; en France... pays, comme chacun le sait, plus déshérité qu’Haïti.

Voilà la véritable barbarie : les plus riches (état naturel), 10%, possèdent 86% des richesses mondiales. Les inégalités ne tombent pas du ciel. Les marchés ne sont rien d’autre que des décisions politiques grimées.

L’on me reproche parfois, dans ce contexte, d’être excessif (emportement lucide). Je l’assume. Je suis volontairement excessif parce que, même excessif, l’on sera toujours en dessous des dégâts, des crimes (la faim est un crime quotidien organisé, tu as raison Jean....) de l’oppression, des prédations du capitalisme. Face à ses méfaits, nous ne serons jamais assez « excessifs », assez radicaux, assez provocateurs, assez irrévérencieux. Jaurès disait : « je ne suis pas un modéré ». Je sais qu’il est de bon ton aujourd’hui d’être clean sur soi, « raisonnable », d’y « mettre les formes », de retenir ses élans, ses coups au cœur, ses passions, ses colères, de réfréner le messianisme... Raison de plus pour cultiver avec délectation ce que l’on me reproche. Pour être libre, il faut ne pas avoir peur de déplaire, aux puissants (vieux souvenir de Sartre), aux bénis-oui-oui, aux « décideurs », aux nouveaux inquisiteurs et autres bouledogues de garde, aux faux-culs et aux vrais crétins ; il ne faut pas avoir peur d’aller à contre courant de l’idéologie dominante, celle des classes dominantes (Marx est mort ? Mon postérieur !). Le visionnaire écrivain uruguayen Eduardo Galeano, le découvreur de notre Amérique, nous appelait, au nom du camusien « goût de la vérité », à prendre parti. Radicalement. « Dans un monde divisé entre « indignes et « indignés », la neutralité est impossible », proclamait-il quelques mois avant de mourir.

Accepter de se modérer, de se frelater, de se décaféiner, c’est accepter de s’adapter au système au lieu de l’affronter, accepter le statu quo. Lorsque l’on demande l’impossible, l’on est peut-être excessif, « mais cela sert de lanterne », poétisait René Char. Le combat révolutionnaire nécessite une poétique de l’existence.

Alors que l’on ne compte pas sur moi pour m’excuser de mes « excès », d’être « rouge », de l’avoir été et de le rester. Que l’on ne compte pas sur moi pour regretter nos luttes, les luttes des humbles. Toujours les mêmes contre les mêmes. Cela s’appelle la lutte des classes.

Ne disons jamais : « c’est naturel ». Réapproprions-nous le langage de la révolution, les rêves qui paraissent impossibles, les utopies (« l’utopie partagée est le ressort de l’histoire », prophétisait un saint homme, l’archevêque brésilien Monseigneur Elder Camara). Cette utopie sera la réalité de demain, les droits à deux mains. Si l’utopie n’est que minimaliste, non excessive, elle ne vaut rien. « Il n’y a plus de fous », s’écriait le poète antifranquiste León Felipe ; don Quichote est mort et « tout le monde est raisonnable, terriblement raisonnable ». Pour réenchanter le socialisme, pour aller vers un éco-socialisme, il faut en donner envie, le rendre désirable... L’exigence du bien commun, l’urgence du commun, sont plus nécessaires que jamais. Alors, debout, poing levé ! L’actuel déferlement de haine de l’autre, de servitude volontaire, dans un climat étouffant de restauration, de guerre de tous contre tous, ne sauraient nous faire renoncer à l’incandescence de l’idéal, à la rupture avec un système pervers, homicide, naturicide, renoncer à un monde de tous les mondes. « Ce monde n’est pas le nôtre », me disait un jour le poète communiste espagnol Marcos Ana, après l’essentiel d’une vie en prison. Je ne sais plus qui a dit « un cœur n’est cœur que s’il bat au rythme de tous les autres ».

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