« Paris mais aussi Washington ... s’entêtent à faire de la chute de Bachar leur priorité. »
Concernant Washington, je ne sais pas, mais pour ce qui est de Paris, ce n’était qu’une option diplomatique prise au Quai d’Orsay par Alain Juppé ***, un choix politique qui s’est avéré être un très mauvais choix, doublé de mensonges. Pour le comprendre, il faut revenir au début 2011.
Dans un article du Réseau Voltaire, Alain Juppé accusé par sa propre administration d’avoir falsifié les rapports sur la Syrie, il y a cette note [5] :
Dix jours plus tard, c’était au tour de Georges Malbrunot d’affirmer sur son blog du Figaro que l’ambassadeur « est complètement basharisé » [5].
[5] « Syrie : quand l’ambassadeur de France déjeunait avec la bête noire des frondeurs », par Georges Malbrunot, L’Orient indiscret/Le Figaro, le 14 avril 2011.
et dans cet article, Georges Malbrunot écrit : "Le Quai d’Orsay est embarrassé. Il cherche à éviter la répétition de l’épisode tunisien, où la diplomatie française avait été sévèrement critiquée pour ne pas avoir su anticiper la chute de Ben Ali."
C’est vrai que la France avait fait une sacrée bourde en proposant de soutenir le régime de Ben Ali contre les manifestants. On dira donc qu’elle avait mal évalué la situation de ce premier printemps arabe ...
Tunisie : les propos "effrayants" d’Alliot-Marie suscitent la polémique
Le Monde.fr Le 13.01.2011
Michèle Alliot-Marie est-elle allée trop loin, mardi 12 janvier, en proposant, à l’Assemblée nationale, le savoir-faire français à la police tunisienne pour "régler les situations sécuritaires" ?
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/01/13/tunisie-les-propos-effrayants-d-alliot-marie-suscitent-la-polemique_1465278_3212.html
Ben Ali a quitté la Tunisie pour l’Arabie Saoudite le 14 janvier 2011, soit peu de temps avant le début des manifestations à Deraa le 15 mars 2011.
Donc on peut en déduire que au Quai d’Orsay, Juppé avec la bénédiction de Sarkozy évidemment, a parié sur la chute de Bachar al Assad dès le début ... et qu’il fallait absolument tenir cette posture diplomatique de « Bachar dictateur », largement relayée par les médias aux ordres. Au grand mépris des informations que fournissait Eric Chevalier, ambassadeur de France à Damas.
Ils n’ont pas cherché à comprendre, à évaluer réellement la situation, et ont travesti par la suite volontairement la réalité de ce qui se passait réellement en Syrie dès le début ...
C’est vraiment très triste à dire, de constater que le soutien inconditionnel aux rebelles par la suite s’est joué sur un pari !
ils ont, non seulement trahi la France, mais aussi les syriens.
Puis après cette énorme casserole diplomatique, ce fut l’engrenage de violences que l’on connaît, qui fut alimenté par la France et ses alliés qui voyaient d’un bon œil que la Syrie tomberait pour la dépecer... ce qui nous donne le chaos d’aujourd’hui.
A l’évidence la France a eu une très lourde responsabilité politique dans l’origine de la dégradation des événements en Syrie en ayant alimenté par ses positions politiques la sédition. Le Gouvernement de Hollande n’a fait que poursuivre cette erreur.
*** dans le livre des journalistes français Georges Malbrunot et Christian Chesnot, « Les chemins de Damas, Le dossier noir de la relation franco-syrienne », publié en octobre 2014 :
Altercation au ministère des Affaires étrangères
Un chapitre du livre intitulé “Bagarre au Quai d’Orsay” fait état d’une violente querelle sur la Syrie qui s’est produite dans un bureau du ministère des Affaires Etrangères à Paris au printemps 2011. A cette époque, Alain Juppé était le ministre des Affaires Etrangères. L’altercation a eu lieu dans le bureau d’Hervé Ladsous, le chef de cabinet du ministre des Affaires Etrangères, entre Eric Chevallier, l’ambassadeur de France à Damas, et Nicolas Galey, le conseiller du président (Nicolas Sarkozy à l’époque) pour le Moyen-Orient. Etaient aussi présents Patrice Paoli, directeur, à l’époque, du département du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et aujourd’hui ambassadeur de France au Liban, et Joseph Maila, le directeur de la prospective au ministère des Affaires étrangères, ainsi que des diplomates responsables des affaires syriennes.
La conviction de l’ambassadeur Chevallier était la suivante : « Le régime d’Assad ne tombera pas, Assad est fort » et il se maintiendra au pouvoir. C’est ce qu’il avait écrit dans ses dépêches diplomatiques depuis Damas, raison pour laquelle il avait été rappelé à Paris. Chevallier "a redit aux personnes présentes à cette réunion qu’il était « proche du terrain », et qu’il avait « visité diverses régions de la Syrie et qu’il n’avait pas le sentiment que le régime en place était en train de s’effondrer » .
« Arrêtez de dire des bêtises ! » l’a interrompu Galey, le représentant de Sarkozy. « Il ne faut pas s’en tenir aux faits, il faut voir plus loin que le bout de son nez. » a-t-il ajouté. La remarque de Galey était d’une « hostilité sans précédent » selon une des personnes présentes. Même Ladsous « a été choqué de la détermination de Galey, » quand il est apparu que Galey "n’était pas venu prendre part aux délibérations mais remplir une mission spécifique : imposer l’idée que la chute d’Assad était inévitable," et faire comprendre à tout le monde qu’aucune opinion divergente ne serait tolérée dans le corps diplomatique français.
Mais Chevallier a défendu sa position qui différait de celle que l’Elysée voulait imposer. Il a dit qu’il avait rencontré l’opposition syrienne régulièrement, « mais qu’il continuait à penser que le régime avait la capacité de survivre ainsi que des soutiens étrangers » . « On se moque de vos informations !a réitéré Galey » , ce à quoi l’ambassadeur a répondu : « Vous voulez que j’écrive autre chose mais mon travail comme ambassadeur est de continuer à dire ce que j’ai écrit, c’est à dire ce qui est réellement arrivé » . « Vos informations ne nous intéressent pas. Bachar el-Assad doit tomber et il tombera », a rétorqué Galey d’une voix coupante. La querelle s’est alors envenimée, ce qui a forcé Ladsous à intervenir plusieurs fois pour mettre fin à cette « bataille verbale ».
http://www.legrandsoir.info/les-chemins-de-damas-comment-l-elysee-a-manipule-les-rapports-sur-les-armes-chimiques-al-akhbar.html