Jean ORTIZ travaille depuis longtemps sur la Guerre d’Espagne, le franquisme, les résistances, les guérilléros, la mémoire historique... Il vient de publier aux éditions Atlantica (Biarritz) un ouvrage qui remet en perspective les changements désormais possibles et attendus, en Espagne. « Espagne : la République est de retour ».
Pourquoi chez un éditeur de Biarritz ? Parce que ceux de Paris sont pris par Trierweiler qui dénonce un passé conjugal et par Houellebecq qui annonce un futur islamisé. Il faudra un jour mener une discussion sur les distributions inadmissibles de sourdines ici, de porte-voix ailleurs. Il faudra trouver un biais pour dire à la multitude : « On vous a fait ingurgiter une histoire d’alcôve et d’amour déçu en ne vous disant rien d’une information capitale sur l’Histoire d’un pays limitrophe ». Ou encore : « Demain, on vous taira un peuple qui souffre, mais pas la douleur au genou d’un dieu de stade. »
Revenons au livre. « Espagne : la République est de retour » couvre la période de 1931 jusqu’à la percée fulgurante de « Podemos » aujourd’hui. Pour l’universitaire, fils ce cette Histoire, le référent démocratique reste la Seconde République de 1931, modérée, réformiste, mais au bilan social et sociétal insupportable pour l’oligarchie, la banque, l’Eglise, l’armée... Si l’on ne part pas de ce référent, de cette République trahie, écrasée, abandonnée, on ne peut comprendre la vertigineuse crise structurelle que vit l’Espagne actuellement.
Jean Ortiz se livre à un travail rigoureux de réinterprétation de thèmes et moments historiques très complexes et controversés, parfois même « tabouïsés », objet d’abondant révisionnisme ... Historien et militant de la mémoire, il réévalue notamment l’apport de l’anarchisme espagnol, étudie sa richesse et ses contradictions, analyse le
conflit guerre/révolution, la « question catalane », interpelle les commémorations sans contenu, démonte le mythe de « la transition modélique », évalue le rôle et la stratégie des communistes, de l’Union soviétique, analyse l’irruption féconde des « Indignés » et de « Podemos », sans a priori, dans une démarche dialectique, ouverte, loin de toute « légende » ou histoire officielle, de tout dogmatisme...
Sans étudier les causes, la nature, les forces sociales, de la « Guerre d’Espagne » et les fondements, les spécificités, la sociologie, du fascisme espagnol, de la longue résistance antifranquiste, on ne peut évaluer, contextualiser, l’abdication du roi Juan Carlos, le discrédit et la crise, grandissants, de la monarchie parlementaire, de « la politique », de « la caste », du bipartisme PP-PSOE au service du marché, la nécessité et la possibilité de changements profonds, d’une victoire contre la « troïka » et le néolibéralisme aux élections générales de fin d’année ; la possibilité d’une alternative populaire, d’une « République nouvelle, sociale, anticapitaliste, fédérale ». Pour l’historien, l’Espagne est « plurinationale », une « nation de nations »...Le nier, c’est ouvrir la porte au pire...
L’exigence d’un processus constituant et celle d’un référendum pour choisir entre République et monarchie, sont désormais aujourd’hui majoritaires. L’histoire s’accélère.
Jean Ortiz a écrit un livre « dissensuel », qui incite au questionnement, au débat, un livre à l’écriture claire, incisive. Qui lui ressemble.
Vladimir Marciac
« Espagne : la République est de retour ». Editions Atlatica, 355 pages, 18 euros.
En librairie ou à commander à la libraire de la Renaissance : http://www.librairie-renaissance.fr/contact.php