Je me dirai avec Victor Hugo, dans l’Homme qui rit que « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches. »
Je pleurerai sur mon pays, et mon deuil et ma douleur iront à une sous-population de jeunes sans éducation, sans culture, sans travail, sans avenir, avec pour échappatoire le shit, le vol, le deal, les trafics, les règlements de comptes, ou le crime au service de dieu.
Car c’est sur les conséquences du régime politique, économique et social qui engendre les criminels qu’il faut pleurer, et qui se satisfait de les abattre.
Oh ! Bien sûr nous pouvons dormir tranquilles ce soir, mais à condition de ne pas coucher sous les ponts... ou de ne pas être dans la file d’attente des restos du coeur.
Dormez ! dormez ! braves gens.. et circulez car vous êtes protégés et nous vous appelons à vous protéger vous-mêmes en demeurant vigilants.
Circulez ! et manifestez dimanche car il n’y a rien à voir d’autre que vous-mêmes en une énorme masse le soir à la télévision. Votre sécurité est assurée avec efficacité et promptitude, comme votre réduction à l’état de peuple de gueux qui fait le bonheur des riches l’est, quoique de manière plus douceureuse.
Eux, les malheureux, les déshérités, ne me font pas rire bien qu’ils offrent quotidiennement une caricature de la vie et permettent de manière sporadique à des clowns sinistres de sortir de leur boîte au bout d’un ressort, de plastronner au nom de la liberté, de la République, devenue soudain fraternelle, égalitaire ; mais qui mettent jour après jour le peuple à bas en le réduisant à mendier dans les rues, à être mal logé, mal chaufffé, mal nourri, mal transporté, mal payé et réduit au chômage sans perspectives autre que de mal vieillir. Et en tentant de l’abrutir en prime.
Et comme ce peuple est sans espoir réel, il lui reste à répondre à l’invitation républicaine, à se rassembler pour se réchauffer et à réchauffer ses trompeurs un moment dans la rue, lui qui ne sait quoi faire quand il s’agit de défendre ses prérogatives, sa dignité et son pain.
Et à s’époustoufler devant l’image de la foule d’un jour qu’il constitue, derrière ceux qui lui marchent dessus à longueur d’années.
Et à se disperser enfin, à retourner au quotidien à la semaine et au dimanche qu’il demande soi-disant à ne plus chômer, et à calculer ses fins de mois difficiles, mais en toute sécurité.
Lui qui ne peut se rassembler pour s’ébrouer des parasites.
Alors, non ! somme toute, je ne serai pas dans la rue dimanche.
... Même pas en rêve...