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Une balade dans un champ labouré

Je n'entrerai pas dans la discussion proprement dite sur « la loi de la baisse tendancielle du taux de profit [qui] a suscité, depuis plus d'un siècle, une immense littérature qu'il m'est impossible résumer ici en quelques mots » (Christophe Darmangeat.

Qu’il suffise de rappeler que le taux de profit r se formule ainsi : r = pl / (C+V)
pl la plus-value ( la part du travail fourni non payée aux ouvriers) ; C le capital constant (machines, matières à travailler, etc) ; V capital variable (salaires).
En divisant haut et bas par V on obtient :
r = (pl/V) / [(C/V) + 1]

Toutes choses égales d’ailleurs, on observe que l’accroissement de C entraîne celui du dénominateur et par conséquent la diminution du taux de profit r.
Effectivement, dans la réalité, le mouvement de la concurrence entre les capitaux dans une branche donnée entraîne un perfectionnement des machines de plus en plus poussé, donc proportionnellement de plus en plus d’investissements dans C.

Cependant, c’est déjà beaucoup simplifier les choses, puisque V diminue en principe corrélativement (ce qui est recherché), ainsi que conséquemment pl quand les autres capitalistes qui ont survécu se sont mis au diapason (ce qui est moins apprécié) et surtout qu’il est ainsi supposé que l’industrie se borne à fabriquer toujours les mêmes produits quoique en quantités (voire de qualités) différentes ; ce qui est loin d’être le cas à l’échelle de l’ensemble de l’appareil productif.

Le fait est patent si l’on regarde du côté de la production des moyens de production qui précisément a pour rôle de fournir de nouvelles machines : son progrès est infini ainsi que celui de l’accroissement et la diversification des besoins.

Et si je veux bien suivre Christophe Darmangeat [ici, son blog] quand il dit que « le capitalisme a incontestablement connu plusieurs périodes caractéristiques de la configuration repérée par Marx » (op. cit)., je remarque cependant que Marx ne pouvait faire autrement que de la repérer dans son époque qui était celle du capitalisme concurrentiel.

Dans ce cadre, malgré la disparité des taux de profit entre les différentes branches de la production, tendait cependant à s’établir du fait de la concurrence entre les capitaux un taux de profit moyen. Sinon la production de certaines branches, moins rentables, à terme aurait été désertée, ce qui n’était pas le cas.

La loi est alors tout à fait admissible car, globalement (la production capitaliste étant considérée ici comme un système clos) la part du capital constant va s’accroissant du fait du progrès technique et sous l’effet de la concurrence : il semblerait contraire aux faits d’affirmer que le progrès technique ne conduit pas à l’augmentation de sa part (C) en valeur.

Aujourd’hui même, les énormes investissements requis par l’industrie moderne (énormes au regard de la relativement faible quantité de main-d’œuvre qu’ils exploitent) en témoignent.

Cependant, ce capitalisme de la libre concurrence n’est plus depuis longtemps. Il a cédé la place aux monopoles bancaires et industriels, et à la fusion des capitaux correspondants.

Dans ce nouveau cadre (séculaire, mais qui n’est plus un cadre, puisqu’il est éclaté) le secteur financier (celui des capitaux bancaires et industriels fusionnés) et ses marchés domine l’ensemble du système de production capitaliste à l’égard duquel il se comporte de manière prédatrice.

La baisse du taux de profit due à la technicité de plus en plus poussée des branches de la grande industrie, que les grands capitaux abandonneraient si elles étaient réellement moins rentables, se trouve compensée par la ponction qu’ils opèrent sur l’ensemble des profits de la société capitaliste et qui ne se réduisent pas à ceux du grand capital.

Toutes les étages de la production, des entreprises du CAC 40 aux plus petites PME dépendent de la banque mais ce n’est pas du tout la même chose d’être partie prenante dans le capital bancaire ( fusion, interpénétration avec le capital industriel ! ) et d’en être le débiteur. La banque constitue une des voies de circulation par lesquelles le grand capital (le capital financier) prélève sa dime. L’autre voie se trouvant dans la sphère de la production et de la circulation des marchandises elle-même : la sous-traitance.

Ainsi, les monopoles industriels et bancaires, la finance, procurent à celle-ci une espèce nouvelle de rente, nouvelle par rapport à celle qui provient du monopole de la propriété foncière.

C’est sans doute pour cette raison que Lénine a qualifié l’impérialisme ( le capitalisme arrivé à ce stade ultime) de parasitaire et d’antichambre du socialisme.

Et comme on le voit, la fameuse question tant débattue depuis longtemps de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit et qui tient aujourd’hui pour certains le rôle dans l’économie de l’équation E= mc² en physique, cette fameuse loi qui est censée expliquer le présent et le manque d’avenir du capitalisme, cette loi s’est évanouie en chemin.

Puisse malgré tout, le capitalisme ( à son stade impérialiste) faire de même dans la réalité et non plus seulement dans les raisonnements théoriques de quelques-uns...

Clichy, le 7 janvier 2015.

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