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Questions pour un changement qui ne vient pas

Et si la contre-productivité c'était nous ?

Alors que l’exaspération est à son comble parce que les gens n’en peuvent plus des promesses trahies et des reniements pleinement assumés par ce gouvernement qui a l’outrecuidance de continuer à se dire "de gauche", alors que (seules) les professions libérales sont toutes dans la rue, vent debout contre les déréglementations envisagées...

Pour être utile au changement, la première des questions à se poser, me semble-t-il, c’est pourquoi le changement ne vient pas ?

Pourquoi l’inertie de toutes ces personnes, toutes celles encore qui n’en peuvent plus, mais ne font rien ?

Voici une liste, non exhaustive, de "moteurs déficients" auxquels il faudrait porter attention :

1) la faiblesse du niveau politique

C’est peu de le dire, la culture politique, culture politique entendue/étendue du sens civique à l’engagement dans un parti, en passant par la connaissance et la réflexion politique ; la culture politique, donc, semble bien ne plus habiter/intéresser nos concitoyens. Les plus jeunes, les nouvelles tranches d’âges et générations montantes.

Les forces du dégoût et du dénigrement sont à l’œuvre, là aussi.Ce qui manque avec la culture politique, à la fois, la matrice, ou le réservoir-référentiel d’idées et de positions, c’est aussi ce qu’elle induit "naturellement" en réflexe de positionnements et d’actions collectifs.

2) une seconde faiblesse s’installe sur cette première déficience, c’est la faiblesse de culture générale

Laquelle offre un champ, royal, aux nouveaux imposteurs qui ont évincé les authentiques détenteurs d’éléments de culture générale absolument nécessaires au débat.

Pour être clair, citons le pseudo historien Lorânt Deutsch, les économistes bien pensants (Lenglet, Seux...), les M. Réponse à tout (Attali), .. tous experts de rien qui, aujourd’hui omniprésents sur les plateaux de radio et de télé, ne contribuent pas peu au brouillage idéologique, au brouillage des esprits en installant, dans la confusion que répandent ces nouveaux Closets, résignation, acceptation de l’ordre établi et présenté comme immuable, etc. Ces nouveaux idéologues va-t-en-guerre combattent, à la fois, sur le champ du politique et du vocabulaire, et des représentations mentales.

Ayant chassé les personnes qui étaient porteuses de positions critiques et alternatives, ils ont gagné la bataille des cerveaux dans lesquels ils ont introduit de toutes autres valeurs que celles que nous continuons à promouvoir : "Ne pas s’emmerder, gagner du fric très vite, consommer, décrocher, frimer...".

Aujourd’hui, les exploités raisonnent avec le langage des exploiteurs/voient le monde avec les lunettes de leurs exploiteurs. Imagine-t-on assez l’ampleur de cette défaite, et, conséquemment, l’immensité du travail de reconquête à entreprendre ?

3) On comprendra aisément, si on les admet, que, face à ces deux premières faiblesses, nos interventions, telles qu’elles sont conçues aujourd’hui, que ce soit en terme d’expression politique, ou de proposition d’action, fassent un "flop" et tombent, très souvent, à côté de la plaque.

Pire : ne jouent-elles pas un rôle répulsif ?

Pourtant, si l’on prend la mesure de l’état d’esprit des gens aux quels on s’adresse, ne devrait-il pas être possible de modifier ces interventions pour leur rendre une meilleure efficacité (à défaut d’une pleine efficacité) ?

A ranger encore dans ce troisième point la "vie moderne", avec tous ses dispositifs, pervers ou non, qui nous habituent à l’efficacité et à l’immédiateté.

Mesurés à cette aune, que valent nos propositions d’actions pour, à défaut d’imposer un changement de société, prétendent empêcher l’application des mesures de régression sociale qui nous sont imposées ?

4) Tous les jours, ou presque, les médias nous abreuvent, nous noient sous un flot de mauvaises nouvelles. Dans tous les domaines : régression sociale, casse économique, corruption et dépréciation du politique, dégradation du vivre ensemble et délitement de la cohésion sociale/du modèle républicain... C’est du sans précédent !
Depuis combien de temps les cerveaux réceptifs n’ont-ils plus été irrigués par l’oxygène de bonnes nouvelles (application de bonnes mesures, succès de luttes syndicales...) ?

Prenons-nous bien compte de cette accoutumance au pire et de ses effets ? N’y participons-pas nous même lorsque nous consacrons une part, non négligeable, de notre temps à relayer/répéter ces mauvaises nouvelles ?

Temps non négligeable peu ou pas suivi d’annonce de contre propositions. Comment les rendre crédibles après coup ?

L’overdose, dans ce domaine-là, ne suscite plus, et depuis longtemps, la colère et la volonté d’en découdre, necontribue plus à la mobilisation. Au contraire ! Sans doute contribue-t-elle à pousser encore un peu plus ceux qui continuent à les recevoir dans un sentiment d’impuissance ou à chercher refuge dans la futilité, l’immédiateté, pour ne plus les entendre, pour s’anesthésier...

Ne sommes-nous pas restés bloqués sur l’indignation ? Que sommes-nous capables de proposer au-delà ?

Les réflexions souvent entendues, du genre : "la catastrophe se prépare", "le F.N. arrive", ne devraient-elles pas nous montrer le danger d’en rester à ce seul stade et, par contrecoup, l’urgence qui nous est faite de proposer une alternative ?

Proposer une alternative, c’est-à-dire, tout à la fois :

Un projet, crédible et accessible pour être mobilisateur, le chemin à emprunter pour le faire advenir. Montrer la porte ne suffit pas, encore faut-il donner la clef pour que l’on puisse l’ouvrir. Refaire vivre la volonté d’en découdre, fabriquer du positif !

Deux autres questions, récurrentes, ne sont pas abordées ici. Elles ne doivent pas être oubliées. Par tous ceux qui ont à cœur de faire vivre, et réussir, le projet de transformation sociale.

1) Le sentiment d’appartenance de classe, à retrouver ! Pour que tous les exploités se regroupent sur des positions de classe pour, à partir de là, et de ces valeurs, reprendre la lutte des classes !

2) Le référentiel idéologique/les mécanismes idéologiques, perfectionnés ;, mis en œuvre, à l’encontre des exploités, pour, à la fois, dissoudre ce sentiment d’appartenance de classe, et déployer des mécanismes d’assimilation et d’intégration à la classe dominante.

Jean-Marc GARDES

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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement.

H. Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT

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