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SNCM : Qui sont les pirates ?


Le Courrier de Genève, 30 septembre 2005.


« Détournement », « violence », « rapt », « terroristes », « pirates », « flibustiers »... Depuis l’action, mardi, des marins syndicalistes de la SNCM, certains médias sont intarissables. C’était prévisible : le halo mythique entourant la mer et ses marins ouvre la voie à tous les fantasmes. On aurait presque envie de s’en amuser, mais l’affaire n’est pas drôle : quatre syndicalistes français sont sur le point d’être inculpés et risquent, comme se plaisent à le souligner certains, « vingt ans de prison ».

Il est bon de rappeler quelques faits. La trentaine de travailleurs qui a tenté d’amener le Pascal-Paoli vers la Corse a agi pacifiquement. Il n’y a pas eu détournement : personne n’a été retenu en otage. Les prétendus « pirates » n’ont livré aucune résistance aux gendarmes qui ont donné l’assaut. Ils n’agissaient pas non plus par appât du gain, simplement dans le cadre d’une lutte syndicale. Leur revendication ? S’opposer au bradage d’une entreprise étatique en la « régionalisant ». D’où la destination symbolique choisie...

On peut partager ou non les objectifs et la stratégie du controversé Syndicat des travailleurs corses (STC), à l’origine de l’affaire. Mais que des salariés défendent leurs intérêts en occupant leur outil de travail n’a rien de décoiffant. A terre comme sur la mer. Beaucoup plus scandaleux est l’envoi des troupes de choc de l’armée française pour le reprendre aux grévistes, alors que ceux-ci essayaient vainement d’accoster...

A moins de deux ans de la présidentielle, l’opération de police-spectacle du duo Sarkozy-Villepin sent bien entendu la surenchère sécuritaire. Le gouvernement espère certainement aussi que l’avenir judiciaire des quatre « meneurs » incarcérés fasse réfléchir leurs collègues de la STC. Qui a parlé de « prise d’otages » ?

Il y a fort à parier qu’avec l’aide de Bruxelles, le pouvoir chiraquien parviendra à ses fins. La SNCM, comme d’autres entreprises publiques avant elle, sera vendue -à un proche du premier ministre, comme le révèle Le Monde...- pour financer les baisses d’impôts promises pour 2007.
En l’occurrence, s’il est un « détournement » à dénoncer, c’est celui du bien public.

Benito Perez

 Source : www.lecourrier.ch

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