Alors que c’était les grille-pains explosifs.
Au cours des dernières années, une bonne partie de l’humanité est devenue plus tolérante envers un groupe qui autrefois était rejeté par la société. Jusqu’à récemment, il était encore de bon ton d’être offusqué par une minorité : la communauté des tueurs d’enfants. Il semble que les mentalités changent et que nous commençons enfin à écouter leur point de vue.
Voici l’exemple d’un de ces braves types, qui ne demande qu’à s’exprimer, le porte-parole Uri Dromi, qui a expliqué hier sur Radio 4 que bien que le gouvernement israélien ait bombardé une école où plusieurs enfants sont morts, les décès sont clairement de la faute des gens qui vivent dans les zones bombardées.
Quel pensée rafraîchissante qui nous change de cette vieille rengaine qui voulait que le responsable d’un assassinat soit l’assassin. Monsieur Drôme, ancien porte-parole du gouvernement israélien, a déclaré que les Israéliens avaient été « attirés dans un piège, et maintenant le Hamas verse des larmes de crocodile sur les morts ».
Si seulement nous étions plus nombreux à comprendre le bombardement d’une école sous cet angle. Nous sommes toujours prompts à juger un pauvre gamin d’une ville américaine qui tire sur ses camarades de classe, sans même prendre le temps d’envisager que les enfants tués l’avaient sans doute attiré dans un piège et après, pour ne rien arranger, leurs parents ont tous fait semblant de pleurer.
Encore plus imaginatif fut Michael Oren, ex-ambassadeur israélien aux Etats-Unis, sur Channel 4 News. Il a expliqué que le Hamas était responsable de tous ces morts, parce que « des grille-pains et des réfrigérateurs ont été piégés, »
Tout ceci nous montre qu’il ne faut jamais tirer des conclusions à la hâte. Beaucoup d’entre nous voient la photo d’un bâtiment rasé, avec une bombe qui dépasse des gravats, et pensons toute suite qu’il y a un rapport entre la bombe et l’explosion. Mais en regardant de plus près on voit clairement que l’explosion est due à des maladroits pas très futés qui se sont fait sauter avec un grille-pain.
Je parie que si nous retournions à Hiroshima pour vérifier de manière plus approfondie ce qui s’y est réellement passé, nous découvririons que l’explosion n’avait rien à voir avec une bombe atomique, et qu’elle a été provoquée par une bouilloire piégée. J’espère que les organismes de consommation à Gaza abordent ce problème pour avertir les gens des dangers. A Gaza, le numéro cette semaine de Que Choisir ? pourrait commencer ainsi : « Nous avons reçu plusieurs plaintes de gens qui ont acheté un de ces grille-pains du Hamas, et ont été surpris lorsque toute la rue a explosé ».
Benjamin Netanyahu a défendu les droits civils des tueurs d’enfants en nous informant que les Palestiniens mettent délibérément en scène les « morts télégéniques » pour être filmés, pour attirer la sympathie. Il semblerait donc que le Hamas se promène sur les sites bombardés pour placer les plus beaux cadavres bien en vue des caméras de télévision, car sinon nous pourrions penser « peu importe que les Israéliens aient tué cet enfant, de toute façon il était moche ».
D’autres porte-paroles ont répété ces mêmes phrases, et peut-être bientôt passeront-ils à l’étape supérieure, en affirmant que les Palestiniens que nous voyons hurler de douleur devant leurs enfants morts ont été formés dans une école d’acteurs spéciale du Hamas. Des metteurs-en-scène hurlent, « Allez, une dernière répétition. Dès que le grille-pain explose, je veux tout le monde à genoux en train de sangloter, donnez tout ce que vous avez, tout, puis nous passerons à la prise. »
Alors que le bombardement se poursuit, je pense que nous entendrons encore plus de raisons pour lesquelles les Palestiniens sont à blâmer pour avoir été bombardés. Un ministre israélien dira : « Ces gens de Gaza se plaignent toujours qu’ils vivent dans une zone densément peuplée, alors nous essayons de les aider en réduisant la population autant que nous pouvons pour leur donner plus d’espace. Mais ils ne sont toujours pas contents. Certaines personnes ne sont jamais satisfaites. »
Les Israéliens insistent qu’ils donnent des avertissements avant de bombarder, et en général nous pardonnons à quelqu’un qui bombarde une école pourvu qu’il prévienne cinq minutes à l’avance. Étant donné la densité de la population, et l’ampleur du bombardement, aucun avertissement ne sera suffisant s’il n’est pas accompagné d’instructions sur comment fuir vers la quatrième dimension, mais bon, l’intention est là.
A présent ils veulent mobiliser 16 000 réservistes de plus, mais s’ils pensent qu’ils sont incapables de faire suffisamment de dégâts, une meilleure stratégie pourrait être d’abandonner leurs bombardiers F16 qui ne sont clairement pas à la hauteur, et de les remplacer avec des grille-pains piégés car ces derniers sont apparemment plus efficaces.
Dans les temps moins éclairés, les responsables de tels assassinats étaient hués dans la rue et leurs photos affichées dans les journaux avec des titres enflammés. Mais heureusement, nous sommes de plus en plus progressistes et on ne peut que regretter de ne pas avoir eu dans le passé plus d’égards pour les assassins.
Pauvre Fred West [célèbre tueur en série en Grande-Bretagne - NdT], par exemple, aurait enfin eu une chance pour se défendre, et se serait assis dans un studio de télévision pour dire : « Bien sûr, je regrette la mort de civils. Mais vous devez comprendre que ces gens que j’ai assassinés pouvaient être de sacrés emmerdeurs. J’ai été attiré dans un piège pour les tuer, et je ne peux même pas être certain de les avoir tués avant de réaliser ma propre enquête. Vous savez, certains se tuent pour s’attirer la sympathie en piégeant leur planche à repasser. »
Au fur et à mesure que les temps changent, peut-être que Netanyahu et ses porte-paroles seront plus directs, et organiseront un « Tueur-d’enfants-Pride » où les tueurs d’enfants défileront pour le carnaval, où ils pourront enfin se sentir en sécurité et ne pas se sentir méprisés pour avoir exercé leur droit fondamental à réduire une école en miettes.
Mark Steel
Traduction "peut-on réellement prendre un sioniste au sérieux ?" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.