Imaginons l’inverse : le chef néo-franquiste du gouvernement espagnol s’inquiétant
– de l’état de nos banlieues,
– de nos médias aux ordres,
– des cadeaux "socialistes" au patronat,
– de la liberté de manifester en France,
et exiger, par exemple, la co-officialité de nos langues régionales...
Cela s’appelle de l’ingérence dans les affaires d’un pays souverain et viole les normes de base de la diplomatie.
En visite officielle en Espagne ce mercredi, le premier ministre français a déclaré qu’une éventuelle "sécession" (qui parle de sécession ?) de la Catalogne "aurait des conséquences très dangereuses" pour la Catalogne, l’Espagne mais aussi l’Europe. Valls a ressorti les vieux épouvantails des "nationalismes" et des "populismes" qui menaceraient "la construction européenne" ultralibérale.
Dans un pays déjà saigné aux quatre veines par la Troïka, le docteur Diafoirus a recommandé d’intensifier "les efforts" (entendez les sacrifices) pour "réduire le déficit public et la dette". Il s’est même permis de faire la leçon au nouveau secrétaire général du PSOE, Pedro Sanchez, qui avait appelé les socialistes espagnols au Parlement européen à voter contre l’élection de Jean-Claude Juncker. Le premier ministre français, du haut de sa morgue, l’a indirectement enjoint à "être cohérent".
De la part d’un premier ministre français, fût-il d’origine catalane, ces "singérences" dans la vie politique d’un autre pays relèvent de la faute lourde. Au nom de quoi nierait-on à un peuple le droit à un référendum sur l’autodétermination ? La Catalogne n’est pas une région, mais une nation. Et l’Espagne n’est pas l’Etat espagnol. Il y a en Catalogne des forces de gauche qui souhaitent ce référendum, tout en refusant la "sécession". Ce qui est en crise en Espagne, irréversible, c’est le modèle néo-libéral issu de la "transition". De plus en plus d’Espagnols considèrent que seule une République sociale, fédérale, pluri-nationale, peut éviter l’implosion. Cela exige, estiment notamment "Izquierda unida", Podemos, l’ERC, et d’autres petites formations de gauche, un processus constituant et une nouvelle constitution à la recherche de nouveaux équilibres fiscaux, territoriaux, participatifs, et prenant en compte les aspirations non seulement des Catalans, mais de toutes les victimes du système dont vous êtes l’un des VRP, monsieur Valls.
Vous qui vous rêvez en fossoyeur de la gauche en France, en chef de file d’un parti démocrate à l’Américaine, ne prenez pas les Espagnols pour des gugusses. En Espagne, les libertés dont celle de voter n’ont pas été octroyées par la monarchie, mais conquises au prix du sang, des tortures, de milliers de "disparus", de prisonniers politiques, d’exilés, gagnées de haute lutte.
Jean Ortiz