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Colons, retrait et dégoût, par Michèle Sibony.

Dimanche 14 août 2005, depuis le Congrès des Femmes en Noir à Jérusalem.


En direct d’Israël, les colons, le "retrait", et le Congrès International des Femmes en Noir à Jérusalem.


La semaine qui vient de s’ écouler a vu déborder la mise en scène obscène du retrait par tous les pores de la société israélienne. Quelques exemples vus et entendus : si l’on se rappelle par exemple les vendredis matins qui emplissent les carrefours de Haïfa de pancartes contre le retrait de distributeurs de rubans orange, il faut se rendre compte que ce dernier vendredi c’est une caravane de voitures orange qui traversait le Carmel en klaxonnant. La télévision israélienne propose sur toutes ses chaînes aux heures de grande écoute des reportages ininterrompus sur les colons et leurs états d’âme, « accepterez-vous de partir s’il vous plait ? » « Nous comprenons votre douleur de quitter votre maison et de la voir détruite derrière vous ». Les rassemblements devant Erez sont filmés, les rabbins prient, les femmes crient, les témoignages se succèdent de la plainte à la menace, j ai même entendu deux très jeunes filles, tête couverte, expliquer avec un très fort accent français : « nous avons grandi en France et nous savons ce qu’est la démocratie, et nous avons eu 1968, nous savons aussi ce qu’est une révolution » (sic).

Reportages sur les colonies de Goush Katif et le commentateur ajoute enfin pour conclure quelques images de cette si belle plage qui bientôt sera vide. La caméra montre la plage de Mawassi, quelques jeunes colons s’y promènent mélancoliques...

Cette colonie qui bloque l "accès à la mer de toute une population depuis des années, avec un des checks-point les plus meurtriers et les plus racistes... on croit rêver : à nouveau la propagande nationale diffuse son venin quotidien : « la Terre était vide » comme le rapportait Elias Sambar.

La préparation politique de la répression s’affiche aussi à la télévision : ordre aux gardiens de prison de pouponner tendrement les chers frères qui seraient arrêtés, ordre à la police de ne pas utiliser la force, il paraît même qu "en interne les policiers s’agitent, on compterait les envoyer sans armes à la rencontre des acharnés, et on leur a dit clairement : attention on n’est pas à Oum El Fahem ici ( ville palestinienne de l’intérieur ou furent tués quelques uns des Palestiniens israéliens d’octobre 2000 qui manifestaient sans armes, eux)

Quant aux « serouvnikim », les soldats qui refuseront de forcer les colons à partir, la question a été posée à la télévision à un officier très supérieur, « pas question qu’ils aillent en prison, voyons ! »Ah, bon, voici une nouvelle règle que certains de nos refuzniks auraient aimé connaître, ceux comme Kaminer qui ont passé deux ans de leur jeune vie en taule pour leur refus de porter une arme contre des Palestiniens. Une nouvelle qui devrait intéresser aussi le fils du cinéaste Avi Mograbi, en prison depuis vendredi, pour refus de servir.

Enfin on interroge un Palestinien : Saeb Arekat principal négociateur actuel de l’Autorité Palestinienne, un homme fin, cultivé et intelligent, les deux interviewers le traitent à peu près comme l’oncle Tom d’une plantation de coton, la dernière question : « mais on dit que vous allez danser sur les toits à Gaza, après le retrait, est-ce vrai, est ce que vous-même, vous allez danser sur les toits ? » Il sourit tristement, l’interview se termine, plan rapproché des deux journalistes qui se regardent l’air entendu, avec un sourire paternaliste et rient complaisamment. Yossi Beilin interviewé avec un des représentants des colons, avant-hier : Haim Yavin leur demande : « mais enfin qu’avez-vous en commun, rien ? » Et Beilin de s’exclamer : "Comment rien ? Nous avons tout en commun et il procède à une longue énumération patriotico-sioniste. Bravo l’opposition... Il y a en hébreu une expression qui parle du « go’al nefesh » : le dégoût de l’âme...

Le Congrès des Femmes en Noir, très international se tient sur les hauteurs de Jérusalem dans un très bel hôtel qui domine la vieille ville. J’ai participé hier à un atelier sur les sanctions contre l"occupation, elles devraient être votées sans problème par le congrès, en tous cas, c’était l’atelier le plus peuplé et unanimité moins une voix. Débat et vote des sanctions sont à l’ ordre du jour de nombreuses organisations anticolonialistes et clairement de toutes les organisations féminines et féministes qui seront sans doute les premières à les voter, ce dont je ne suis pas peu fière en tant que femme et amie du début ...

Depuis hier soir, la vieille ville est fermée aux Palestiniens ; l’entrée est filtrée par des dizaines de barrages de police, les jeunes hommes, et les jeunes femmes sont interdits d’entrer ...chez eux, pourquoi ? Parce que des centaines de colons dangereux agressifs et armés, ont, eux, entrée libre dans la vieille ville pou manifester depuis hier après midi leur haine et leur racisme, et accéder au mur : le prétexte est Ticha’ beAv, commémoration de la destruction du temple, mais qui devient un événement politique à 16h du retrait. Ainsi Jérusalem est à eux, à 16h du retrait de Gaza, les Palestiniens de Jérusalem est sont interdit de séjour dans leur ville. Ce sont les maîtres du pays, comme l’ont écrit Edith Zerthal et Akiva Eldar. Mais qui leur donne leur force et leur pouvoir ? Tout l’ appareil d Etat et le pouvoir médiatique.

Ce matin, Jérusalem-Est ressemblait à Ramallah. Et en arrivant enfin à l’ hôtel du Congrès, nous avons vu des bus entiers de Nazareth et de Oum El Fahem déposer des pèlerins qui, par un long chemin de contournement des barrages, se rendent en file ininterrompue à El Aqsa.

Entendue dans un des taxis collectifs ce matin, la rumeur que les travaux archéologiques qui se tiennent sous la mosquée, sans autre contrôle que celui des Israéliens seraient destinés à affaiblir les structures de la mosquée. Toutes les structures politiques palestiniennes de la ville ont été détruites, ce qui servait de mairie, la maison d’Orient bouclée, Faycal Husseini mort, Silwan, un grand quartier va être détruit... Il n’y a que Dieu comme disaient les mères de prisonniers rencontrées en juillet, pour signifier leur impuissance... Il ne reste que Dieu... et Al Aqsa ... par la volonté de qui ?

De Jérusalem, le 14 août 2005.

Michèle Sibony

Vice-Présidente de l’Union Juive Française pour la Paix.


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