@DM
Merci de votre réponse. Je comprends bien votre souci - et la difficulté des choix qui se présentent au traducteur.
Disons que :
La rédaction d’un article en anglais se fait selon certains critères.
Ainsi, si les titres de la presse en anglais cultivent souvent l’ambigüité, du fait de la démarche synthétique de la langue, ce n’est pas le cas des titres en français, qui sont souvent plus explicites. On peut donc traduire dans cet esprit sans trahir l’auteur du texte (qui n’est d’ailleurs pas souvent celui du titre).
Et, dans :"Un Kouffiya pour Tony Benn", le lecteur ne peut pas comprendre de quoi il s’agit, surtout s’il ne connait pas Tony Benn ;). Il a besoin d’indices pour savoir de quoi parle l’article, et il n’attendra pas d’avoir lu les ¾ de l’article pour enfin savoir ce que peut bien être un " Kouffiya".
D’autre part, la traduction ne posant aucun problème dans ce cas-là, les deux termes signifiant exactement la même chose et comportant la même notion, il n’y avait pas de raison de garder ce mot, bien plus rare que keffieh/keffiyeh, communs à l’anglais et au français (d’ailleurs, voir les occurrences de " Kouffiya" sur google, c’est étonnant).
Et, enfin, "Kouffiya" n’est pas le mot arabe, mais sa transcription phonétique à la française.
La traduction en général, est, certes, un exercice très difficile, parce que le traducteur doit, d’une part, comprendre l’intention de l’auteur (ce qui n’est pas toujours évident, d’ailleurs), et, d’autre part, rester strictement fidèle à ce qu’il dit, en s’effaçant et en respectant le point de vue depuis lequel il parle, ainsi que l’opinion qu’il exprime en ne la déformant pas par sa propre subjectivité.
De plus, le traducteur doit toujours avoir à l’esprit de restituer un texte authentique dans la langue d’arrivée, afin que ce ne soit pas une simple transcription mot à mot, qui serait une aberration linguistique et une insulte à l’auteur, surtout s’il n’a rien demandé.
Ce n’est largement pas le cas ici, mais c’est pour expliquer à tous ceux qui se lancent dans l’exercice occasionnellement certaines des règles de traduction à observer.
Et pour revenir au "keffieh", il se dit, en fait, en anglais, "keffiyeh" ou "kufiya", sans majuscule.
Que l’auteur Ramzy Baroud, qui est né et a grandi dans un camp de réfugiés palestinien dans la Bande de Gaza, mais qui vit aujourd’hui à Seattle, ait utilisé le terme le plus proche de lui culturellement est logique, mais ce n’est pas le trahir que d’employer le terme communément en usage en France.
D’autre part, son texte, qui est un vibrant hommage aux positions de Tony Benn sur la Palestine, explique pourquoi ce "Keffieh" avec majuscule. Comme on dit un "Oscar" ou un "César".
Pour rester dans l’idée, on aurait pu, ainsi, traduire par "Un Keffieh d’honneur pour Tony Benn".
Ce n’est qu’une suggestion, évidemment.
@dominique
Keffié et keffieh, en français, se prononcent et se lisent pareil, surtout par les francophones non arabophones, qui ne prononcent pas le son "h". Cela n’a donc pas grand-chose à voir avec mes remarques.
Et pour revenir au sujet de l’article, Tony Benn, était, en effet, un homme politique hors du commun.
A la mort de son père, en 1960, il héritait du titre de vicomte et ne pouvait plus siéger qu’à la Chambre des Lords (après nomination de la reine).
Or, tout au long de la décennie précédente, Tony Benn, élu à la Chambre des Communes et souhaitant continuer à défendre ses idées, s’était battu pour que soit votée une loi pour que les héritiers de ceux qui avaient été anoblis puissent renoncer à leur titre.
Cette loi avait finalement été votée en 1963.
Benn avait dit :
"La Chambre des Lords est la Mongolie Extérieure de la Grande-Bretagne pour responsables politiques à la retraite"
La mort de Tony Benn ferme définitivement toute une page d’histoire du Parti Travailliste britannique et fait taire un porte-parole exceptionnel, à contre courant de la majorité des responsables politiques actuels, de la défense des travailleurs et des opprimés du monde entier.
Des milliers de personnes ont assisté à ses obsèques.
Quelques citations tirées de cet article :
– En 1980, il déclarait dans une interview : "plus je pense à la défaite du gouvernement travailliste en mai 1979 [face à Thatcher], plus je suis persuadé qu’il s’agissait plus d’une capitulation que d’une défaite". (Voir l’interview intégraleen anglais ).
– “Je pense qu’il y a deux façons de contrôler la population. La première est de la terroriser et la seconde de la démoraliser".
Dans une interview avec Michael Moore, dans Sicko, où il expliquait que la pauvreté et les inégalités dans les soins de santé sont des questions de démocratie, il déclarait : "ceux qui sont endettés perdent l’espoir et quand on n’a plus d’espoir, on ne vote pas … un peuple instruit, en bonne santé et sûr de lui est plus difficile à diriger".
– "Nous ne sommes pas là simplement pour aménager le capitalisme mais pour changer la société et en définir ses valeurs les plus importantes".
Accusé par beaucoup d’avoir contribué aux échecs électoraux dans les années 1980, Tony Benn était une icône pour ceux qui rejetaient le glissement à droite du parti travailliste, estimé nécessaire par beaucoup s’il voulait reconquérir le pouvoir.
Ce glissement à droite avait finalement été réalisé sous Tony Blair, qui avait redéfini le parti, décrétant qu’il n’avait rien contre les privatisations et l’économie de marché.