Dans un article publié dans la revue New England Journal of Medicine, Aidan Hollis, professeur d’économie à l’Université de Calgary, et Ziana Ahmed, assistante de recherche à l’Université de Calgary (à l’époque de la recherche) exposent leur proposition pour réduire le risque induit par l’utilisation abusive d’antibiotiques à des fins non-humaines dans l’agriculture.
Le lien entre une utilisation extensive d’antibiotiques pour accroître la production agricole (empêcher qu’elle ne décline du fait des méthodes employées plutôt) n’est plus à démontrer. Quand la Food and Drug Administration (FDA) décide d’adopter des lignes directrices pour réduire l’utilisation d’antibiotiques dans l’agriculture, c’est en général qu’on a dépassé depuis longtemps le seuil d’alerte (article sur les lignes directrices - réactions).
Plus précisément, l’utilisation massive d’antibiotiques sur le bétail et les cultures augmente drastiquement le risque d’apparitions de bactéries mutantes résistantes aux traitements traditionnels, qui pourraient atteindre l’homme (et pas uniquement à travers la consommation). Alors que la grande majorité de l’utilisation des antibiotiques s’est faite en vue d’une augmentation de la productivité dans l’agriculture, Hollis affirme que la plupart de ces applications sont de « faible valeur ».
"Il s’agit d’augmenter l’efficacité de la nourriture de telle sorte que vous pouvez réduire la quantité de grain que vous donnez aux bovins", rapporte Hollis.
"Il s’agit de donner des antibiotiques pour des poussins, car cela réduit la probabilité qu’ils tombent malade quand vous les fourrez tous ensemble dans des conditions insalubres". "Ces méthodes sont évidemment profitables pour les agriculteurs, mais cela ne signifie pas qu’elles génèrent un avantage énorme. En fait, la rentabilité est généralement assez marginale". "La valeur réelle des antibiotiques est d’empêcher les gens de mourir. Tout le reste est trivial."
Si on regarde les chiffres, il a de quoi être inquiet : Aux États-Unis, 80% des antibiotiques sont utilisés dans l’agriculture et l’aquaculture (ultra-majoritairement pour le bétail). Ce qui fait près de 14 000 tonnes par an (si je ne me trompe pas sur l’échelle).
En tant que professeur d’économie, Hollis mobilise alors l’arme ultime contre cette dérive : la taxe ! Il propose de faire payer des droits d’utilisation aux acteurs qui utilisent des antibiotiques à des fins non-humaines. Il fait le parallèle avec les droits de coupes des forestiers et les redevances des compagnies pétrolières.
Une telle pratique permettrait de dissuader l’utilisation d’antibiotiques de faible valeur des antibiotiques, des coûts plus élevés encourageant les agriculteurs à améliorer leurs méthodes de gestion des animaux et à adopter de meilleures substituts comme médicaments, notamment les vaccins. La forme la plus efficace serait d’adopter un traité international selon lui, les bactéries ne s’arrêtant pas aux frontières, tous les pays sont plus ou moins concernés.
Si je vois mal un passage des lignes directrices de la FDA à un traité international sous peu, la portée de sa proposition restera sans doute faible. Mais le message est important et l’enjeu de santé de public l’est doublement. De la même manière que les thématiques relatives aux pesticides amènent à interroger l’impact sur la santé et questionne sur les moyens de réguler leur utilisation, l’utilisation d’antibiotiques à fins non-humaines doit amener une réflexion sur les impacts potentiels sur l’homme afin qu’une potentielle "crise de santé publique mondiale" soit évitée.
En Europe, le problème est bien identifié (trop tôt pour dire s’il est bien traité).
Voir notamment :
Kiergaard, le 25 Décembre 2013