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Exhortation(s) : quand le pape François parle des classes...

Dans Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile), diffusé mardi 26 novembre, premier texte officiel publié de sa main depuis son élection sur le trône de Pierre, l’évêque de Rome offre une ligne de conduite tous azimuts, façon feuille de route.

François Ier. Être au monde dans ses mutations ne va pas sans soubresauts, ni hésitation. Ici, non pas la chronique de la peur mais contre la peur, quand la solitude se brise par la grâce d’espoirs sollicités. Voici le temps de l’aveu, celui qui doit inciter à l’optimisme malgré les périls en vue et les éventuelles déceptions. Que craindre le plus, en effet : l’effroi prévisible des consciences ou le combat des hommes en tant que potentialité ? Bien sûr, gardons-nous toujours d’un enthousiasme trop aveuglé par la puissance symbolique des actes et des mots. Mais, une fois encore, le pape François vient de nous surprendre plutôt agréablement. Pourquoi devrions-nous le taire et tenir à distance des informations assez importantes, qui, en tout orgueil, confortent nos impressions initiales ? Dans Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile), diffusé mardi 26 novembre, premier texte officiel publié de sa main depuis son élection sur le trône de Pierre, l’évêque de Rome offre une ligne de conduite tous azimuts, façon feuille de route, qui dépasse de loin les gestes inédits et autres phrases qu’il avait pu distiller çà et là, à la grande stupéfaction des conservateurs de la curie. Dans cette première « exhortation apostolique », qui pourrait faire date, François Ier appelle l’Église à s’ancrer dans la société. Une idée banale, direz-vous. Moins qu’il n’y paraît.

Exploités. « Une Église pauvre pour les pauvres (…), audacieuse, créative, fervente, cordiale et joyeuse. » Les mots sont placés. Et visiblement dans le bon ordre. Dans ce texte programmatique, Bergoglio dit préférer une « Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort ». Dans un long chapitre consacré à la crise économique, le pape réaffirme la primauté de la dimension sociale et de l’engagement dans la cité. Les phrases claquent et laissent assez peu de place au doute. Qu’on en juge : « De même que le commandement de “ne pas tuer” pose une limite claire pour assurer la valeur de la vie humaine, aujourd’hui, nous devons dire “non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale”. Une telle économie tue. » Le pape poursuit en ces termes : « Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. On considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. Il ne s’agit plus simplement du phénomène de l’exploitation et de l’oppression, mais de quelque chose de nouveau : les exclus ne sont plus seulement des “exploités”, mais des “déchets”, “des restes”. » Comment se montrer plus explicite ? Pour étayer sa critique du libre marché laissé entre les mains d’un « système économique dominant », l’auteur dénonce les nouvelles idoles, celles du « fétichisme de l’argent » et de la « dictature de l’économie sans visage et sans but véritablement humains », ce qu’il appelle « la négation du primat de l’être humain ». Comment ne pas être d’accord ? D’autant que cette condamnation s’accompagne d’un constat philosophique supérieur. Pour le pape, la crise financière – et morale – que nous traversons ne doit pas nous faire oublier qu’elle trouve son origine dans une crise anthropologique plus globale : « La crise mondiale qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et, par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation. »

Classe. Le meilleur est encore à venir. Dans un chapitre judicieusement nommé « Le bien commun et la paix sociale », François Ier indique que ladite paix sociale « ne peut pas être comprise comme un irénisme ou comme une pure absence de violence obtenue par l’imposition d’un secteur sur les autres ». Pour le pape, « ce serait même une fausse paix que celle qui servirait d’excuse pour justifier une organisation sociale qui réduit au silence ou tranquillise les plus pauvres, de manière que ceux qui jouissent des plus grands bénéfices puissent conserver leur style de vie sans heurt, alors que les autres survivent comme ils le peuvent ». Et ce n’est pas tout : « Les revendications sociales qui ont un rapport avec la distribution de revenus, l’intégration sociale des pauvres et les droits humains ne peuvent pas être étouffées sous prétexte de construire un consensus de bureau ou une paix éphémère, pour une minorité heureuse. La dignité de la personne humaine et le bien commun sont au-dessus de la tranquillité de quelques-uns qui ne veulent pas renoncer à leurs privilèges. » Vous avez bien lu. À sa manière, le pape réclame une conversion radicale : « L’auteur principal, le sujet historique de ce processus, c’est le peuple et sa culture, et non une classe, une fraction, un groupe, une élite. » Un bon début pour appeler à une révolution citoyenne. Non ?

Jean-Emmanuel DUCOIN

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"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

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