RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Discours (rêvé) d’un homme politique honnête

Très chers cons (citoyens), si je suis devant vous ce soir, ce n’est pas de gaîté de coeur, mais parce que ce que vous appelez la démocratie m’y oblige. Contrairement à mes concurrents (et néanmoins amis), j’ai décidé de cesser l’hypocrisie qui règne dans ce pays en vous parlant un langage de vérité.

Alors voilà : si je me présente à vos suffrages ce n’est ni parce que je crois pouvoir améliorer votre sort (de toutes les manières ce n’est pas moi qui décide), ni parce que j’ai des convictions à défendre (je connais assez la politique pour ne plus en avoir), mais tout simplement pour gagner plus d’argent, et plus de pouvoir.

Mes chers cons (tribuables), vous savez tous que le monde est individualiste et que la crise est profonde : il ne faut donc pas attendre de miracle de ma part ; mais j’ai une carrière à mener, et elle passe par l’élection.

En m’élisant ce dimanche vous ne serez donc ni plus riches ni plus heureux, mais vous ne serez pas non plus ni moins riches ni moins heureux… qu’avec mes concurrents ! Seulement il vous faut bien en choisir un, alors autant que ce soit moi !

Maintenant, il me faut vous présenter mon programme : ce n’est pas que j’ai une quelconque intention de tenir mes engagements (je serai bien le seul – et de toutes les manières je n’en ai pas les moyens – ni la volonté d’ailleurs) et le fait est qu’une fois élu vous ne pourrez pas me foutre dehors ; mais je sais aussi, chers cons (tout court) que cela vous rassure de pouvoir rêver encore un peu. Et bien que cela soit ; mais là-aussi je me fais un honneur de vous parler « vrai » :

une fois en place donc,

  • j’augmenterai les impôts de manière discrète et injuste sans que cela ne vous ruine complètement.
  • je placerai ma famille et mes amis pour assurer leurs situations, et aussi mes arrières (on ne sait jamais)
  • je me vendrai au plus offrant pour accorder des crédits, des subventions, des marchés…
  • je profiterai de tous les avantages liés à ma fonction mais sans vous le dire, pour ne pas vous offenser
  • je trafiquerai les chiffres pour vous faire croire que tout va bien, et je me mettrai le maximum dans les poches, tandis que je vous répéterai que vous devez faire des efforts.
  • je ferai semblant de détester mes adversaires politiques lors des débats publics alors qu’ils sont mes amis, et je renierai tout ce que j’ai pu dire avant lorsque cela arrangera mes propres intérêts.

Que vous dire de plus maintenant ? Vous pouvez regarder ailleurs, ils font tous comme moi ! Vous me trouvez cynique, et vous avez raison mers chers cons (patriotes), mais que voulez-vous… Vous devriez profiter de cet instant de grâce que je vous offre en vous disant une fois la vérité, contrairement à tous les autres que moi. Et cela ne les empêche pas de dormir. Pourquoi devrais-je faire autrement ? Vous n’avez qu’à vous présenter vous aussi, le job n’est pas si compliqué.

En réalité vous êtes comme moi, ou je suis comme vous si vous préférez. J’ai une famille à nourrir, et je ne vais pas régler tous les problèmes tout seul ! Alors que si vous me faites l’honneur de me choisir à ces prochaines élections, j’aurai l’occasion de mettre à l’abri tous ceux qui me sont chers, rien que de bien normal en fait. En plus, peut-être l’Histoire retiendra mon nom, quelque part entre deux autres noms connus. Je rencontrerai des gens importants, et si je mène bien ma barque je pourrai peut-être même m’offrir un petit compte en Suisse ou ailleurs, et être protégé par une immunité judiciaire sur mesure. Que rêver de plus ? Ce n’est pas réussir sa vie, ça, un exemple à suivre ?

Si vous voulez je peux vous promettre de mettre tous les étrangers dehors, ou même de tous les régulariser ; d’augmenter les impôts des riches ou de les supprimer, de lancer un « grand chantier » ici ou là, de donner des crédits à l’école ou au stade de foot peu importe puisque je gagnerai sur tous les tableaux. Et sans risque encore, puisque tout ce qui se fait dans un mandat est défait dans le suivant, il n’y a qu’à attendre ; et si vous n’êtes pas contents, vous changerez alors de crémerie.

Mes chers cons (sommateurs), j’ai déjà perdu trop de temps avec vous, qui de toutes les manières ne le méritez pas ; élisez-moi, et vous ne serez pas déçus : je ferai comme tous les autres. Ni plus ni moins. Et remerciez-moi, car comme le disait un homme qui comme moi s’est un jour présenté devant vous : je pourrais tout vous prendre et pourtant je ne le ferai pas. Soyez donc heureux qu’on m’oblige encore à devoir faire ce genre de spectacle inutile et improductif qu’on nomme « démocratie », et qu’on vous offre encore le droit de rêver, car cela ne durera pas…

Vive la République, et vive la France !

Votez pour moi !

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

URL de cet article 23493
   
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

En révélant au public comment les institutions fonctionnent réellement, pour la première fois nous pouvons vraiment comprendre, en partie, notre civilisation.

Julian Assange

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.