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L’abracadabrantisme politique ou l’infidélité aux principes de Novembre 1954

Abdelmalek Sellal a dit « On a critiqué Sellal parce qu’il ne parle pas en arabe académique. Moi je dis à ces gens que je m’adresse à tous les Algériens et Algériennes en utilisant un langage qu’ils comprennent. C’est le plus important ».

Ce passage me rappelle une histoire de Jacques Chirac. Lorsque le président de la République française Jacques Chirac a utilisé l’adjectif "abracadabrantesque", certains Français crurent qu’il s’agissait d’un barbarisme. Ce mot est français mais il a été tout simplement oublié. En décembre 2011, l’ancien maire de Paris (et Président de la République) est jugé coupable de détournements de fonds publics, d’abus de confiance et prise illégale d’intérêts. Fiers de leur démocratie, les Français ont crié "abracadabrantesque" après cette condamnation. Un jour les algériens vont crier le mot "fakakir".

On ne peut pas penser sans mots. Le mot « kafkaïenne » est un qualificatif qui vient du nom Kafka comme « fakakiraïenne » a sa racine dans le mot « fakakir ». Le terme « fakakir » n’est ni arabe ni algérien. « Fakakir » n’existe dans aucun dictionnaire. Il a été inventé par Sellal lors de sa visite de travail dans le sud algérien. Peut-être Abdelmalek Sellal voulait dire « afkar » le pluriel de « fikr ». Fikr veut dire pensée ou idée en français. Dans la tête de Sellal « fakakir » est le pluriel de « fikr ». Ce mode de communication s’inscrit dans la spécialité de l’information politique précipitée. L’information politique accélérée est comme le fumier, elle est active quand on prend le soin de la répandre d’une manière efficace. Elle se répand en mots et images. Parler plus d’une langue favorise le développement de la zone du cerveau responsable du raisonnement et de l’attention. Cette zone du cerveau est la coupelle de tout ce qui se lit, ce qui se voit et ce qui s’entend. Les spécialistes de l’information politique accélérée en Afrique confondent coupelle et poubelle quand ils conjuguent fakakiraïenne de la même manière que kafkaïenne.

Entre la coupelle et la poubelle, un jeune comédien du Café El Costo trouve une méthode énergique pour nous informer à la manière kafkaïenne. Les paroles comiques de ce comédien font leçon et décrivent très bien la campagne électorale officieusement entamée par Sellal, les Amar et Bensaleh dans le pays de Kafka royaume de l’absurde. Il nous dit « baguettes, fourchettes ou cuillères, tout régime, alimentaire ou politique, qui repose sur une plate-forme ou une table sans légitimité tend à se renverser. En politique d’intérêt où un repas gratuit est servi, les politiciens chinois utilisent les baguettes quand les Italiens se servent de fourchettes. Pour se distinguer des Italiens et des Chinois, les politiciens africains préfèrent la louche. À défaut de baguettes et de fourchettes, les français et les américains ont conseillé à nos politiciens d’utiliser des cuillères et des ciseaux pour bien couper le spaghetti italien servi dans les repas durant les campagnes électorales informelles tenues dans les ambassades étrangères. Faisant ainsi, le spaghetti en miettes ressemblera à notre couscous et les responsables des campagnes électorales officieusement entamées vont faire comme les italiens »

Ce comédien pense que la politique du couscous made in Italie et le temps du responsable made in France sous contrôle américain sont dépassés. Il aimerait voire les jeunes comédiens du Café El Costo dans notre parlement et notre sénat pour gérer le pays d’une manière démocratique et loin des influences étrangères. Ce comédien se sert de son talent orateur pour s’exprimer librement. Il salue avec un grand respect le courage des forces armées qui surveillent nos frontières la nuit quand nos politiciens, responsables des campagnes électorales, ronronnent dans un sommeil profond et tranquille dans la chaleur et la sécurité. Pour apaiser l’esprit des mécontents le jeune du Café El Costo récite en kabyle un passage du « Contrat Social » de Rousseau « D’ailleurs, que de choses difficiles à réunir ne suppose pas ce gouvernement : beaucoup d’égalité dans les rangs et dans les fortunes, sans quoi l’égalité ne saurait subsister longtemps dans les droits et l’autorité ; enfin, peu ou point de luxe, car ou le luxe est l’effet des richesses, ou il les rend nécessaires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la possession, l’autre par la convoitise ; il vend la patrie à la mollesse, à la vanité ; il ôte à l’État tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l’opinion »

D’après ce comédien, la France et les États-Unis ont bien compris le jeu électoral en Afrique. Ils encouragent l’illégitime et l’illégal dans l’utilisation d’un outil politique (louches ou ciseaux) non raisonnable pour élire leur candidat. Ils pensent que le trafic et le faux dans les résultats d’une élection ne sont plus une mode en Afrique. Ils embellissent et enjolivent l’incompétence, la médiocrité et le manque d’éthique. Dans la diplomatie de ces deux puissances, la démocratie fait partie des anecdotes de l’histoire africaine. Pour la France, les pays africains sont une propriété privée. Pour les Américains l’Afrique est toujours une source d’esclavage. Cela confirme les visites répétées de Jean le français et John l’américain en Afrique. Entre ces deux gens la politique africaine se dessine. Comme en Italie, à l’approche des élections, les familles mafieuses proposent à certains candidats de financer leur campagne ou un appui électoral moyennant l’obtention de marchés faisant l’objet d’appels d’offre. Les deux gens jouent le rôle de chefs de familles mafieuses italiennes en Afrique. La démocratie de façade et les « affaires louches types Chakib et les autres » se révèlent être un excellent indicateur de la gestion de la politique des pays africains par les deux gens. Cette réalité amère nous démontre que l’Afrique est loin de la démocratie qui mène la liberté aux peuples. Dans ce continent, la démagogie tamisée par la corruption est devenue un art de gouvernance démocratique. La Libye, l’Egypte, la Tunisie, le Mali et le Congo sont des exemples concrets de la gouvernance démocratique imposée en Afrique.

Le plus naïf des Algériens sait que la légitimité renforce la confidence, établit la sécurité et donne la lumière d’espoir aux générations futures. Elle encourage la vraie politique de développement. Par contre, dans la dictature, l’incompétence préfère jouer sur la grâce des puissances occidentales pour s’éterniser dans le pouvoir. Incapable de gérer positivement les ressources humaines, la dictature manage toujours une politique financière soumise aux hallucinations des corrompus qui font miroiter un futur doré dans un eldorado imaginaire. La dictature improvise, divise et idiotise. La dictature n’est pas un fatalisme. Elle est le résultat d’un travail soigneusement établi par les superpuissances.

En politique de maquillage tout est relatif quand tout est permis. L’adage « le borgne est roi dans le royaume des aveugles » est dépassé. Il ne doit pas s’appliquer chez nous. Les jeunes algériens sont intelligents, éduqués et éveillés. Ils ne méritent pas cette situation ridicule.

Mais quand un responsable politique parle difficilement la langue de Mohamed et ignore complètement langue de Voltaire et veut bégayer dans la langue de Shakespeare, la confusion traduit son charabia politique dans sa poubelle. Dans ce cas précis, l’ignorance et l’arrogance saluent l’incompétence et sacralisent la médiocrité politique. En langage clair, un chef de parti qui invente des informations politiques et les mélange avec son hypocrisie émotionnelle dans un discours idéologiquement plat pousse son audience à la rigolade politique.

L’expérience a démontré que l’information dans un discours politique est efficace quand elle est comprise et véhiculée dans un langage clair et sérieux. Une fois comprise, elle circule et franchit tous les obstacles. Qu’ils soient lus ou entendus, les discours politiques laissent une marque dans les cerveaux des citoyens, surtout dans les petites têtes de nos bambins. Ils provoquent des images et des représentations multiples et imposent des repères. Ces repères sont décrits par le pouvoir des mots qui donnent le bon diagnostic et l’ordonnance pour guérir le pouvoir de ses maux.

L’homme de la rue commente les paroles de Sellal qui prétend miroiter l’ombre de Bouteflika. Il pense que ce langage ne diffère pas des discussions que nous entendons dans les cafés maures ou dans le hall des bains maures en Algérie. Les Algériens se rappellent des discours de Boumediene à l’ONU et à Lahore comme ils se rappellent du fameux discours de Bouteflika lors des obsèques de Boumediene. Ils ont appris à l’école que les mots ont un pouvoir et sont la source de bien-être, de santé et de réussite pour un politicien. Désappointés par la réalité, ils jugent que les mots utilisés par Sellal sont très faibles devant l’intelligence et la témérité du peuple algérien.

Un étudiant en sciences exactes à Université d’Oum El Bouaghi pense autrement « ce n’est pas le discours de Sellal qui est bouffon mais c’est le ridicule dans la communication qui lui donne l’image d’un discours populiste pour ne pas dire vide. Il a été choqué d’entendre Sellal dire que les mathématiques sont « oum el mouminine ». Oum el mouminine signifie la mère des croyants en français. Sellal voulait peut-être dire les mathématiques sont la mère de la science ». Selon les admirateurs de Sellal, cette image implique une mode de show politique où l’éthique de la communication politique trouve une nouvelle interprétation pas très connue en Algérie. Pour les autres, dans cette « interprétation fakakir » rien n’est défini. Tout est improvisé dans un théâtre politique ou tout change et rien ne change en même temps. Cette situation veut que l’opinion publique, les médias et les acteurs politiques soient en contradiction.

Dans cette contradiction confuse, les maux du pouvoir sont alertés par les affaires de politico-corruption. Ces maux ont toujours fait la une des médias chez nous. Les médias libres dénoncent les magouilles de la classe politique et nous rappellent l’anomalie, pour ne pas dire l’imposture et le mensonge de certains politicards qui n’ont de démocrates que le nom. Ils nous informent que l’inégalité sociale exagérée dans notre cher pays mine la liberté quand les Amar et les chefs de partis préfabriqués chantent la démocratie abracadabrantesque.

Face à ces partis bidons, Abdelmalek Sellal évite de parler le langage de Platon « Si un État veut éviter la ruine civile, il ne faut pas permettre à la pauvreté et à la richesse extrêmes de se développer dans aucune partie du corps civil, car cela conduit au désastre. C’est pourquoi le législateur doit établir quelles sont les limites acceptables à la richesse et à la pauvreté ». Il déforme les versets coraniques à la manière des versets sataniques de Salman Rushdie pour solutionner le problème des chômeurs et des haraga. D’après Sellal les choses sont très simples dans son lexique « fakakir ». Les haraga et les chômeurs veulent vivre la belle vie. Une belle vie sans emploi et sans un rond dans leurs poches dans le royaume abracadabrantesque.

Loin des illusions fakakiraïennes, la sérénité et le calme du président brouillent la visibilité politique chez les lièvres ou les tortues. Le silence du président fait un écho assourdissant et agite les clans dans le plus vieux camp des partis algériens. Cet écho dérange et oblige les Amar de chanter en chorale leurs aveux et leurs reconnaissances. Ce silence pousse certains tailleurs, politiquement maladroits, à faire habiller au président d’un costume confectionné d’un tissu de quatrième choix made in the new FLN. Ce costume arrange les bouffons dans leur comédie fakakiraïenne. Le peuple sait que l’élégance et le charme du président ne méritent pas ce costume. Le président est un grand homme. Les grands hommes méritent le respect, la politesse et la considération. Comme tous les grands hommes de ce monde, Bouteflika ne s’habille guère d’un costume mystifié et refuse catégoriquement de s’assoir sur un siège berné par les faux amis. Normalement, Bouteflika doit se retirer en héros et laisser son successeur apprendre de ses leçons. La tâche de son successeur n’est pas facile. Elle demande le sérieux, la rigueur, la sagesse, la largeur d’esprit, la patience, la tolérance accompagnés du courage nationaliste. L’Algérie est stable et son histoire est claire. Elle ne demande ni un romancier qui raconte des histoires sentimentales ni un géophysicien spécialiste dans les tremblements de terre qui tuent sans prévenir.

En conclusion : Les applaudissements ne sont pas toujours des signes de succès. L’histoire nous démontre qu’en période de décadence, la politique absurde de certains responsables force l’audience à applaudir leurs aberrations. Il n’y a guère de raisons d’être étonné quand nos faux élus essayent de cacher nos erreurs dans la politique. Les algériens sont de plus en plus nombreux à ridiculiser la politique d’improvisation qui promet un futur brillant dans une comédie fakakiraïenne. Je m’excuse de dire au lieu d’inventer les mots nous devons construire les usines. Les trente-sept millions d’algériens ne sont pas uniquement désappointés, ils se sentent dupés quand ils constatent qu’une poignée d’hommes joue avec l’avenir de leur pays d’une manière abracadabrantesque. L’abracadabrantisme politique démontre notre infidélité aux principes de Novembre 1954.

Dr. Omar Chaalal

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Roger Faligot. La rose et l’edelweiss. Ces ados qui combattaient le nazisme, 1933-1945. Paris : La Découverte, 2009.
Bernard GENSANE
Les guerres exacerbent, révèlent. La Deuxième Guerre mondiale fut, à bien des égards, un ensemble de guerres civiles. Les guerres civiles exacerbent et révèlent atrocement. Ceux qui militent, qui défendent des causes, tombent toujours du côté où ils penchent. Ainsi, le 11 novembre 1940, des lycées parisiens font le coup de poing avec des jeunes fascistes et saccagent les locaux de leur mouvement, Jeune Front et la Garde française. Quelques mois plus tôt, les nervis de Jeune Front avaient (…)
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