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Cancers de l’enfant : la gauche manque à l’appel

Chaque année, 500 enfants et adolescents décèdent d’un cancer en France. C’est leur première cause de décès par maladie. Les « progrès » régulièrement évoqués (le taux de guérison sur 10 ans – qui signifie qu’un enfant atteint d’un cancer est encore vivant 10 ans après son diagnostic – est passé de 30% en 1970 à plus de 70%) cachent une réalité peu connue : seuls les enfants pouvant être soignés avec des traitements initialement destinés aux adultes sont mieux guéris.

Pour les enfants les moins « chanceux », les traitements proposés sont souvent « palliatifs », en d’autres termes un accompagnement de fin de vie. Pourtant, les moyens alloués à la recherche – notamment par les firmes pharmaceutiques – sur ces cancers pédiatriques sont dérisoires.

Que faire alors ? Interpellé sur le sujet par l’association Eva pour la vie (créée en hommage à Eva, une petite fille balayée en 7 mois par une tumeur cérébrale, alors qu’elle n’avait même pas 8 ans), le député UDI Jean-Christophe Lagarde s’est emparé du sujet, l’estimant à juste titre prioritaire.

Il a ainsi déposé, en juin dernier, une proposition de loi dédiée au financement de la recherche sur les cancers pédiatriques : http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1187.asp

Une centaine de députés l’ont cosignée mais aucun socialiste, pour des raisons plus qu’insupportables …

Les enfants, grands oubliés de la recherche

On compte plus de 60 types de cancers pédiatriques existants. Si certains peuvent être soignés avec des « traitements pour adultes » efficaces (exemple : les ¾ des leucémies), nombre d’entre eux ne « répondent » pas à ces traitements et nécessitent des voies thérapeutiques spécifiques, voire individualisées : c’est notamment le cas des tumeurs cérébrales (second type de cancer chez l’enfant, après les leucémies).

Dans ces cancers là, les progrès thérapeutiques réalisés sur 40 ans sont aussi dérisoires que les moyens dédiés à la recherche : en France, seuls 2% des fonds anti-cancer sont attribués à la recherche sur l’ensemble des cancers pédiatriques. Les industriels pharmaceutiques n’investissent pas « faute de rentabilité suffisante », alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique. On déplore un nombre très faible d’équipes dédiées à cette recherche, et quasiment aucun traitement développé spécifiquement pour les enfants atteints de ces cancers au cours des dernières décennies.

Une proposition de loi pour financer cette recherche

Dans sa proposition de loi déposée en juin dernier, Jean-Christophe Lagarde suggère la mise en place d’une taxe, destinée aux industriels pharmaceutiques. Puisque les mesures incitatives mises en place ces dernières années sont un échec, la seule solution est en effet d’obliger ces entreprises à mettre concrètement la main à la poche.

Indolore pour les ménages (car non répercutée sur le prix de vente des médicaments), cette taxe infime de 0,15% sur la vente des médicaments (dans les limites fixées par la loi), permettrait de dédier près de 50 millions d’euros par an à la recherche sur les cancers des enfants !

Grâce à cette somme, et aux compétences de nos chercheurs, la France pourrait devenir un modèle européen en la matière ... sans que cela ne creuse le déficit de l’État. On peut même imaginer que le développement de traitements plus efficaces serait – sur le moyen terme – une source d’économies pour la Sécurité Sociale.

Quant aux industriels pharmaceutiques, la bonne santé de leurs comptes bancaires ne serait pas mise en danger : selon le LEEM (leur syndicat) leur chiffre d’affaires culminait à 52,3 milliards d’euros en 2012, en France, soit une progression d’environ 6% sur 1 an. Les marges nettes de ces firmes se chiffrent à plusieurs milliards d’euros.

Le soutien d’une centaine de députés … mais aucun socialiste

Afin qu’une proposition de loi ait le plus de chance d’être débattue et votée, il lui faut le soutien d’une majorité de députés. La première étape – courante en la matière – consiste à proposer aux députés (tous partis confondus) de cosigner la proposition de loi. Cette démarche à forte valeur symbolique signifie que le député souhaite soutenir la proposition de la même façon que s’il l’avait rédigée lui-même.

Le député Jean-Christophe Lagarde appartient au groupe UDI (centre droit). Il ne fait donc pas partie de la majorité actuelle. Cela ne l’a pas empêché de soutenir des propositions de lois d’autres partis, socialistes inclus. Lors du dépôt de la proposition de loi en juin, l’espoir de ce député – partagé par l’association « Eva pour la vie » ainsi que par les 80000 citoyens qui ont signé la pétition mise en ligne par l’association – était qu’un sujet concernant la survie d’enfants fédère à l’unanimité l’ensemble de la classe politique. Il s’est d’ailleurs dit prêt à « céder » sa proposition de loi à un député socialiste, si cela devait accélérer son examen à l’assemblée.

Pourtant, aucun député de gauche n’a accepté de cosigner cette proposition de loi. Petit échantillon des courriers reçus …

 Plusieurs députés PS se sont engagés à « voter pour » ce texte … sans pour autant le cosigner. Par exemple, une députée indique : « Si je soutiens naturellement la démarche de Monsieur Lagarde, je ne peux cosigner une proposition de loi émanant d’un autre groupe que celui auquel j’appartiens … Ce texte est tout à fait cohérent, je m’engage donc à lui apporter mon soutien lors de son examen à l’Assemblée nationale. »

 D’autres députés socialistes apportent des réponses inhumaines et insipides, oubliant vraisemblablement que l’on parle de vie d’enfants qui, il est vrai, ne votent pas : « Le règlement interne du groupe socialiste interdit de co-signer une proposition de loi qui n’émane pas d’un de ses membres. Mon collège Jean-Christophe Lagarde connaît ce règlement interne. »

 Un ancien ministre de l’Agriculture, député dans les Hautes Pyrénées, indique laconiquement :

« En tant que député membre du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, dans un souci d’unité, je ne suis pas en mesure de co-signer une proposition de loi qui n’aurait pas été approuvée par le groupe »

Dans le passé, plusieurs propositions de lois ont été co-signées par des élus UMP, UDI et PS. Par exemple, une proposition de loi relative aux "Sévices graves envers les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité, sans exception" (ce qui avait induit un débat sur la corrida) avait été cosignée par des élus UMP, centristes et PS en 2011. Les enfants comptent donc encore moins que des animaux en France ? Ou bien, est-ce que certains conflits d’intérêt incitent à ne pas franchir le pas ?

 Enfin, d’autres évoquent le « plan cancer à venir » … sans pour autant affirmer que des mesures concrètes seraient prises en faveur de la mise en place d’équipes de recherche dédiées aux cancers pédiatriques. Pourtant, cette proposition de loi est complémentaire au plan cancer : chacune des mesures contenues dans celui-ci ne pourra être accomplie que si elle est financée d’une façon juste et pérenne (seule la moitié des mesures du précédent plan ont pu être tenues, souvent partiellement !)

Or, au vu des difficultés constatées pour « boucler » (il ne l’est toujours pas) le plan de financement de la sécurité sociale pour 2014, on imagine aisément que le gouvernement ne pourra pas apporter les 50 millions d’euros nécessaires sans faire appel à une ressource nouvelle. Le choix étant : faire payer les classes moyennes (une fois de plus), ou bien mettre à contribution des firmes multi-milliardaires qui résistent très bien à la « crise » pour essayer de protéger les enfants.

Parce que le cancer des enfants n’est ni de droite, ni de gauche, le député Jean-Christophe Lagarde a proposé que les députés de la majorité "reprennent" sa proposition de loi afin que celle-ci puisse être rapidement débattue et votée. Entendront-ils enfin cet appel ?

Corinne Vedrenne

»» http://www.evapourlavie.com/

Plus d’infos : http://www.evapourlavie.com/


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1914-1918 La Grande Guerre des Classes
Jacques R. PAUWELS
Dans l’Europe de 1914, le droit de vote universel n’existait pas. Partout, la noblesse et les grands industriels se partageaient le pouvoir. Mais cette élite, restreinte, craignait les masses populaires et le spectre d’une révolution. L’Europe devait sortir « purifiée » de la guerre, et « grandie » par l’extension territoriale. Et si la Première Guerre mondiale était avant tout la suite meurtrière de la lutte entre ceux d’en haut et ceux d’en bas initiée dès 1789 ? C’est la thèse (…)
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