La manœuvre, dénommée « Blue Flag » sur le modèle de celle de la U.S. Air Force, se déroulera dans deux semaines dans le Désert du Néguev. Peu nombreuses et sélectionnées les forces aériennes invitées : celles des États-Unis, Italie et Grèce [1]. Dans l’ensemble, participeront à la « Blue Flag » plus de 100 avions et 1000 militaires. Ce sera une manœuvre à feu, avec emploi de bombes et missiles à guidage de précision.
Le scénario simulera une attaque en profondeur dans un territoire ennemi doté de fortes défenses aériennes (comme par exemple l’Iran) : après les avoir neutralisés, les chasseurs-bombardiers frapperont les objectifs terrestres représentés par des cibles disséminées dans le désert. Dans les duels aériens, l’aviation ennemie sera personnifiée par l’ « Aggressor squadron » des forces aériennes israéliennes, dont les pilotes sont entraînés à simuler diverses tactiques de combat, « en particulier celles des forces aériennes arabes ».
Israël attribue une grande importance à la « Blue Flag ». Les forces aériennes israéliennes, a déclaré le général Amikam Norkin, sont en train d’expérimenter de nouvelles procédures « pour abréger la durée des guerres futures » en potentialisant sa propre capacité destructive : cela permettra d’ « accroître de dix fois le nombre d’objectifs qui sont individualisés et détruits ».
C’est maintenant le moment d’expérimenter cette capacité dans un exercice conjoint avec des forces aériennes avancées, comme celles étasuniennes et italiennes. Pour preuve des capacités atteintes, le général Norkin a souligné, dans une entrevue à Defense News (21 octobre), que pendant les 8 jours de l’opération « Pilier de défense » effectuée à Gaza en novembre 2012, l’aviation israélienne a attaqué 1 500 objectifs, le double de ceux attaqués pendant les 34 jours de la guerre au Liban en 2006.
Les pilotes italiens aussi pourront donc apprendre beaucoup en participant à la manœuvre de guerre aérienne en Israël.
La « Blue Flag » sert en même temps à intégrer les forces aériennes israéliennes dans celles de l’OTAN. Jusqu’à présent elles avaient effectué des manœuvres conjointes seulement avec les pays individuels de l’Alliance, comme celle de Decimomannu avec l’aéronautique italienne. De sorte qu’Israël, même s’il n’est pas officiellement membre de l’OTAN, se trouve opérationnellement faire partie de sa stratégie et de ses opérations militaires.
Ceci entre dans le « Programme de coopération individuelle » avec Israël, ratifié par l’OTAN le 2 décembre 2008, environ trois semaines avant l’opération israélienne « Plomb durci » contre Gaza.
Il comprend une vaste gamme de secteurs dans lesquels « OTAN et Israël coopèrent pleinement » : échange d’informations entre les services d’intelligence ; connexion d’Israël au système électronique OTAN ; coopération dans le secteur des armements ; augmentation des manœuvres militaires conjointes ; élargissement de la coopération contre la prolifération nucléaire (en ignorant qu’Israël, unique puissance nucléaire de la région, refuse de signer le Traité de non-prolifération et a rejeté la proposition ONU d’une conférence pour la dénucléarisation du Moyen-Orient).
À cette opération participera l’Italie avec ses chasseurs-bombardiers. Ils décolleront au-dessus des plus de 6 millions d’Italiens sans travail ou presque : on ne sait pas à quel chapitre du budget de l’État sera débité la dépense pour transférer en Israël avions et personnel militaire et pour les faire participer à la manœuvre de guerre, mais on sait que ce sera autant d’argent public soustrait aux dépense sociales.
Les chasseurs-bombardiers décolleront au-dessus d’un parlement dont la quasi-totalité n’a probablement pas été informée de la participation italienne à la manœuvre de guerre aérienne en Israël et se trouve ainsi ignorer (ou ne pas se soucier de) ses implications politiques, militaires et économiques. Justement au moment où à Palazzo Montecitorio [2] on discute des missions militaires, présentées par la majorité comme indispensables pour la paix internationale, surtout au Moyen-Orient. Si quelque député présente une question sur la participation italienne à la « Blue Flag », le ministre Mauro répondra qu’il s’agit, oui, d’une manœuvre de guerre aérienne, mais « humanitaire ».
Manlio Dinucci
Édition de jeudi 7 novembre 2013 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio