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La police métropolitaine a détenu David Miranda parce qu’il promouvait des causes "politiques" (The Guardian)

Cette manière de justifier la détention du compagnon de Glenn Greenwald, le journaliste du Guardian, alarme les organisations de droits humains et un député Tory

David Miranda a été arrêté et détenu pendant neuf heures à l’aéroport de Heathrow en vertu des pouvoirs conférés par le Terrorism Act. La détention du compagnon d’une ancien journaliste du Guardian a soulevé de nouvelles questions quand on a appris que le principal motif invoqué par la police pour le détenir au titre de la lutte contre le terrorisme était la croyance qu’il promouvait une "cause politique et idéologique".

Cette révélation a alarmé d’importantes organisations de droits humains et un député Tory qui a dit que cet argument paraissait sans fondement et menaçait d’avoir des conséquences désastreuses pour le journalisme d’investigation.

David Miranda est le compagnon de Glenn Greenwald, le journaliste qui - souvent en étroite collaboration avec le Guardian - a écrit de nombreux articles sur l’étendue et l’importance de l’espionnage opéré par l’Agence de Sécurité Nationale étasunienne. Miranda a été arrêté à l’aéroport de Heathrow en août dernier et retenu neuf heures par la police métropolitaine alors qu’il était en route pour le Brésil.

On a affirmé que Miranda transportait environ 58 000 documents secrets britanniques cryptés. Il avait passé une semaine à Berlin pour rencontrer la journaliste Laura Poitras qui a collaboré avec Greenwald à la rédaction d’une grande partie de ses articles basés sur l’information qu’a fait fuiter l’ancien sous-traitant de la NSA, Edward Snowden.

Or les documents qui ont été communiqués au tribunal la semaine dernière avant le contrôle judiciaire de l’arrestation de Miranda jette une nouvelle lumière sur la décision de la police métropolitaine d’utiliser les pouvoirs conférés par le Terrorism Act - une décision que beaucoup de critiques ont qualifiée de draconienne.

Il est apparu clairement, pendant l’audition au tribunal, qu’il y avait eu plusieurs versions de la Notice Circulaire Portuaire - le document qui a servi a requérir la détention de Miranda en vertu de l’article 7 du Terrorism Act de l’an 2000 - avant que la version finale ne soit soumise.

Voilà la version qui a finalement été utilisée : "Nous avons des informations indiquant que Miranda pourrait être impliqué dans une activité d’espionnage qui a le potentiel de nuire aux intérêts de la sécurité nationale britannique. Nous souhaitons par conséquent établir la nature de l’activité de Miranda, évaluer le risque que Miranda fait courir à la sécurité nationale et agir en conséquence".

La Notice explique ensuite pourquoi les officiers de police croyaient que le terrorism act était approprié.

Nous affirmons que Miranda transporte, en toute connaissance de cause, du matériel dont la divulgation pourrait mettre en danger la vie d’autrui. De plus la divulgation ou la menace de divulgation a pour but d’influencer un gouvernement, et aussi de promouvoir une cause politique ou idéologique. Cela rentre donc dans la qualification de terrorisme et en tant que tel nous demandons que l’opération que nous avons conduite soit examinée en fonction de l’article 7".

Selon Shami Chakrabarti, la directrice de Liberty, la déclaration de la police constitue une menace à la démocratie "qui donne le frisson". "Nous sommes de plus en plus choqués mais pas surpris" a-t-elle ajouté. "La coalition qui autrefois se targuait de défendre les droits civils continue d’user et d’abuser des pouvoirs anti-terrorisme exorbitants votés sous le gouvernement précédent.

La reconnaissance explicite que des raisons politiques ont motivé la détention de David Miranda devrait remplir de honte la police tant autant que les législateurs. Ce n’est pas seulement le pouvoir de détention conféré par l’article 7 qui a besoin d’être revu d’urgence, mais cette définition du terrorisme qui devrait glacer le sang de tout démocrate qui se respecte".

Selon Padraig Reidy de Index on Censorship qui milite pour la liberté d’expression, la justification de la police pour la détention de Miranda est "très dangereuse" pour le journalisme d’investigation. "La raison d’être de ce journalisme est de trouver des choses que le gouvernement veut cacher", a-t-il ajouté. "Le message que cela envoie est ’ne trouvez pas de telles choses, sinon vous serez traité comme un terroriste’.

Greenwald a envoyé un tweet tout aussi cinglant : "Le gouvernement bat fièrement sa puissante poitrine, il assimile maintenant ouvertement le journalisme au ’terrorisme’ et à ’l’espionnage’."

Theresa May, la secrétaire aux affaires intérieures, a critiqué la décision du Guardian de publier les fuites de Snowden. May a dit qu’elle était d’accord avec Andrew Parker, le chef du M15, quand il affirme que le journal a compromis la sécurité nationale britannique. Mais le député conservateur Dominic Raab a rétorqué : "On a brandi frénétiquement l’affirmation selon laquelle la sécurité nationale avait été compromise mais on n’a donné aucune explication convaincante".

Et il a critiqué la manière dont la police avait mené l’affaire Miranda. "S’il est vrai qu’il avait commis des actes aussi abominables, pourquoi n’a-t-il pas été arrêté, incriminé et mis sous caution ?" a-t-il dit. "S’il était coupable de mettre la sécurité nationale en danger, pourquoi l’avez-vous laissé repartir ?"

Selon Gwendolen Morgan de Bindmans, le cabinet d’avocats de Miranda, le contrôle judiciaire de cette semaine portera sur la question de savoir si l’utilisation de l’article 7 était disproportionnée et si elle était incompatible avec le droit inaliénable à la liberté d’expression.

Nous montrerons que les pouvoirs draconiens du contre-terrorisme ont été déployés contre notre client dans un but inapproprié," a dit Morgan. "Non pas dans le but de déterminer si notre client pouvait être considéré comme un ’terroriste’ d’une manière quelconque, mais plutôt dans le but de récupérer les informations journalistiques potentiellement embarrassantes qu’il détenait".

L’impact des fuites de Snowden sur la sécurité nationale fera l’objet, cette semaine, de l’audition des responsables du MI6, MI5 et GCHQ par le Comité parlementaire sur les Renseignements et la Sécurité ; l’audition sera publique pour la première fois.

Jamie Doward

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.theguardian.com/world/20...
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