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Constitution Européenne : Huit bonnes raisons de dire non à la "Constitution" , par Jacques Généreux.



Extraits et synthèse de mon discours prononcé à l’Université de rentrée Nouveau Monde & Forces Militantes (Douai, 1-3 octobre 2004). Cet argumentaire présenté ici de façon assez télégraphique s’adressait à des militants parfaitement informés sur les questions en jeu. Il est intégralement développé, démontré, et surtout explicité en termes simples et accessibles à tous dans mon livre paru ce mois-ci. Manuel critique du parfait Européen.
Les bonnes raisons de dire "non" à la Constitution
168 pages, 12 € - Editions du Seuil.



SOMMAIRE


1ère raison : Le piège dans lequel nous espérions enfermer les libéraux s’est refermé sur nous.

2e raison : Ce n’est pas une Constitution ! Et nous voulons une vraie Constitution

3e raison : C’est la consécration d’une société de marché où la compétition prime sur la solidarité

4e raison : Aucune avancée réelle de la démocratie

5e raison : Aucune avancée réelle des droits sociaux

6e raison de dire non : Éviter l’impuissance et la vassalisation des nations européennes

7e raison de dire non : Il n’y a aucune bonne raison de dire oui

8e raison de dire non : C’est le meilleur moyen de combattre les mauvaises raisons de dire non et d’éviter l’anéantissement du projet européen


Chers camarades,

On m’a demandé de procéder ici à une "explication de texte" . Or, en politique, comme vous le savez, il n’est pas d’explication de texte sans explication du contexte qui donne son vrai sens au texte, sans explication de la vision qui oriente notre regard sur le texte.


Quel est le contexte ? (et notre première raison de dire non)


Le piège dans lequel nous espérions enfermer les libéraux s’est refermé sur nous


Certains de nos camarades disent "oui" au nom de notre projet européen. Nous voulons faire entendre ici que nous disons "non", au nom de ce même projet européen. C’est au nom de ce projet européen que nous avons soutenu l’Acte unique en 1986, dit oui à Maastricht en 1992, accepté Amsterdam en 1997, et même l’affreux traité Nice en 2000. Depuis lors, nous n’avons pas changé, ni de projet, ni de critères d’évaluation de la construction européenne. C’est donc à peu près exactement les mêmes raisons qui nous conduisirent à soutenir les étapes précédentes et qui nous amènent aujourd’hui à dire non.


L’Union est un outil au service d’un projet, pas une fin en soi


Jusqu’ici, nous avons dit oui à tout au nom d’un projet et d’une stratégie :

Notre projet : c’est l’Europe politique et sociale, c’est l’Europe puissance capable de maîtriser les marchés, c’est donc une vraie Constitution qui pose les bases d’une fédération des nations européennes partageant un même idéal.

Notre stratégie : la stratégie de l’engrenage, identique à celle des pères fondateurs. L’intégration économique comme levier de l’intégration politique. Avec des compromis concédés aux libéraux en échange d’une lente progression de la coopération et de l’union politique.

Mais face à nous depuis les origines de la construction européenne les libéraux ont un autre projet et une autre stratégie.

Le projet de l’Europe Espace de libre-échange et de l’État minimum transformé en simple auxiliaire entretenant le cadre idéal pour la libre expansion des affaires, une société de marché ou la compétition l’emporte sur la solidarité.

La stratégie libérale repose sur une autre version de la stratégie de l’engrenage : le grand marché, puis la monnaie unique introduisent dans l’engrenage social-démocrate une nouvelle logique qui fera dérailler le projet de l’Europe politique et enclenchera une marche accélérée vers l’Europe des marchands.

Depuis près de 20 ans les deux visions s’affrontent au sein de l’Union et tout le monde tombe d’accord pour aller de l’avant parce que tout le monde croit pouvoir piéger l’autre. Mais à la fin, il doit bien y avoir un gagnant et un perdant.


Pour l’instant, le projet néolibéral est victorieux


On sait aujourd’hui, près de treize ans après le traité de Maastricht, qui a gagné cette bataille : le piège européen s’est refermé sur les socialistes et non sur les libéraux. La flexibilité et la précarité du travail, la soumission aux règles de la libre concurrence, la baisse des charges patronales et des impôts, le dumping fiscal et le dumping social, la privatisation des biens publics, les délocalisations, l’ouverture des services publics à la concurrence, et les licenciements boursiers, tout cela va bon train. Quid de l’harmonisation fiscale et sociale par le haut ? D’une politique étrangère et de défense autonome face à l’imperium américain ? Du plein-emploi et de l’amélioration des conditions de travail ? De la réduction des inégalités ? Pas grand-chose ou rien du tout !

Ainsi, les aspirations et la confiance des Européens ont été trahies. Ceux-ci n’ont cessé de sanctionner les politiques libérales dans leurs votes, mais ont été néanmoins livrés à l’Europe néolibérale dont ils ne veulent pas, et dont on ne débat pas. A présent que, par miracle, on leur demande leur avis dans une dizaine de pays, vont-ils mordre encore à l’hameçon rouillé de l’engrenage vertueux, du mauvais traité qui constitue une avancée indispensable, du mal qui nous fera du bien, un de ces jours, à la fin des temps, qui sait ?

Tout le monde sait aujourd’hui que l’engrenage par nous annoncé n’a plus rien à voir avec l’engrenage réel ; que l’Europe est en marche vers une société néolibérale à l’américaine - une société de compétition généralisée -, et que l’Union n’est plus le rempart qui nous protège contre cette issue mais l’instrument qui nous y entraîne.

Cela dit, aujourd’hui, nous ne renions en rien les choix faits jusqu’ici. Notre pari était tenable. Mais quand on a perdu, on a perdu. Et il faut savoir le reconnaître. Et nous ne pouvons nous défiler davantage devant notre responsabilité. C’est nous principalement qui avons engagé nos concitoyens dans cette voie. C’est à nous de les tirer du piège où nous sous sommes laissés prendre.

La première question à nous poser est donc de savoir si ce traité nous autorise à sortir du piège, s’il amorce un revirement dans l’orientation de la construction européenne. Autrement dit, la question n’est pas de savoir si le nouveau traité est plus libéral ou pas que les précédents, elle est de savoir si il l’est moins, s’il fait reculer le néolibéralisme aujourd’hui dominant.


Ce traité n’est pas moins libéral. Voilà le premier et colossal " recul "


Tous les commentateurs, qu’ils soient pro- ou anti-Constitution se rejoignent au moins sur un constat : celle-ci ne remet nullement en cause l’état actuel des traités en matière économique et sociale. Les pros y voient même un argument favorable à la ratification : ce texte reste dans la continuité du mouvement actuel de l’Union, il n’est ni plus ni moins libéral que le traité de Nice actuellement en vigueur : il se contente d’en reprendre le contenu en ce qui concerne les politiques économiques et sociales. Par conséquent, nous disent-ils, quiconque juge l’orientation actuelle de ces politiques globalement positive doit soutenir la Constitution.

En admettant provisoirement cette lecture que je discuterai ensuite, il s’ensuit déjà que tout citoyen contestant la tournure donnée aux politiques économiques et sociales depuis le traité de Maastricht, doit s’opposer à un nouveau traité qui ne la remet nullement en cause. Quiconque récuse la marche actuelle de l’Union n’a pas d’autre façon de se faire entendre qu’en disant non à la Constitution. Cela ne remet pas en cause l’Union et ne provoque aucun cataclysme : nous restons simplement dans le cadre actuel du traité de Nice (traité qui restera d’ailleurs en vigueur jusqu’en 2009, même si la Constitution est ratifiée). Le non ne détruit absolument rien. En revanche, il autorise tout : la tenue d’un vrai débat démocratique sur la finalité de l’Union, la remise à plat du projet européen des uns et des autres, et la recherche des nouvelles modalités de coopération autorisant la coexistence pacifique de projets différents.

Mais, en outre, dire oui constitue en soi un " recul " colossal.
Dissipons ici un grand malentendu, surtout à gauche, qui semble brouiller l’esprit des partisans du oui. Ces derniers soutiennent que le texte de la Constitution n’inclut aucun " recul libéral " par rapport au traité de Nice. Dans l’esprit, si ce n’est dans la lettre de cet argument, ils n’ont pas tout à fait tort. Presque tout ce qu’il y a de néolibéralisme insupportable dans cette Constitution est déjà présent dans le droit de l’Union... et réciproquement ! Franchement, est-ce vraiment une raison pour dire oui ?

Mais cet argument de juriste manifeste une totale ignorance de la réalité économique. En effet, par le fait même que nous sommes déjà dans un grand marché de libre-échange trop peu régulé par le politique, les dégâts sociaux de la compétition généralisée s’étendent de jour en jour et s’étendront indéfiniment, même si l’on ne change pas une virgule du traité de Nice. Autrement dit, pour progresser dans la réalité, le modèle de société néolibéral n’a plus besoin de la moindre avancée juridique en sa faveur. Les détenteurs du capital ont déjà toute liberté pour imposer l’intensification du travail, la baisse des impôts, les privatisations, etc. Le simple statu quo juridique entraîne donc, dans les faits, une irrésistible avancée du modèle néolibéral, et il constitue un recul continu de l’Europe sociale.

Par conséquent, même si le texte de la Constitution ne contenait strictement aucun pouvoir nouveau consenti aux marchands, le fait qu’il ne contienne, non seulement aucune restriction, mais aussi aucune possibilité future d’imposer de nouvelles restrictions à la libre concurrence, au libre-échange ou à la libre circulation des capitaux, ce seul fait constitue une régression sociale majeure, consacre la défaite des tenants de l’Europe politique et sociale, et la victoire du néolibéralisme.

Dire non c’est la seule façon de donner enfin le premier coup d’arrêt au dévoiement néolibéral continuel du projet européen. Et c’est donc là notre première raison de dire non.


Dans ce contexte, que voulons nous ?


Cinq exigences pour faire progresser l’Europe, grâce au primat restauré du politique, de la démocratie et des droits sociaux sur les exigences des marchés


Nous voulons :

 Une vraie Constitution, limitée aux questions constitutionnelles, et révisable

 La possibilité de revenir sur les acquis du néolibéralisme et de combattre le dumping fiscal et social

 La possibilité pour les citoyens de déterminer l’orientation des politiques européennes

  Une vraie protection constitutionnelle des droits sociaux contre les assauts de la concurrence

 L’émergence d’une puissance politique européenne capable de défendre en Europe et dans le monde un autre modèle que le modèle marchand et impérialiste des États-Unis.


Est-ce que ce traité répond aux cinq exigences ci-dessus ?
Pour nous, la réponse est cinq fois non, ce qui nous donne cinq bonnes raisons supplémentaires de dire non et sur lesquelles je vais maintenant revenir.


Deuxième raison de dire non


Ce n’est pas une Constitution ! Et nous voulons une vraie Constitution


Ce n’est pas une Constitution, c’est un programme politique.


Accepteriez-vous que la Constitution de votre pays fige l’état actuel du code du travail, du code du commerce, du système fiscal et du système social, etc., et rende ainsi à l’avenir anti-constitutionnelle toute politique ou tout système alternatifs ? L’accepteriez-vous si, en outre, elle introduisait un biais en faveur des seules politiques libérales et interdisait tout renforcement des contrôles et des régulations encadrant le fonctionnement des marchés ? L’accepteriez-vous, enfin, si un tel monstre constitutionnel, déjà inacceptable en soi, était quasi impossible à réviser ?

C’est pourtant là à peu près tout ce que réalise le traité de Bruxelles " établissant une Constitution pour l’Europe " . Sur 448 articles, seule une centaine aurait sa place dans une Constitution, tous les autres déterminent les politiques et en particulier l’orientation idéologique et les modalités des politiques économiques, commerciales et sociales.

Une Constitution ne doit être ni libérale, ni socialiste ni quoi que ce soit d’autre qu’un ensemble d’institutions et de règles du jeu qui déterminent comment les citoyens souverains pourront, par le biais de leurs représentants élus, déterminer l’orientation des politiques. Or cette soi-disant Constitution interdit nombre des politiques sociales de gauche (salaire minimum européen, harmonisation sociale par le haut, protection contre les licenciements boursiers, etc.) et impose le primat des politiques néolibérales (flexibilité du travail, généralisation de la concurrence à toutes les sphères d’activité, etc.). C’est une « Constitution néolibérale », une « Constitution de droite ». N’importe quel citoyen, même de droite, même ultralibéral, mais par ailleurs démocrate, doit refuser cette insulte à la démocratie.


La révision à l’unanimité est doublement inacceptable.


Ce traité n’est révisable qu’à la double unanimité : une adoption unanime par la Conférence intergouvernementale suivie d’une ratification unanime dans les pays membres. C’est inacceptable. D’abord et c’est évident pour tous, parce que ce traité inclut toutes les politiques libérales que nous récusons et qu’il n’est pas question de donner aujourd’hui à 25 pays un droit de veto capable de bloquer pour toujours toute volonté, même largement majoritaire, d’abolir ces politiques libérales.

N’oublions pas que, pour les libéraux, ce traité doit être le dernier ; ils ont en effet tout ce qu’ils souhaitaient : un grand marché sans aucune puissance politique capable de et autorisée à entraver la libre concurrence. L’unanimité étant requise pour réviser ce traité, les libéraux bloqueront à l’avenir toute tentative de révision, car celle-ci ne pourrait par définition avoir pour objet que de renforcer le pouvoir politique et l’Union politique au détriment de la liberté des marchés. Une fois ratifié, ce traité le sera donc pour longtemps. Les libéraux ne laisseront passer, et avec enthousiasme, que les traités d’adhésion de nouveaux membres qui, en élargissant toujours plus l’espace européen, repousseront toujours plus loin le spectre d’une Europe Puissance politique.

La révision à l’unanimité est aussi inacceptable pour une raison moins soulignée, mais tout aussi fondamentale. Pour les juristes, la révision à l’unanimité est le trait distinctif d’un traité international et implique clairement que ce texte n’est pas une Constitution. La Constitution est le contrat fondamental qu’établissent entre eux les membres d’une communauté politique, et le propre d’une communauté politique démocratique est le fait que chaque membre accepte de se soumettre aux choix de la majorité, majorité simple pour les lois ordinaires, majorité qualifiée pour les lois constitutionnelles. Le texte qu’on nous propose n’est donc qu’un traité diplomatique de plus et non une vraie Constitution.

Alors pourquoi l’a t-on appelé Constitution contre l’évidence ?


Une manipulation de l’opinion intolérable


L’appellation de Constitution manifeste au départ le délire de grandeur des conventionnels. La déclaration de Laeken leur avait seulement demandé d’ajouter quelques pages aux traités, tandis qu’eux voulaient écrire une page de l’histoire. L’acceptation de ce nom par les gouvernements est une pure et pitoyable opération de marketing politique. Comment faire avaler la pilule indigeste d’un nouveau traité qui ne modifierait en rien la marche libérale et de plus ne plus contesté de l’Europe ? En créant l’illusion qu’il s’agissait d’une avancée historique de l’Europe politique. En exploitant le désir profond d’une Europe politique capable de contrer la toute puissance des marchés, mais pour faire ratifier un traité qui consacre la toute puissance des marchés !

Le devoir des socialistes est de dénoncer cette manipulation. Au lieu de cela, certains l’instrumentalise pour promouvoir le oui à cette fausse Constitution. En effet, certains de nos camarades comprennent un peu tard que le terme "Constitution" risque de dramatiser le débat et inciter les citoyens à y réfléchir deux fois plutôt qu’une. Alors, nombre de ceux qui ont depuis des mois dramatisé le non, en expliquant qu’on ne pouvait s’opposer à ce moment historique fondamental, nombre de ceux-là disent aujourd’hui que ce n’est pas si grave de dire oui, puisqu’il ne s’agit que d’un traité, voire un modeste règlement intérieur de l’Union ! Oublient-t-ils que les socialistes ont été les premiers à porter ce projet d’une Constitution pour l’Europe, les premiers à expliquer aux citoyens que pour surmonter les défis de l’élargissement et redonner au politique la force que lui a ôté le pouvoir des marchés, il nous fallait une vraie Constitution ? A qui feront-ils croire ensuite qu’ils vont relancer l’idéal d’une vraie Constitution juste quelques mois après l’avoir renié ?

Pour nous qui ne renions rien, le fait qu’il ne s’agisse pas d’une vraie Constitution n’est pas une circonstance atténuante, mais une circonstance aggravante, une raison supplémentaire de dire non. Car nous voulons une vraie Constitution pour l’Union européenne.

Dire non à la fausse Constitution est la seule façon de dire oui à une vraie Constitution de l’Union européenne, la seule manière de laisser une porte ouverte à l’élaboration prochaine d’une telle Constitution.

Dire non à cette fausse Constitution c’est affirmer notre rejet des arrangements au sommet, des soi-disant " représentants " qui se délivrent à eux-mêmes des mandats pour faire tout et n’importe quoi en notre nom. C’est exiger qu’une affaire aussi sérieuse que la Constitution soit confiée à une instance dûment mandatée par les citoyens européens à cet effet.

Dire non à cette pitoyable opération de marketing politique, c’est affirmer que nous refusons d’être les complices de la désinformation et de la manipulation des Européens.


Troisième raison de dire non


C’est la consécration d’une société de marché où la compétition prime sur la solidarité


Le règne de la libre concurrence


 Le primat de la " concurrence libre et non faussée " et " l’économie ouverte " qui restent des objectifs de l’Union (I-2) et qui s’imposent à toutes les politiques (III-177 et III-178).

 La promotion du libre-échange. " L’Union contribue... à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres " (III-314). Notez ici un vrai recul par rapport aux traités antérieurs : la mention " et autres " a été ajoutée et vise à prohiber toute forme de protection (y-compris par ex. les normes sociales, sanitaires, etc.).

 La promotion du libre-échange dans les Pays en développement (III-292-1-e)

 L’interdiction des restrictions à la libre circulation des capitaux (I-4) à l’intérieur de l’union, et vis-à -vis des pays tiers (III-156), sauf décision contraire mais à l’unanimité (donc une quelconque restriction n’a aucune chance de voir le jour)

 Le primat de la libre concurrence est tellement absolu que : " Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tensions internationales graves constituant une menace de guerre... " ! ! (III-131)


La porte ouverte au dumping fiscal ou social et aux délocalisations


 Pas une seule phrase pour seulement regretter le règne de la concurrence fiscale et sociale et recommander la recherche d’une harmonisation progressive favorable aux travailleurs et à la protection des biens publics.

 Les questions fiscales relèvent de l’unanimité. Il est donc concrètement impossible au dumping fiscal puisqu’un seul des 25 pays peut interdire toute harmonisation fiscale. L’harmonisation continuera donc à ce faire par la baisse continue des impôts sur les bénéfices, les plus-values, etc., et donc par la réduction continue des biens et ses services publics.

 L’action de l’Union en matière sociale " ne s’applique pas aux rémunérations " (III-210-6). Elle ne peut donc en aucun cas prêter son concours à la mise en place d’un salaire minimum.

 L’harmonisation du droit social explicitement interdit (III-210) et à plusieurs reprises il est précisé que les lois de l’Union ne peuvent entraîner d’harmonisation des lois et règlements nationaux (I-14-5) et (I-18-3)

 C’est donc la porte ouverte aux délocalisations croissantes avec non plus une Irlande mais sept ou huit bien décidées à jouer le jeu du moins disant social, salarial et fiscal


La porte ouverte à la marchéisation des biens publics


 " l’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux... " (II-94-1). L’union "reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général... prévu par les législations nationales... " (II-96).

En clair, l’Union respecte ce que font les États, y compris quand ils ne font rien ou détruisent les acquis du progrès social : nulle part il n’est écrit que tous les États doivent mettre en place ces " accès " et converger vers un haut niveau. Le " respect " de l’Union est compatible avec la privatisation intégrale de la protection sociale.

 Le droit à l’éducation " comporte la faculté de suivre gratuitement l’enseignement obligatoire " (II-74-2), il n’est pas interdit de le rendre facultatif et donc intégralement payant !

 Les services publics restent soumis au principe de concurrence libre et non faussée, et donc contraint à terme, par la pression de la concurrence, de se comporter comme des entreprises capitalistes. (III-162 et III-166)


Les politiques économiques condamnées à l’impuissance


 Impossibilité de conduire une politique budgétaire efficace au plan national puisque le pacte de stabilité est maintenu (III-184) et que la BCE peut menacer les États d’un durcissement de la politique monétaire s’ils ne respectent pas la " discipline budgétaire " .

 Cette impuissance nationale n’est pas compensée par des politiques européennes puisque :

- le budget doit être équilibré (I-53-2).

- le budget de l’Union est intégralement financé par des ressources propres " (I-54-2) L’Union n’a pas de le droit d’émettre des emprunts !

- la BCE vise toujours en priorité la stabilité des prix (III-185) et ne rend de comptes à personne.

 L’union ne peut donc pas mener de politique budgétaire de soutien de l’activité (déficits interdits) elle ne peut pas emprunter pour financer un quelconque projet (grands travaux, recherche, etc.). Ces contraintes pourraient être compensées par une augmentation substantielle des ressources propres de l’Union (impôt européen), mais ce n’est pas le cas : le budget est plafonné à 1,27% du PIB, et cela ne peut être modifié qu’à l’unanimité des 25 États membres (c.a.d. jamais).

 L’Union est la seule région du monde ou la politique monétaire donne une priorité absolue à la stabilité des prix. Mêmes les États-Unis ­- soi-disant bastion du néolibéralisme - mènent des politiques budgétaires et monétaires keynésiennes pour soutenir en priorité la croissance et l’emploi, et conduisent une politique industrielle et de recherche très active.


La reconnaissance formelle d’autres objectifs est un leurre


 Les partisans du oui ne peuvent bien évidemment pas contester tout ce qui précède puisque c’est écrit noir sur blanc dans le traité. Mais ils soutiennent que les principes libéraux ont dans ce traité des contrepoids : des principes et des objectifs autres que la libre concurrence et plus proches des finalités des sociaux-démocrates. C’est une pure illusion pour trois raisons.

1°. A chaque fois que les libéraux ont concédé un terme susceptible de porter ombrage au primat de la libre concurrence, on lui a accolé une qualification qui le vide de sens : le commerce équitable devient le " commerce libre et équitable " (I-3-4), l’économie sociale de marché devient " l’économie sociale de marché hautement compétitive " (1-3-3). L’action en matière de politique sociale est conduite " en tenant compte de la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union" (III-209). Certes, " L’objectif consistant à atteindre un niveau d’emploi élevé est pris en compte dans la définition ... des politiques de l’Union " (III-205-2). Mais un niveau d’emploi élevé n’est pas le plein-emploi ! Et l’emploi élevé peut être obtenu par le dumping fiscal et social, par le travail à temps partiel forcé, par le développement de la précarité, par la baisse des coûts salariaux. Bref, sauf dispositions explicites privilégiant les politiques de l’emploi respectueuses des conditions de travail, de la dignité et du pouvoir d’achat des salariés et de la satisfaction des besoins collectifs, l’objectif d’emploi élevé peut constituer un moyen supplémentaire pour imposer le programme néolibéral du patronat. Le seul article explicitant un peu le type de politique de l’emploi encouragé par l’Union soutient explicitement les mesures renforçant la flexibilité des travailleurs et du marché du travail (III-203).


2°. Ce qui compte vraiment, en droit et dans les faits, c’est la hiérarchie des finalités.

Or, par deux fois (III-177 et III-178) il est précisé que la politique économique est conduite dans le " respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre " . Ce " principe " est donc supérieur à tout autre objectif (emploi, développement, justice sociale) dont la poursuite ne saurait justifier la moindre entrave au libre-échange et à la libre concurrence. Au cas où certains n’auraient pas bien compris le modèle qui sert de référence à la conception de la politique économique l’art III-178 précise la raison de la soumission au fameux " principe " : il favorise " une allocation efficace des ressources " . C’est ainsi la loi fondamentale de la théorie économique néolibérale qui entre dans le traité : l’économie de marché libre assure l’allocation efficace des ressources. Il faut tout de même savoir que cette loi a été parfaitement démentie par un siècle de développement de la théorie économique orthodoxe ! (cf. mon livre Les Vraies lois de l’économie).

Le " principe d’économie ouverte où la concurrence est libre " bénéficie d’un traitement de faveur évident par rapport à tous les autres objectifs, toutes les autres finalités. C’est le seul pour lequel on précise que les politiques doivent, non pas le " prendre en compte " , mais le " respecter " . Les autres principes ne feraient donc contrepoids que s’il était (ne serait-ce qu’une fois) fait allusion au fait que la libre concurrence et le libre-échange peuvent être amendés au nom de l’emploi, de la réduction des inégalités, du développement des biens publics, de la protection de l’environnement, etc.


3°. Les finalités sociales n’ont pas besoin de reconnaissance, mais de protection contre la concurrence.

Ce qui importe dans la société réelle c’est uniquement l’intensité de la compétition et les limites concrètes que le politique peut lui imposer. Ce n’est pas le manque de reconnaissance qui menace les services publics, les biens collectifs, c’est leur exposition à la concurrence. Les services d’intérêt généraux sont déjà " reconnus " depuis le traité d’Amsterdam. Cela n’a pas empêché leur démantèlement et leur privatisation progressive. Car le traité de l’Union interdit tout monopole public (III-162 et III-166) et interdit les aides publiques aux entreprises (III-167). Or c’est l’ouverture à la compétition qui pousse les services publics à se comporter comme des services privés, pas le manque de reconnaissance !

Le traité ne se contente pas de " reconnaître et respecter " la libre concurrence, il l’impose !


Quatrième raison de dire non


Aucune avancée réelle de la démocratie


- Quelques avancées institutionnelles certes (rappel des principales innovations)

- Mais il est singulièrement abusif de parler d’une " avancée démocratique " .
La démocratie représentative c’est avant tout la possibilité offerte aux citoyens de déterminer les politiques par l’intermédiaire de leurs représentants au Parlement. Or qui fait la loi européenne aujourd’hui comme demain si ce traité est ratifié ? Les gouvernements et leurs représentants à la Commission. Le Conseil européen définit les grandes orientations politiques (I-21), la Commission a le quasi-monopole de l’initiative des lois (I-26), et le Conseil des ministres renégocie ensuite un texte susceptible de faire l’unanimité ou de rassembler la majorité requise. Pour l’essentiel le droit européen résulte ainsi de négociations opaques entre gouvernants ou entre représentants des gouvernements.

 En bout de course, le Parlement est reconnu comme co-législateur avec le Conseil.
Mais le Parlement n’a pas l’initiative des lois.

- Le droit d’initiative citoyenne est une farce (I-47). Un million de citoyens peuvent " inviter la Commission " à proposer une décision européenne..... Primo, il n’y a là aucun droit nouveau. Que je sache, aucun pays européen n’interdit aux citoyens de signer des pétitions ! On reconnaît donc simplement un droit de pétition que les Européens ont déjà  ! Mais la Commission n’est en rien tenue de donner suite. Elle n’est même pas tenue d’expliquer sa décision aux citoyens. Franchement, il eut mieux valu ne rien écrire à ce sujet que d’écrire noir sur blanc ce souverain mépris de la souveraineté populaire.

- On pourrait à la limite parler « d’avancées démocratiques » si nous étions en présence d’une vraie Constitution qui exclurait tout élément de définition et d’orientation des politiques européennes, autrement dit, si toutes les politiques, hormis celles qui violent les droits fondamentaux de la personne, étaient autorisées par la Constitution. Mais, on l’a vu, toute entrave à la libre concurrence et au libre-échange est interdite, les déficits sont interdits, les objectifs de la politique monétaire ne sont pas libres, l’harmonisation des politiques et des systèmes sociaux est interdite, etc., etc.

- Les plus belles innovations institutionnelles ne changeront rien à cette réduction a priori du champ des choix politiques possibles. Les soi-disant avancées démocratiques sont tout simplement vides de sens dans une fausse Constitution qui interdit les politiques antilibérales. Il en irait bien sûr de même si cette fausse Constitution interdisait les politiques libérales. Car encore une fois nous ne voulons surtout pas d’une Constitution socialiste. Nous ne voulons que le respect de la démocratie, la vraie, celle qui reconnaît qu’aucune loi économique n’est au-dessus des lois voulues par les peuples et leurs députés.


Cinquième raison de dire non


Aucune avancée réelle des droits sociaux


  La Charte des droits ne consacre aucun droit que nous n’ayons déjà .

 La Charte récuse le droit au travail et le remplace par le droit " de " travailler ! ! (II-75)

  En reconnaissant que " tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié " (II-90), la Charte autorise tous les licenciements pourvu qu’ils aient un motif !

- La Charte ne contraint en rien les politiques nationales. Elle ne s’applique qu’aux actes mettant en oeuvre le droit de l’Union (II-111). Elle ne s’applique pas aux politiques sociales et au droit social des Etats membres.

- Les principes contenus dans la charte ne peuvent être invoqués devant le juge pour contester une politique nationale ou européenne qui contrevient à ses principes. (II-111-5).


Il résulte de tout cela que cette Charte ne change rien à rien. Elle ne permet pas d’imposer le respect d’un droit quelconque à un membre de l’Union.

 Rappelons enfin, que les droits sociaux, comme les services publics n’ont pas besoin de " reconnaissance " : ils ont besoin de protection effective contre la libre concurrence.


Sixième raison de dire non


Éviter l’impuissance et la vassalisation des nations européennes


Rappelons simplement en bref que face aux stratégies de puissance nationaliste mise en oeuvre par les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie et le Japon, l’Europe a le choix entre devenir un simple terrain de jeux pour les marchands et dépendante des États-Unis pour sa défense et sa politique extérieure, ou bien devenir une Puissance politique et économique capable à la fois de défendre son propre modèle de civilisation et sa conception des relations internationales.

Une Europe Puissance, suppose 1°) la volonté politique, 2°) des moyens économiques, 3°) des moyens militaires et 4°) l’indépendance de notre politique de défense à l’égard de l’OTAN. Or, le traité qui nous est proposé empêche la satisfaction de ces quatre conditions.

1°) La volonté politique.

 La guerre en Irak a révélé la division de l’Union entre d’une part, des pays marchands qui n’ont que faire d’une Europe Puissance et compte sur l’Amérique pour faire régner la paix, et d’autre part, des pays soucieux d’indépendance, soucieux de rester, collectivement, des nations prêtes à assurer leur propre défense et à défendre leur conception de l’ordre international (fondé sur le multilatéralisme, le droit international et l’ONU). Tant que l’unanimité est requise en ces matières, un seul pays atlantiste interdit la construction de l’Europe Puissance.

 Le traité divise en trois l’expression de la " volonté européenne " sur la scène internationale (Président du Conseil européen, président de la Commission, ministre des affaires étrangères)


2°) Les moyens économiques.

 La puissance passe par une politique industrielle et une politique de recherche européenne solidaire et coordonnée. Le traité prohibe tout moyen financier supplémentaire et donc toute politique d’envergure (cf. 3e raison de dire non ci-dessus).

 La puissance passe par une économie européenne solidaire en quête de progrès général et non par un espace de guerre économique entre les États de l’Union. Les États fédérés américains ne sont pas en guerre les uns contre les autres. Le seul Budget fédéral américain prend à sa charge entre 20 et 30 % d’un choc conjoncturel affectant négativement l’activité économique de l’un des États ! Le Budget européen ne peut compenser au mieux que 2 à 3 % d’un tel choc. La politique monétaire américaine est au service des intérêts de l’économie américaine (croissance et emploi) ; la politique monétaire européenne est au service d’un dogme monétariste erroné qui engendre des taux d’intérêt deux fois plus élevés et un taux de croissance deux fois plus faible qu’aux États-Unis. Le traité conforte cette situation.


3°) Les moyens militaires.

Non seulement le traité ne prévoit pas les moyens nécessaires à la constitution d’une défense européenne plus efficace, mais il affirme explicitement que c’est aux États membres de prendre en charge la défense. " Les États s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires " " (I-41-3). Incitation curieuse au militarisme et à l’augmentation des dépenses publiques ! Peut-on imaginer un amendement à la Constitution américaine confiant aux États de l’Union le soin de développer les capacités militaires ? La rationalité militaire et l’efficacité économique de la dépense commande au contraire, la réduction des dépenses militaires nationales et le financement collectif de forces communes, et notamment de forces d’intervention hors de l’Union pour garantir la sécurité extérieure des ressortissants de l’Union, la protection extérieure de nos intérêts, la prévention des génocides, le concours de l’Union aux opérations décidées par les Nations Unies.


4°) L’indépendance à l’égard de l’OTAN

Le traité est sur ce point on ne peut plus clair. " La politique de l’Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre " (I-41-2). Il est par ailleurs rappelé que l’OTAN " reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre. " (I-41-7)

Si quelqu’un osait suggérer l’introduction de telles clauses dans la Constitution nationale cela provoquerait un tollé général. Comment peut-on ligoter par avance et de façon définitive (cf. supra la quasi-impossibilité de réviser le traité sur des enjeux majeurs) notre politique de défense, par une exigence de compatibilité avec la politique d’une organisation dominée par les États-Unis ? C’est une concession inacceptable aux atlantistes qui n’aspirent en effet, pour l’heure, qu’à faire du business sous la protection militaire des Américains.

Le « fondement de la défense collective » des Européens et « l’instance de sa mise en oeuvre », ce n’est pas l’Union européenne, c’est l’OTAN. Il n’y a pas de défense européenne indépendante. C’est écrit et cela se passe de commentaires.


Septième raison de dire non


Il n’y a aucune bonne raison de dire oui


Si on veut entériner la marche libérale des politiques européennes, empêcher la construction d’une vraie Union politique, enterrer le projet socialiste d’une Europe fédérale, il faut dire oui. C’est pourquoi P.A Seillère déclarait cet été à l’Université du MEDEF que cette Constitution " est bonne pour les entreprises " . C’est pourquoi Tony Blair explique que cette Constitution est exactement conforme à la conception britannique de l’Europe (consultez le site internet du Gouvernement britannique).

 Il y aurait eu une bonne raison de dire oui si ce texte constituait une réelle avancée dans la démocratisation de l’Union et dans la protection des droits sociaux. Mais il n’en est rien (cf. 4e et 5e raisons ci-dessus).

 Il y aurait eu une raison de dire oui si ce traité offrait ne serait-ce qu’un seul instrument, un seul moyen nouveau, pour imposer une régulation politique renforcée des marchés et limiter le principe de libre concurrence. Il n’y en a aucun.

  Que reste-t-il en faveur du oui ?

Seulement une liste variable et extensible de faux prétextes pour dire oui à un traité que, tout le monde à gauche reconnaît comme mauvais, puisque même les partisans du oui expliquent qu’une fois le traité ratifié, il faudra engager la bataille pour sa révision ! Aux prétextes se mêlent aussi des mensonges scandaleux et des contresens vertigineux.

 " Ce qui n’est pas rendu possible par ce traité, nous pourrons le faire avec les pays qui le souhaitent dans le cadre des coopérations renforcées dont l’usage est simplifié " . C’est faux.

 " Il y a urgence, sans ce traité, l’Union à 25 ne fonctionne plus" . C’est faux.

 " Cette Constitution n’est pas plus libérale que l’état actuel des traités " . C’est faux. Et même si c’était vrai, il faudrait dire non à un texte qui prétend constitutionnaliser les seules politiques libérales.

 " Ce traité n’est pas plus difficile à réviser que les précédents " . C’est faux. On est 25 et bientôt 27 puis 30, et non plus quinze pays de l’Ouest.

 " Ce n’est qu’une étape, avant de reprendre le combat pour un autre traité " Il faudrait dire oui pour ensuite, au lendemain de la ratification, engager le combat pour la dénonciation d’un mauvais traité ? C’est absurde.

  " Le non nous isole en Europe et dans le mouvement socialiste " . Il nous isole de Blair et de Schröder qui sont favorables à la directive Bolkestein. Tant mieux ! Il nous isole d’une sociale-démocratie à la dérive qui s’est ralliée aux politiques néolibérales et a été chassée du pouvoir par les électeurs dans la plupart des pays de l’Union. Tant mieux !

 " C’est un compromis, on aura pas mieux en disant non " (Ceux qui disent cela disent aussi qu’il faut dire oui pour entamer ensuite les négociations pour un nouveau traité).

Etc., etc. Je n’ai pas le temps de poursuivre, mais tous ces pseudos arguments et bien d’autres aussi peu consistants sont entièrement démontés dans mon livre.

Une seule bonne raison de dire oui : être favorable au projet néolibéral d’une Europe livrée à la compétition généralisée et disposé à renier la démocratie en osant fixer dans une Constitution l’orientation idéologique des politiques économiques et sociales.


Conclusion et Huitième raison de dire non


Dire non, c’est le meilleur moyen de combattre les mauvaises raisons de dire non et éviter l’anéantissement du projet européen


En validant un projet ficelé par les seules élites politiques que l’on s’apprête à faire ratifier par ces seules élites dans la plupart des pays concernés, en soutenant une vision ultralibérale non conforme à la culture et aux aspirations de l’immense majorité des Européens, on renforcerait tous ceux qui ont de mauvaises raisons de dire " non " , les anti-européens, les eurosceptiques, les souverainistes de tous bords. Car, si les citoyens ne peuvent trouver auprès des pro-européens ceux qui leur offrent une autre perspective que l’Europe de la guerre économique et de la régression sociale, alors ils les chercheront ailleurs.

Depuis la fin des années 1990 nous avons suffisamment observé comment l’indifférenciation progressive du modèle de société de la gauche et de la droite persuade une fraction croissante de l’électorat que l’alternance politique n’est plus source d’alternative économique et sociale. Aussi, partout en Europe, la convergence des élites politiques en faveur d’une Europe espace de libre-échange et au détriment de l’Europe sociale alimente la crise du politique, l’abstention et la montée de l’extrême droite. Imposer un nouveau traité trop libéral, sans l’assentiment massif des citoyens européens est possible à court terme, mais pas à moyen ou long terme. Si nous nous engagions dans cette nouvelle Europe, où le seul moyen de retrouver la capacité de conduire des politiques sociales volontaristes consistera à sortir de l’Union, cette faculté (prévue dans le projet de constitution) finira par être effectivement employée. Et les populistes et autres fascistes, qui ne manqueront pas de faire campagne sur cette sortie, ne cesseront de marquer des points. Voilà pourquoi cette pseudo Constitution est au fond anti-européenne : elle porte en elle le germe de la désintégration de l’Union, du retour en force du nationalisme, de la peste brune que le projet européen avait pour vocation première de combattre. Si le " non " des pro-européens à la Constitution ne l’emporte pas aujourd’hui, alors ce sera bientôt un " non " à l’Europe qui l’emportera.

Jacques Généreux,jeudi 3 Mars 2005.

[Jacques Gébéreux, 48 ans, est membre de la direction nationale du courant "Nouveau Monde", et co-rédacteur de la contribution de ce courant au dernier congrès du PS (Dijon, 2003). Professeur à Sciences-Po, il enseigne l’économie depuis 24 ans et l’analyse économique des institutions et de la vie politique depuis dix ans. C’est à ce double titre, politique et universitaire, qu’il a travaillé sur le projet de Constitution européenne dès son origine. Auteur de seize ouvrages parmi lesquels des best-sellers d’initiation à l’économie et des essais politiques, il vient de publier : « Manuel critique du parfait Européen. Les bonnes raisons de dire "non" à la Constitution » (Seuil, mars 2005).


 Sources :http://genereux.fr


Réunions publiques avec Jacque Généreux

Il y a certainement une réunion pas loin de chez vous !

 Agenda des réunions publiques de Jacques Généreux, Gérard Filoche, Marc Dolez.clic ICI.


François Hollande n’ a strictement rien à faire de la Constitution Européenne ... « si Chirac avait mis en jeu son mandat, le PS aurait naturellement appelé à voter NON, comme pour De Gaulle en 69 »... 26 mai 2005


Constitution : Quand un « Non de gauche » écrit au « Oui de gauche »...

"Si la Constitution Européenne échoue, les Etats-Unis ne se réjouiront pas"

Constitution : Délocalisation, des rapports explosifs, par Yves Housson.




 Dessin :
Christian Pigeon www.sudptt.fr


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(...) je suis d’accord avec le fait que le tsunami a été une merveilleuse occasion de montrer, au-delà du gouvernement des Etats-Unis, le coeur du peuple américain.

Condoleezza "oui, j’ai un grain" Rice
devant la commission sénatoriale des relations étrangères US - janv. 2005

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