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Le droit de garder le silence à l’âge de la surveillance de masse (Counterpunch)

La semaine dernière, la police britannique a arrêté David Miranda, le partenaire du reporter du Guardian, Glenn Greenwald, à l’aéroport de Heathrow, a saisi son ordinateur et ses clés USB et l’a obligé à donner les mots de passe. La police pensait que l’ordinateur et les clés USB contenaient des informations sur l’intrusion de l’Agence Nationale de Sécurité étasunienne dans les communications privées de millions de gens qui n’étaient suspects d’aucun délit.

Les sept interrogateurs se sont prévalus du Terrorism Act de 2002 mais leurs questions n’avaient rien à voir avec le terrorisme. Ils s’intéressaient, en réalité, au travail de journaliste de Greenwald. La police n’a accusé son compagnon d’aucun délit, il n’en avait commis aucun. L’interrogatoire était seulement un prétexte pour saisir son ordinateur et ses clés USB et essayer de lui faire dire quelque chose d’incriminant.

Si la NSA avait demandé à des policiers étasuniens de questionner Miranda dans un aéroport étasunien, ce dernier aurait eu le droit constitutionnel de garder le silence. Les policiers étasuniens auraient même été tenus de lui notifier ses droits. Ironiquement, cette notification porte le nom d’"Avertissements Miranda*" du fait que la Cour Suprême des États-Unis a établi qu’elle était indispensable constitutionnellement suite à l’affaire Miranda v. Arizona.

Mais l’Angleterre n’a pas de constitution, et donc on peut y forcer le Miranda de Greenwald à répondre à des questions sur le terrorisme, si une loi d’exception – comme celle qui régit les espaces de transit des aéroports – l’autorise.

En dehors de ces lois d’exception tout le monde en Angleterre a le droit de connaître les charges qui pèsent contre lui et d’être laissé tranquille s’il n’y en a aucune. Des interrogatoires comme celui infligé à David Miranda, ont été abolis au 17ième siècle, en grande partie grâce à la résistance de John Lilburne, le premier libertaire anglais. Quand on constate la réaction complaisante de la plupart des Anglais et des Etasuniens à l’interrogatoire et la fouille de David Miranda, on se dit que cela vaut vraiment la peine de se souvenir de l’histoire du "John, l’homme libre" (voir l’article de Jeffrey St. Clair : "Que ferait Lilburne ?")

John Lilburne était un clerc de 23 ans qui avait été amené devant le tribunal secret de sécurité nationale de l’époque – l’infâme Star Chamber (Chambre étoilée). Les juges – en fait des politiciens – l’ont bombardé de questions dans l’espoir qu’il dirait quelque chose qui permettrait de l’accuser d’avoir aidé à la distribution clandestine des tract religieux dissidents dans le pays. Mais Lilburne a refusé de coopérer. "J’ai le droit", a-t-il insisté, "de savoir de quoi je suis accusé parce que je mets mon âme en danger en jurant devant Dieu de répondre la vérité aux questions sans queue ni tête que vous me posez."

David Miranda a été placé dans la même situation. S’il ne répondait pas aux questions tous azimut que ses sept interrogateurs lui posaient, il pouvait être arrêté pour refus de coopérer. Et si une de ses réponses se révélait ensuite inexacte, il pouvait être envoyé en prison, sans même avoir été jugé pour un délit quelconque.

Devant ce choix, Lilburne choisit de garder le silence et il a été condamné à être fouetté, cloué au pilori et emprisonné jusqu’à ce qu’il se soumette. En avril 1639, il a été attaché par les mains à l’arrière d’une charrette et forcé de parcourir 3 km dans les rues de Londres fouetté au sang dans le dos à chaque pas. Puis Lilburne a été attaché au pilori où, malgré sa grande souffrance et la terrible situation dans laquelle il était, il réussit à mobiliser une grande foule contre les injustices qu’il subissait. En prison, il a été privé de nourriture et ce sont les autres prisonniers qui l’ont maintenu en vie en partageant leurs maigres rations avec lui. Mais à la différence de beaucoup de prisonniers actuels, Lilburne réussit à trouver de quoi écrire et à faire passer clandestinement à un éditeur des lettres dénonçant les sévices qu’il subissait. Il n’a pas fallu longtemps pour que "John Lilburne, l’homme libre" devienne l’homme le plus populaire d’Angleterre et un exemple pour les colons américains qui ont inscrit le droit de ne pas dire des choses qui pourraient se retourner contre soi-même dans leur loi.

Aujourd’hui, plus personne ne se souvient de Lilburne ni des sacrifices qu’il a consentis pour nous libérer. Il est surprenant que si peu de gens apprécient le courage dont font preuve David Miranda et son partenaire, Glenn Greenwald, en publiant les documents qu’Edward Snowden leur a transmis et qui révèlent des graves violations de la constitution.

Et pendant ce temps, des officiels des deux côtés de l’Atlantique continuent à contrôler ce que les gens ont le droit de lire, à décider qui doit être espionné, intimidé ou soumis à des interrogatoires secrets pour le contraindre de concourir à sa propre perte. N’est-il pas temps de se demander comment nous avons pu en arriver à opposer si peu de résistance à de telles infamies ?

Christopher H. Pyle

Christopher H. Pyle enseigne le Droit Constitutionnel et les libertés civiles à Mount Holyoke College. Il a écrit Military Surveillance of Civilian Politics et Getting Away with Torture. En 1970, il a révélé la surveillance par l’armée étasunienne d’hommes politiques et travaillé comme consultant pour trois comités du Congrès dont le Comité inter-églises.

Traduction : Dominique Muselet

Notes (du traducteur)

* Les droits Miranda (Miranda rights) et l’avertissement Miranda (Miranda warning) sont des notions de la procédure pénale aux États-Unis dégagées par la Cour suprême des États-Unis en 1966 dans l’affaire Miranda v. Arizona.
Ces droits se manifestent par la prononciation d’un avertissement lors de l’arrestation d’un individu, lui signifiant notamment son droit à garder le silence et le droit de bénéficier d’un avocat.

»» http://www.counterpunch.org/2013/08...
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