Agissant tant en raison de leur objet social, qui les conduit à faire sanctionner les atteintes aux libertés individuelles en matière de traitement informatisé, qu’à titre personnel, la FIDH et la LDH ont déposé plainte sur le fondement des articles 323-1, 226-18, 226-1 et 226-2 du Code Pénal.
Ces dispositions concernent l’accès frauduleux à un système informatisé, la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, l’atteinte volontaire à la vie privée et l’utilisation et la conservation d’enregistrements et de documents obtenus par l’atteinte à la vie privée.
Les révélations faites dans la presse par Monsieur Edward Snowden ont permis de dévoiler l’existence d’un programme américain dénommé PRISM (Planning Tool for Ressource Intégration Synchronization, and Management) collectant des renseignements sur les serveurs de différentes sociétés exerçant dans le domaine de l’Internet (Microsoft, Yahoo, Google, Paltalk, Facebook, Youtube, Skype, AOL et Apple).
Sous couvert de la lutte contre le terrorisme et de la criminalité organisée, ce système d’interception des données privées, qui concerne tout autant les citoyens américains que les associations et individus étrangers, a permis à la NSA et au FBI de collecter des données matérielles hébergées par les serveurs de ces sociétés incluant notamment les historiques de recherches et de connexions effectuées sur le net, le contenu d’e-mails, de communications audio et vidéo, des fichiers photos, des transferts de documents ainsi que le contenu de conversations en ligne.
L’essence même de ce système – donnant lieu à la surveillance d’un demi-milliard de communications par mois – est, notamment au travers de mots clés, d’appréhender non seulement l’origine d’un message privé mais aussi son destinataire ainsi que son contenu, quel que soit le moyen technique utilisé pour la transmission de ce message.
Cette intrusion sans contrôle dans la vie de chacun constitue un danger considérable pour les libertés individuelles qui doit être enrayé sous peine de voir disparaître l’État de droit.
La FIDH et la LDH saisissent donc aujourd’hui la justice française afin qu’une information judiciaire portant sur ces faits soit ouverte.
Paris, le 11 juillet 2013
EN COMPLEMENT
Échange de courriels entre Edward Snowden et l’ancien sénateur Républicain Gordon Humphrey - Glenn Greenwald (The Guardian)
« Je crois que vous avez fait une bonne action en exposant ce que je considère comme une violation massive de la Constitution des Etats-Unis ».
L’ancien sénateur Républicain aux deux mandats, Gordon Humphrey, du New Hampshire, a écrit un courriel à Edward Snowden hier [gras ajouté par mes soins] :
Monsieur Snowden,
A condition que vous n’ayez pas divulgué d’informations qui mettraient en danger un agent de renseignement, je crois que vous avez fait la bonne chose en exposant ce que je considère comme une violation massive de la Constitution des Etats-Unis.
Ayant servi les Etats-Unis au Sénat pendant douze ans comme membre de la Commission des Affaires Etrangères (Foreign Relations Committee), de la Commission des Forces Armées et la Commission Judiciaire (Armed Services Committee and the Judiciary Committee), je pense que j’ai une bonne base pour arriver à une telle conclusion.
Je vous souhaite bonne chance dans vos efforts pour obtenir l’asile et vous encourage à persévérer.
Je vous prie de bien vouloir accuser réception de ce message afin d’être certain que vous l’avez reçu.
Cordialement,
Gordon J. Humphrey
Ancien Sénateur des Etats-Unis
New Hampshire
Après avoir contacté le sénateur Humphrey pour qu’il me confirme l’authenticité de son message, il m’a écrit [gras ajouté par mes soins] :
Monsieur Greenwald,
Oui. C’est moi qui ai envoyé le courriel à Edward Snowden, le remerciant pour avoir dénoncé les violations surprenantes de la Constitution des Etats-Unis et pour l’encourager dans sa recherche d’un asile.
A ma connaissance, Monsieur Snowden a seulement révélé l’existence d’un programme et non pas des détails qui mettraient quiconque en danger. Je le considère comme un courageux lanceur d’alerte.
Je m’oppose à la campagne monumentalement disproportionnée menée par le gouvernement des Etats-Unis contre Edward Snowden, alors qu’aucun effort n’est fait pour identifier, démettre de ses fonctions et traduire en justice les officiels qui ont abusé du pouvoir, violant gravement et à plusieurs reprises la Constitution des Etats-Unis et les droits de millions de citoyens sans méfiance.
Les Américains préoccupés par l’arrogance croissante de notre gouvernement et de son caractère de plus en plus menaçant devraient agir pour aider Monsieur Snowden à trouver un asile. Les anciens membres du Congrès, en particulier, devraient prendre les devants et s’exprimer ouvertement.
Cordialement,
Gordon Humphrey
La réponse de Snowden au sénateur Humphrey :
Monsieur Humphrey,
Je vous remercie pour votre soutien. Je souhaite seulement qu’il y ait plus de nos législateurs qui partagent vos principes – les actions que j’ai entreprises n’auraient pas été nécessaires.
Les médias ont déformé mes actions et mes intentions pour faire oublier l’essentiel des violations constitutionnelles et à la place se focalisent plutôt sur les individus. Ils semblent croire que tout récit moderne a besoin d’un méchant. C’est peut-être le cas. Peut-être que dans ces moments-là, aimer son pays signifie être haï par son gouvernement.
Si l’histoire s’avère qu’il en est ainsi, je n’hésiterai pas à être haï. Je n’hésiterai pas à porter ces accusations d’infamie pour le reste de ma vie comme un devoir civique, pour permettre à quelques rares personnes de pouvoir qui n’ont pas osé le faire elles-mêmes à m’utiliser comme une excuse pour corriger ces erreurs.
Mon intention, que j’ai évoquée quand tout a commencé, est d’informer le public sur ce qui se fait en leur nom et ce qui se fait contre eux. Je maintiens mon engagement à ce sujet. Bien que les journalistes et les responsables puissent ne jamais y croire, je n’ai fourni aucune information qui pourrait nuire à notre peuple – agent ou pas – et je n’ai aucune intention de le faire.
En outre, aucun service de renseignement – pas même le nôtre – n’a la capacité de compromettre les secrets que je continue à protéger. Bien que les médias n’en ont pas parlé, une de mes spécialisations est d’enseigner aux agents des services de renseignement de l’armée comment éviter que de telles informations soient compromises même dans les environnements de contre-espionnage les plus menacés (à savoir la Chine).
Vous pouvez avoir l’esprit tranquille en sachant que je ne pourrais être forcé de révéler cette information, même sous la torture.
Avec mes remerciements pour votre service à la nation que nous aimons tous les deux,
Edward Snowden.
Glenn Greenwald
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/jul/16/gordon-humphrey-email-edward-snowden