La rencontre, modérée par les historiens Mohamed El-Korso et Daho Djerbal, était un moment fort en émotions transmises par des témoignages poignants, empreints à la fois de mélancolie, de nostalgie mais beaucoup de fierté.
La fierté d’avoir des racines émanant d’un pays dont le peuple n’a jamais accepté l’humiliation et toujours défendu sa dignité. La peur de l’inconnu, le mal du pays, les conditions difficiles de la traversée de l’océan, l’affreux sentiment de solitude, la faim, la nudité, à savoir la maltraitance dans toutes ses dimensions, ont été évoqués par les intervenants pour dire toute la “situation déshumanisante” imposée à ces Algériens condamnés à un exil définitif et dont le nombre avoisinait les 2.000.
Parler des déportés Algériens et d’autres pays maghrébins en Nouvelle-Calédonie est un devoir de mémoire et une manière de dénoncer le processus colonial qui visait à déraciner des peuples et effacer leurs repères familiaux, se sont accordé à dire les participants à cette rencontre-hommage, placée sous le thème “Caledoun : de l’exil définitif à une identité recomposée”.
“Ce n’est pas la classification des formes de déportation qui compte le plus aujourd’hui, mais c’est plutôt la misère, la souffrance et le mépris infligés à l’encontre de ces victimes.
Les déportés Algériens et arabes en Nouvelle-Calédonie, méritaient-ils autant de souffrance et d’acharnement ?”, s’est indigné le chercheur en histoire et descendant de déportés, Louis-José Barbançon.
Après avoir présenté des données historiques, juridiques et statistiques sur les déportés durant la période 1864-1931, l’orateur a relevé que l’administration coloniale française a “abusé” de la peine de déportation pour en faire “une véritable machine de répression”, qualifiant ce genre de condamnations de “sentences iniques” meublés de facteurs d’incompréhension au regard de droit pénal français.
Taïeb Aïfa, fils de déporté de la 1ère génération et maire de Bourail (province sud de la Nouvelle-Calédonie), a rappelé les conditions de la déportation de ces hommes qui étaient “usés” à la fin de leur peine, en évoquant la “grande tristesse” qui les envahissait, origine d’un “mutisme douloureux” pour certains, a-t-il insisté.
Il a aussi rappelé l’attachement des ces exilés à leur religion et l’esprit de partage et d’entraide qui les habitait. Pour lui, le rapprochement des descendants des déportés de l’Algérie, dont le déclic a été donné à partir des années 80 à la faveur d’un article de presse puis renforcé à travers une série d’émissions télévisées réalisées par Said Oulmi et produites par Fatiha Si Youcef, leur a permis de renouer avec leur pays d’origine.
“Maintenant, nous savons qui nous sommes et où nous allons”, a indiqué Taïeb avec émotion et fierté, en affirmant que les retrouvailles avec leurs proches, dans différents coins du pays, “resteront gravées à jamais dans (leurs) cœurs et mémoires”.
“Nous avons retrouvé nos racines. Nous avons la fierté d’être des Algériens et de porter des noms et prénoms communs à notre pays d’origine. Parler de nos grands-pères déportés est un combat pour l’existence. C’est sauver une mémoire”, a-t-il dit. (APS)