Des assises ferroviaires avaient été convoquées une première fois en décembre 2011, par la ministre de l’écologie de l’époque, Nathalie Kosciusko-Morizet et le ministre des transports, Thierry Mariani. Ces assises ferroviaires avaient été composées de 4 commissions, avec pour objectif de réfléchir à un nouveau cadre social pour le système ferroviaire Français. L’objectif a été de préparer l’ouverture totale à la concurrence de 2019. Le 22 avril 2013, deux nouveaux rapports ont été présentés dans le cadre de ces réformes ferroviaires. Le premier rapport a été étudié par Jean Louis Bianco, ancien ministre des transports, le second par Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays de la Loire et président de la commission transport et infrastructure.
Le président de la SNCF, Guillaume Pépy, ainsi que le ministre actuel délégué aux transports, Frédéric Cuvillier, ont réitéré leurs souhaits d’une « concurrence équitable », propos évidemment en cohérence avec la « concurrence libre et non faussé » que mettent en avant les institutions européennes. La préparation de l’ouverture totale du système ferroviaire à la concurrence d’ici 2019, poursuit son chemin destructeur du service public.
Le gouvernement a l’objectif de faire éclater la SNCF en trois EPIC (établissement public industriel et commercial). Le premier EPIC a été baptisé « établissement mère » qui rassemblera la direction de l’entreprise ainsi que les ressources humaines. Le deuxième a été baptisé « transporteur » et il sera constitué de la conduite des trains, du commercial, de la maintenance du matériel. Le dernier a été baptisé « gestionnaire infrastructure unifié (GIU) » et il rassemblera RFF (réseaux ferrés de France) ainsi que l’infrastructure (travaux des voies, caténaires, bâtiment etc.). Les deux premiers EPIC seraient dotés d’un conseil d’administration et il rassembleraient 95% des cheminots. Le dernier EPIC serait doté d’un conseil de surveillance, le tout sous la férule d’un haut comité composé de différents acteurs du système ferroviaire.
Le rapport a aussi proposé la création d’un « contrat de performance », avec contrôle du parlement, l’objectif étant de revenir à un équilibre économique sur dix ans. Car, selon le gouvernement, la dette de RFF s’élèverait actuellement à 32 milliards d’euros, alors que celle de la SNCF s’élèverait à 8 milliards d’euros. La dette s’accroît de 1,5 milliards d’euros par ans. Le gouvernement refuse de reprendre la dette qui n’a d’ailleurs pas été accumulée à cause des cheminots ou de la SNCF. Cette dette provient de la création des lignes TGV qui ont été créées entre 1970-1980. Dans ce rapport les présidents de la SNCF et de RFF ont estimé qu’ils pourraient contribuer à la réduction du déficit annuel à hauteur de 500 millions d’euros sur cinq années. L’État a perçu en 2012 de la SNCF un dividende de 209 millions d’euros et a perçu en impôts 338 millions d’euros.
Voici les déclarations du délégué du personnel CGT cheminot à Paris- saint- Lazare :
« La réforme ferroviaire annoncée par le gouvernement ? Nous ne pouvons rien en attendre de bon, car c’est toujours la mise en œuvre des directives européennes. En 2019 ce devrait être la concurrence totale. Il faut continuer à se mobiliser comme pour le retrait de l’accord national interprofessionnel. Nous n’avons pas chassé Sarkozy pour voir la même politique ».
La CGT considère ces réformes comme la plus grande attaque depuis la création de la SNCF en 1937. La CGT a aussi proposé un projet de réforme intituler « la voie du service public » :
- la création d’un EMA (établissement multi-spécialités), composé de cheminots aux statut mis aux services de l’ensembles des activités ferroviaires.
- reprise de la dette par l’État.
- disparition de RFF et réintégration dans une SNCF unifié.
- maintien du statut pour tous les cheminots et des recrutements au statut.
En ce qui concerne les investissements, le rapport prévoit de continuer la rénovation du réseau Transilien (RER, etc.…), au détriment de la construction de nouvelles lignes. Dans son rapport, Jacques Auxiette, a présenté 42 propositions dont celle-ci :
« Les régions, en tant qu’autorités organisatrices des transports ferroviaires de proximités, coordonnent aussi l’intermodalité, qu’elles fixent librement les tarifs des TER, décident de la gestion des matériels et en soient propriétaires, ou encore définissent les investissements à faire dans les gares de proximités ».
En d’autres termes, c’est la régionalisation des transports, des différences de tarifs de trains selon les régions, l’intermodalité (c’est-à-dire l’utilisation de plusieurs modes de transports différents au cours d’un déplacement) qui donnera des incohérences de dessertes de transports selon les régions. C’est la casse du service public qui se place jusqu’à présent sous les mots d’ordre, d’égalité, d’universalité et de continuité. Jusqu’à présent, l’État donne de l’argent à RFF qui est propriétaire des réseaux ferrées Français. RFF investit ensuite une quote-part de cet argent dans la SNCF qui est prestataire de service.
Après ces réformes et l’éclatement de la SNCF en trois EPIC, les cheminots seraient rattachés progressivement à des conventions collectives proches de celles du bâtiment. Les agents de la SNCF ont un statut unique (cheminot), qui est issu d’une loi de 1940. Après ces réformes, c’est toute la réglementation des conditions du travail, ainsi que leurs statuts qui risquent de disparaître. Il y a aussi les « contractuels » qui n’ont pas le statut de cheminot mais qui subiront aussi ces changements sociaux.
Ces cheminots sont soumis à des horaires décalés, 3x8, travail de jours, de nuits, le week-end, jours fériés, astreintes, mobilités forcées qui entraînent des ruptures avec le noyau familial, les recrutements difficiles, et des visites médicales très rigoureuses. Pourtant, le principal objectif de ces cheminots a toujours été la qualité de notre service public. La Poste, les hôpitaux, EDF, SNCF, GDF, France Télécom etc., les institutions européennes et leurs directives détruisent nos services publics. Le réseau ferroviaire français comporte près de 31.000km de voies ferrées. Jusqu’à maintenant les trois mots d’ordres de la SNCF concernant la maintenance de ses sillons étaient « confort régularité-sécurité ».
Pourrait-on entretenir près de 31.000 km de voies ferrées, si, à terme, le système ferroviaire était privatisé ?
Les travaux de l’infrastructure SNCF (voies ferrées, bâtiment, caténaire, etc.…) ont été depuis quelques années déjà, ouverts à la concurrence. Ces cheminots du service électrique, du service mécanique (entretien des moteur d’aiguillage etc.), les agents caténaires, les agents des voies ferrées, les agents des télécoms, les agents du bâtiment, agent conducteur d’engin etc., furent les premiers à observer l’arrivée sur les marchés des entreprises privées. Certaines de ces entreprises ont leur place dans le CAC 40 et elles intègrent les marchés avec leurs sous-traitances. L’infrastructure SNCF présente des « appels d’offres » pour effectuer des travaux (renouvellement de voies, création de gare, travaux à quai etc.) et c’est l’entreprise la moins cher qui décrochera le contrat.
Les missions des cheminots étaient la maintenance, l’entretien, la réparation des installations ferroviaires sur les voies ferrées et ses abords. A présent ce sont les ouvriers du privé qui se sont substituées aux cheminots. Ces derniers ont été placés à l’encadrement des ouvriers de ces entreprises. Pourtant, les cheminots détenaient un savoir-faire et des capacités techniques acquises après plusieurs décennies.
Alors pourquoi faire appel à des entreprises privées, alors que les cheminots détiennent les mêmes capacités techniques ?
Les ouvriers de ces entreprises privées sont soumis à un rythme de travail très difficile. Ils travaillent sur les voies ferrées au milieu des circulations ferroviaires et parfois sans aucune formation. Beaucoup de ces ouvriers n’ont pas de contrat de travail stable, car intérimaire ou en CDD. Les journées de travail sont très longues, quasiment pas de pause et ils reçoivent des ordres très durement émis. Évidemment que ces ouvriers ont des droits, mais beaucoup de ces ouvriers ont des titres de séjours renouvelables. Cela procure à leurs employeurs une flexibilité qui leur permet d’exploiter au maximum leurs forces de travail. Évidemment, les salaires de ces ouvriers restent très faibles.
Un cheminot a présenté une discussion qu’il a entretenue avec un dirigeant de la SNCF. Ce dernier lui aurait présenté les propos suivants :
« Le problème avec les cheminots, c’est que dès qu’ils commencent une journée de travail, c’est toute la journée qui doit être payée. Pour les rapports de productivité, c’est un problème ».
Le service public coûte plus cher que le privé... évidemment.
En 2009 L’ARAF ( autorité de régulation des activités ferroviaires), a été créée par la loi 2009-1503 du 08 décembre 2003. Cette entité est une autorité publique indépendante, avec pour mission de contrôler le bon déroulement de l’ouverture à la concurrence. L’ARAF est placé sous le contrôle du Parlement et détient un pouvoir de sanction. Les lignes internationales de trains voyageurs ont été ouvertes à la concurrence depuis 2009. Depuis le 11 décembre 2011, Thello, une compagnie Italienne de transport voyageur fait régulièrement des trajets Paris-Italie. Thello est une compagnie privée et ses trains sont des trains « couchettes ». Ses trains voyagent donc de nuit, et ils effectuent le trajet entre Paris gare de Lyon et Venise-Santa Lucia. C’est une compagnie Italienne mais son siège social se situe à Paris. Ses actionnaires sont Trenitalia à 67% et Veolia Transdev à 33%. En 2012 la compagnie Italienne a réalisé un chiffre d’affaire de 30 millions d’euros. Les compagnies Air France-KLM et Veolia ont d’ores et déjà annoncé qu’elles seront concurrentes de la SNCF. Ces deux compagnies sont en discussion avec Alstom pour obtenir l’AGV (automotrice à grande vitesse), capable de rouler à plus de 350 km/h. Plus rapide, plus vite… vers la course aux profits.
Que cela soit dans le service public ou dans les entreprises privées, les ouvriers sont exploités et humiliés. Ce sont toujours les mêmes parasites qui s’enrichissent pendant que d’autres s’appauvrissent.
Ces rapports serviront de base au gouvernement pour établir un projet de loi qui sera présenté au Parlement au mois de juin.