RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Qui garantit notre sécurité alimentaire ?

On nous dit que notre alimentation n’a jamais été aussi sûre qu’aujourd’hui, que les aliments n’ont jamais été aussi contrôlé jusqu’à maintenant. Cependant, de manière périodique surgissent de nouveaux scandales alimentaires, le dernier en date étant celui de la viande chevaline.

L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments est, théoriquement, chargée de veiller à la sécurité sanitaire de ce que nous mangeons. Mais qu’y a-t-il derrière cette agence qui joue un rôle clé dans l’autorisation de milliers de produits, comme les pesticides, les transgéniques et les additifs alimentaires qui finissent dans nos assiettes ? Voyons cela d’un peu plus près.

L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments se présente sur sa page Web comme «  la pierre angulaire de l’Union européenne (UE) pour ce qui concerne l’évaluation des risques relatifs à la sécurité des aliments ». L’Autorité a été créée en 2002 à la suite d’une série de scandales comme celui de la «  Vache Folle » à la fin des années 1990. Son objectif : améliorer la sécurité alimentaire, restaurer et maintenir la confiance dans l’approvisionnement des aliments. Selon ce qu’elle indique, son engagement est «  d’offrir des avis scientifiques de manière indépendante et objective ». Vraiment ?

La Cours des Comptes Européenne ne semble pas d’accord avec ces affirmations comme il en ressort de son rapport «  Management of conflict of interest in selected EU Agencies » [Gestion des conflits d’intérêts dans les Agences de l’UE sélectionnées], de septembre 2012 et dans lequel on affirme que l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments, ainsi que trois autres agences européennes analysées, «  ne gère pas de manière adéquate les situations de conflit d’intérêts ». Le rapport ajoute que ces «  risques de conflits d’intérêts sont incrustés dans les structures mêmes de ces agences (…) et dans la dépendance envers les recherches réalisées par l’industrie ». C’est clair comme de l’eau de roche.

En guise d’anecdote, les conclusions du rapport de la Cours des Comptes Européenne contrastaient avec les éloges contenus dans l’évaluation réalisée peu de temps avant par une société d’audit privé Ernst&Young, qui fut bien entendu engagée par cette même L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments.

Mais les critiques concernant l’absence de neutralité de l’Autorité ne sont pas neuves. Les organisations «  Corporate European Observatory » et «  Earth Open Source » ont publié, en février 2012 à l’occasion du dixième anniversaire de l’institution, un rapport au vitriol intitulé «  Conflicts on the menu : a decade of industry influence at the European Food Safety Authority » [Conflits dans le menu, une décennie d’influence de l’industrie sur l’ L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments]. Dans ce travail de recherche, on remet en question l’indépendance de l’Autorité et on souligne les liens étroits entre ses experts et les entreprises du secteur.

Quelles sont les conséquences de tout cela pour les consommateurs ? On peut trouver un exemple dans la régulation des produits alimentaires. Quand une entreprise veut introduire une nouvelle substance ou un produit dans le marché, elle doit présenter à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments et aux institutions de l’Union européenne un dossier sur l’évaluation du risque sanitaire de ces produits. A la demande de la Commission européenne, un panel de scientifiques de l’Autorité examine ce dossier et publie une opinion scientifique à partir de laquelle les représentants des États membres prennent une décision. Le problème c’est que, fondamentalement, l’Autorité base ses évaluations sur des études menées à bien par l’industrie elle-même, qui espère bien entendu retirer de juteux profits avec la commercialisation de ses produits. Les rapports scientifiques indépendants ne sont pas pris en compte. En conséquence, ce mécanisme favorise sans l’ombre d’un doute les intérêts des grandes industries du secteur au détriment des intérêts sociaux.

Ainsi, selon des rapports scientifiques indépendants, des substances et des produits que nous trouvons dans le marché comme l’aspartame, un édulcorant non calorique, ou le bisphénol A (BPA) dans le plastique des emballages alimentaires, affecteraient négativement notre santé. Ces études n’ont jamais été prises en compte par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments. La situation n’est pas nouvelle. Combien d’études faisant l’éloge des vertus du tabac et financées par l’industrie de la cigarette n’ont-elles pas été réalisées dans le passé ? Elles ne sont plus aujourd’hui, heureusement, que des chiffons de papier.

Derrière le poids de l’industrie, il y a la dynamique des «  vases communicants ». Des employés et des experts de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments finissent, après un certain temps, par travailler dans des entreprises de l’agro-industrie ou de la biotechnologie et vice-versa, ce qui provoque une situation évidente - sauf à leurs propres yeux semble-t-il - de conflit d’intérêts. Les exemples abondent. Suzy Renckens, coordinatrice scientifique du panel sur les transgéniques de l’Autorité a, en 2008, laissé son poste pour celui de directrice du lobby de la multinationale Syngenta pour l’Union européenne. David Carlander, employé de l’Autorité, chargé d’élaborer les lignes directrices pour l’utilisation des nanotechnologies dans les aliments est devenu, en 2011, le directeur du lobby de la Nanotechnology Industries Association à Bruxelles. Laura Smillie, engagée en 2010 par l’Autorité afin de développer de nouvelles lignes de communication sur les risques alimentaires provenait de l’European Food Information Council (EUFIC), un think tank financé par des entreprises de l’industrie agro-alimentaire telles que Coca-Cola, Danone, Kraft Foods, McDonald’s, Nestlé, Unilever.

Dans l’État espagnol, l’Agence Espagnole de Sécurité Alimentaire et de Nutrition semble suivre l’exemple de sa «  grande soeur ». Il suffit de voir le curriculum vitæ de sa directrice actuelle, à ngela López de Sá Fernández, anciennement directrice des affaires et des normes scientifiques chez Coca-Cola Iberia, et qui, pour occuper son nouveau poste à la tête de l’Agence espagnole a demandé un congé sans solde et n’a donc pas démissionné. Un pied des deux côtés. Cela se passe de commentaire.

Dorénavant, quand on nous dira qu’il ne faut pas nous inquiéter, que notre sécurité alimentaire est dans de bonnes mains, nous demanderons : «  de bonnes mains, oui, mais pour qui ? ». Car, au vu de ce qui précède, ces «  bonnes mains » ne le sont certainement pas pour la majorité d’entre nous.

Esther Vivas

*Article publié dans «  Público.es » le 19/03/2013.

**Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera. http://www.avanti4.be/actualite/article/qui-garantit-notre

+info : http://esthervivas.com/francais/

URL de cet article 19919
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Interventions (1000 articles).
Noam CHOMSKY
à l’occasion de la sortie de "Interventions", Sonali Kolhatkar interview Noam Chomsky. Depuis 2002 le New York Times Syndicate distribue des articles du fameux universitaire Noam Chomsky, spécialiste des affaires étrangères. Le New York Times Syndicate fait partie de la même entreprise que le New York Times. Bien que beaucoup de lecteurs partout dans le monde peuvent lire des articles de Chomsky, le New York Times n’en a jamais publié un seul. Quelques journaux régionaux aux Etats-Unis (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

La différence entre l’homme politique et l’homme d’État est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération.

James Freeman Clarke

Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.