RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Désinformation et crise syrienne : La flamme vacillante du « djihad médiatique »

Lakhdar Brahimi était, hier, à Damas où il était arrivé la veille pour sa troisième visite dans la capitale syrienne depuis le déclenchement du conflit, il y a vingt-et-un mois. Médiation internationale oblige, l’émissaire international de l’ONU a été reçu dans la matinée par le président Bachar El Assad. Dans une déclaration à la presse, de retour à son hôtel, le diplomate n’a annoncé rien de nouveau. On ne pouvait pas, du reste, s’attendre de sa part à quelque effet d’annonce au vu du double blocage qui caractérise le conflit. Alors qu’au Conseil de sécurité, les puissances détentrices du veto campent sur leurs positions respectives, sur le terrain des affrontements, la réalité est plutôt celle d’une guerre de position avec basculement erratique dans le mouvement. Les forces gouvernementales n’ont pas complètement affaibli la rébellion et l’opposition armée est de plus en plus tenue à distance. La bataille de Damas qu’elle disait imminente a été stoppée début décembre aux portes de la capitale, dans la banlieue sud et aux alentours de l’aéroport international. A qui profite l’accalmie - même relative - ? Certainement pas aux insurgés, réduits à compenser leur recul militaire par un regain de propagande et de désinformation.

Quel lien entre la mission de Lakhdar Brahimi et la désinformation qui n’est qu’un élément de la guerre psychologique que se mènent tous les belligérants d’un conflit militaire ? Bien qu’une médiation, par respect des usages diplomatiques, se doive d’être tenue à égale distance des parties prenantes d’un conflit, celle de l’émissaire de l’ONU est, depuis quelque temps, « mise à contribution » par certains grands medias occidentaux pour prêter à l’émissaire des intentions dont on peut sérieusement douter qu’elles soient les siennes. Un des relais de cette intox, qui peut tout au plus semer un certain doute chez les profanes en matière de diplomatie, soutient dans son blog sur le Figaro en ligne que Lakhdar Brahimi est porteur d’un message commun aux deux grandes puissances jusque-là diamétralement opposées sur le dossier syrien.

L’Arlésienne de Fabius

A en croire Georges Malbrunot, Washington et Moscou ont chargé le négociateur de dire à Bachar El Assad qu’il ne doit pas se représenter à l’élection présidentielle de 2014 et, qu’entre temps, il doit céder ses prérogatives à un vice-président et un gouvernement au sein duquel siègeront des représentants de l’opposition. On le remarque tout de suite, le journaliste est ici sur la ligne du Quai d’Orsay et de son chef qui n’arrête pas de fredonner l’Arlésienne sur l’effondrement imminent du régime de Damas. L’épisode ne relevant pas de la vie privée, Malbrunot a été détenu en otage en Irak en 2004, en compagnie du cameraman qui l’accompagnait. Leur libération, négociée par les services français, n’a été obtenue qu’après versement d’une rançon de 15 millions de dollars, ce que les autorités françaises ont nié. A soutenir l’insoutenable et à répandre des allégations aussi peu crédibles, il est permis de supposer que Malbrunot n’est pas briefé par le seul Quai d’Orsay. La guerre psychologique et la désinformation, ce n’est un secret pour personne, instrumentalisent la presse mais naissent la plupart du temps chez des officines qui viennent en appui à l’action diplomatique des gouvernements qu’elles servent.

Le matraquage médiatique qui accompagne la propagande djihadiste et l’amplifie semble, toutefois, gagné à son tour par l’essoufflement. Les spécialistes redoutent et connaissent leur effet, l’overdose et la récurrence médiatiques sur un événement déformé ou une vérité travestie et accommodée font naitre des doutes et peuvent inverser l’effet escompté. A fortiori quand, comme c’est le cas en Syrie, des médias alternatifs donnent une autre version des faits et démontent, preuves à l’appui, la mécanique propagandiste actionnée par les capitales occidentales. Il arrive aussi que ce soit l’éthique et la déontologie qui reprennent leurs droits chez des journalistes qui refusent le formatage et brisent des censures suggérées ou imposées. Les médias britanniques, sur ce plan, développent des approches qui tranchent avec celles de leurs voisins, français notamment. L’effort d’objectivité de la BBC, par exemple, fait apparaitre, par comparaison, tout le caractère propagandiste et mensonger d’une chaine de télévision comme « France 24 », totalement alignée sur l’Elysée et le ministère des Affaires étrangères. Pourtant, les deux chaines partagent un statut identique qui les place sous tutelle étatique.

L’approche est également « clivante » dans la presse écrite. Le journal français en ligne Atlantico.fr, qui assume son nom et sa ligne occidentalo-atlantiste vient de se faire l’écho, le 18 décembre, d’un retour de vérité outre-Manche. Aux propos incontrôlés et manipulateurs de Laurent Fabius et du secrétaire général de l’Otan, il oppose le témoignage de Patrick Cockburn, journaliste lauréat de plusieurs récompenses pour ses articles et ses livres sur le Moyen-Orient. Ce dernier, après un séjour en Syrie de 10 jours, décrit une situation en Syrie qui contredit, voire détruit une certaine doxa médiatico-diplomatique, occidentale. « Les Syriens et les diplomates étrangers les mieux informés déclarent, au contraire, que les attaques les plus récentes des rebelles sur la capitale ont été repoussées par une contre-offensive gouvernementale », écrit le journaliste largement cité par Atlantico qui, il y a quelques jours seulement, avait encore une ligne qui n’était pas en contradiction avec l’hystérie ambiante anti-Bachar, anti-russe et en faveur de la rébellion dominée par les islamistes dont beaucoup se comportent en terroristes.

Coup de grâce

Sur l’offensive avortée de la rébellion pour prendre pied à Damas et ses « fulgurances » dans des localités comme Alep, Hama ou Homs, Cockburn apporte l"explication, puisée à bonne source. Pour le journaliste, « Les dernières avancées rebelles qui ont nourri les spéculations à l’étranger sur le fait que le gouvernement syrien serait sur le point d’exploser, sont à expliquer en partie par une nouvelle stratégie de l’armée syrienne qui se retire des avant-postes et des bases indéfendables et concentre ses troupes dans les villes et les villages ». On est donc loin de ces hauts faits d’armes d’une résistance magnifiée, régulièrement célébrée par la presse française.

Un autre titre français, l’hebdomadaire Le Point, ne va pas jusqu’à se dédire mais ouvre ses colonnes à un chercheur spécialiste de la Syrie et dont les analyses sortent des sentiers battus du conformisme auquel se plient les médias français. Pour Fabrice Balanche, les dernières avancées rebelles sont également à attribuer à une stratégie délibérée de l’armée de Bachar el-Assad. « L’armée régulière adopte une méthode de contre-insurrection », explique-t-il au Point.fr. Elle se retire des zones où les populations lui sont hostiles et où elle pourrait donc facilement être la proie des rebelles, pour se replier sur les grandes villes. Diagnostic partagé par Elizabeth Kennedy, représentante à Beyrouth de l’Associated Press, illustre et ancienne agence de presse américaine basée à New York. La journaliste américaine, habituée de la Syrie où elle séjourne régulièrement, estime que Bachar et son gouvernement sont loin d’être finis. Elle appuie son argument sur la puissance de feu du régime syrien et une population de plus en plus nombreuse à le soutenir.

Enfin, il y a eu, à la mi-décembre, ce véritable et plutôt inattendu coup de grâce porté à la propagande des insurgés et des monarchies du Golfe, porté par la publication d’un rapport de l’ONU. « La guerre en Syrie a pris un tour nettement communautaire, avec une opposition manifeste entre la minorité alaouite au pouvoir et la majorité sunnite », estiment les enquêteurs des Nations unies qui ne manquent pas d’attirer l’attention sur « la présence de plus en plus marquée de combattants étrangers (qui) contribuent à aggraver les divisions et risque de provoquer un débordement dans les pays voisins du conflit entre le président Bachar El Assad et les insurgés ».

A. Samil

http://www.latribune-online.com/suplements/international/76532.html

URL de cet article 18776
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

La gauche radicale et ses tabous
Aurélien BERNIER
Le constat est douloureux, mais irréfutable : malgré le succès de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2012, le Front national réussit bien mieux que le Front de gauche à capter le mécontentement populaire. Comme dans la plupart des pays d’Europe, la crise du capitalisme profite moins à la gauche « radicale » qu’à une mouvance nationaliste favorable au capitalisme ! Tel est le paradoxe analysé dans ce livre. Paralysé par la peur de dire « la même chose que Le Pen », le Front de gauche (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Rien n’est aussi stupide que l’intelligence orgueilleuse d’elle-même.

Mikhaïl Bakounine

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.