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Syrie : Un avion turc abattu… implications et conséquences ?

Le Général Amin Hoteit conclut cette dernière analyse par une note d’espoir puisqu’il nous dit croire que, suite aux derniers développements internationaux, les gouvernements occidentaux choisiraient de tenir compte des réalités et admettraient qu’ils n’ont plus le leadership du monde ; ce qui devrait les amener à reconnaître les autres et à dialoguer avec eux sérieusement sans diktats ni arrogance. Gardera t-il cet espoir maintenant que Bruxelles a encore choisi de durcir ses sanctions contre la Syrie et a même estimé, hier, que les médias syriens incitaient «  à la violence contre la population civile en Syrie » et servaient «  d’instrument de propagande au régime » ? [1]. N’est-ce pas là une propagande institutionnalisée qui, après avoir couvert les terroristes sévissant en Syrie avec une cruauté qui dépasse l’entendement, a tenté d’étouffer la voix de tout un peuple qui refuse de plier ? Les politiciens de l’UE devraient être satisfaits, puisque le résultat de leurs efforts ne s’est pas fait attendre. Aujourd’hui et dès l’aube, les médias officiels syriens ont été pris pour cibles et des journalistes syriens ont été sauvagement torturés, avant d’être exécutés [2], pour avoir choisi de défendre leur patrie contre les média-mensonges ; arme redoutable et assassine au service de l’impossible hégémonie d’un Occident qui saccage volontairement ses propres valeurs et les chances de tous ses peuples pour un avenir meilleur. Désormais, il semble que l’un des moyens les plus efficaces pour assassiner une civilisation, quelle qu’elle soit, passe par l’assassinat de ses médias ! [Note de la traductrice, Mouna Alno-Nakhal]

Il ne fait aucun doute que l’avion turc, abattu par l’armée arabe syrienne et qui avait pénétré l’espace aérien syrien, ouvre la porte à une nouvelle étape de la guerre mondiale qui a lieu sur la scène syrienne ; étape dont la compréhension implique de revenir sur les derniers développements internationaux et les récentes déclarations occidentales concernant la Syrie et le Moyen-Orient dans son ensemble, avant de s’arrêter devant les implications et les conséquences d’un tel acte.

L’«  opération de défense militaire », réussie par les forces armées syriennes de défense anti-aérienne, est arrivée suite à une série de prises de positions hostiles de l’Occident, dont la dernière en date fut l’incitation à la rébellion adressée par les États-Unis et la France à l’armée régulière syrienne, doublée d’une invitation à imiter la conduite d’un officier pilote qui a trahi sa patrie et s’est enfui à bord d’un MiG-21 pour devenir un agent mercenaire du renseignement britannique qui a organisé l’évasion et qui l’a réceptionné sur le territoire jordanien dès son arrivée.

Cette atteinte à la souveraineté de la Syrie par les avions turcs s’est produite après la fin des manoeuvres dites de «  l’aigle volant » à laquelle ont participé des forces arabes et de l’OTAN dans l’espace aérien turc, manoeuvres que nous avions considéré comme un message menaçant la Syrie d’un quelconque acte d’agression ; de la même façon que nous avions interprété les manoeuvres désignées par «  le lion en alerte » qui se sont déroulées sur le sol jordanien sous la direction des USA et avec la participation de tous les pays qui influent ou sont influencés par la crise syrienne [3].

D’un autre côté, cette atteinte à la souveraineté de la Syrie a aussi été précédée de l’essai du missile balistique russe qui, comme nous l’avons déjà écrit [4], a véhiculé d’importants messages politiques et stratégiques confirmés par le mouvement de la flotte russe vers Tartous [port syrien], et aussi par les fermes déclarations de la Chine et de l’Iran rejetant toute intervention étrangère militaire ou non-militaire en Syrie. Ces prises de position se sont révélées identiques et concordantes avec celles avancées par Mr Poutine à Mr Obama, puis ont été confirmées par Mr Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, qui a opposé un refus catégorique - au risque de contrevenir aux usages diplomatiques - contre toute intervention militaire étrangère en Syrie avec ou sans résolution du Conseil de sécurité ; parce que c’est de la Syrie que démarrera le nouvel ordre mondial et que ces puissances ne permettront pas qu’une telle agression réussisse à transformer la Syrie en un espace stratégique pour occidentaux, comme le veulent les USA qui ont fait le projet d’un «  Grand Moyen-Orient Américain ». La Syrie doit aller dans la direction qu’elle a choisie, et tenir la place voulue par son peuple, une place primordiale pour la région et pour la sauvegarde de ses droits au sein d’un « Moyen-Orient propriété de son peuple ».

C’est en partant de ce contexte que l’on peut comprendre l’opération de défense aérienne syrienne et saisir ses implications sur l’avenir. Nous commencerons par dire que si l’Occident dirigé par les USA a osé inviter à la rébellion une armée régulière contre son commandement, invitation odieuse et sans précédent, c’est parce qu’il continue de se croire l’unique décideur en ce monde ; celui qui ordonne ce que bon lui semble et exige d’autrui une stricte obéissance. Malgré tous ses échecs et toutes ses pertes au décours de ces deux dernières décennies, et en dépit du changement radical de l’environnement stratégique mondial, il semble qu’il soit incapable d’appréhender la nouvelle donne et s’accroche à ses prétendues prérogatives faisant de lui le «  propriétaire et maître du monde ». C’est cette logique qui fait que les dirigeants Occidentaux s’autorisent à décider de la légitimité de tel dirigeant ou à retirer la légitimité de tel autre ; à envahir et à détruire le pays de leur choix ; à donner le signal de départ d’une révolution contre les autorités légitimes à tel ou tel peuple ; à ordonner à un dirigeant et même à un État de réprimer son peuple qui réclame liberté, justice et égalité entre les citoyens ; la conduite d’un dirigeant n’étant jugée qu’en fonction de sa soumission aux décisions de l’Occident.

C’est dans cet esprit arrogant et colonialiste que Colin Powell s’est rendu en Syrie pour dicter ses exigences en 2003. C’est dans ce même esprit que les USA et la France viennent d’inciter à la rébellion l’armée arabe syrienne en laissant entendre qu’ils étaient prêts à protéger les rebelles par une couverture aérienne confiée, en pratique, aux forces armées aériennes turques ; lesquelles ont vraisemblablement envoyé leurs avions pour tâter le pouls de l’armée arabe syrienne. La réponse de l’armée syrienne est venue toute aussi catégorique que celle prononcée diplomatiquement par le Président Bachar al-Assad en 2003 ; un coup de gâchette sans équivoque possible ; un missile qui abattu l’avion turc et, avec lui, la montagne de délires occidentaux.

Maintenant qu’un missile syrien fabriqué par les Russes a dessiné une identité et un commandement et a abattu un avion turco-otanesque, la scène se présente de la façon suivante :

1. La Syrie est fermement décidée à se défendre et à défendre sa souveraineté par tous les moyens dont elle dispose et ne pliera devant aucune forme d’intimidation ou de chantage. Elle dispose des forces nécessaires à son auto-défense ; la guerre menée contre elle jusqu’ici n’a nullement entamé ces forces et est restée sans aucune incidence sur ses décisions de contre offensive.

2. L’armée arabe syrienne qui ne cède pas sur ses valeurs, qui est disciplinée et cohérente, ne saurait être affectée par la trahison d’un faible perdant ou le prendre en exemple. Par conséquent elle ne se rendra, ni ne répondra à l’invitation de l’ennemi, mais continuera à «  défendre la patrie » comme elle l’a toujours fait. D’où sa réponse éloquente à l’invitation de l’OTAN, dont la chute d’un de ses avions au fond de ses eaux territoriales a relevé le moral des Syriens et a conforté leur confiance en leur armée.

3. La zone d’exclusion aérienne rêvée par certains et telle qu’elle a eu lieu en 1991 lors de l’invasion américaine, les zones sécurisées par l’aviation otanesque, les couloirs humanitaires… ne peuvent se concrétiser. La défense anti-aérienne syrienne est prête, capable, et déterminée. Elle affrontera toute agression comme elle l’a fait pour l’avion turc, ce qui est très mauvais pour le moral de l’ « Armée Terroriste Libre » et le moral de ses hôtes !

4. Qu’un pilote syrien, traitre à sa patrie, se soit enfui est un fait exceptionnel qui ne peut servir de prétexte pour s’imaginer pouvoir négliger les principes de base respectés par l’armée syrienne depuis sa création : honneur, loyauté, patriotisme, et nationalisme. L’avion turc abîmé en mer a rapidement compensé la fuite de l’avion syrien volé, et s’il a été bénéfique pour le moral des syriens, il a plutôt sérieusement atteint celui des terroristes qui commettent leurs crimes en Syrie ; alors que le but recherché par l’opération turque était justement de le ramener au beau fixe une fois qu’il s’était retrouvé au plus bas, suite aux coups portés par les forces de sécurité syriennes.

5. L’usage d’un missile russe pour atteindre un avion turc agresseur, suivi du refus clair de la Russie de fournir une quelconque justification sur ses livraisons d’armes à la Syrie, signifient tout simplement la poursuite du soutien substantiel de la Russie et que c’est là une décision souveraine et indiscutable.

6. Le silence adopté par les politiciens occidentaux deux jours durant après la chute de l’avion, suivi de leurs déclarations confuses, montrent clairement leur stupéfaction incrédule devant l’événement. Il se peut qu’ils aient compté sur la reconnaissance par la Turquie de sa violation de l’espace aérien syrien et, par conséquent, sur le droit de la Syrie à la légitime défense pour justifier leur silence [même si nous savons que l’Occident ne se soucie guère du droit international lorsqu’il va à l’encontre de ses propres intérêts]. En réalité, la vraie raison de ce silence est le constat de la capacité et de la détermination syrienne et, par conséquent, de celle de ses alliés. D’une part, la Syrie peut se défendre en cas d’agression ; d’autre part, ils n’ont pas la capacité ou la volonté d’une confrontation directe bien que la Turquie ait demandé l’application du traité de l’OTAN censé «  l’assister militairement contre la Syrie » ! C’est ainsi que ce silence s’est transformé en un message criant à la Turquie qu’elle se retrouverait seule en cas de confrontation. Dans cette optique, la situation ne devrait pas changer les positions de l’OTAN qui se réunit demain [26 juin : quatre jours après le clash] ; car si l’Occident avait eu l’intention de répondre à la demande de la Turquie, sa réunion aurait eu lieu dans les 24 heures !

7. La réponse sérieuse et décisive de la défense anti-aérienne syrienne va imposer à l’Occident de reconsidérer toutes ses prises de position et ses projets d’agression contre la Syrie principalement basés sur l’idée d’une intervention militaire, de soutien au terrorisme, et de rejet d’une solution pacifique ; alors qu’il sait parfaitement que s’il persiste dans cette voie, la Syrie s’éloignera très loin de sa sphère d’influence.

De tout ce qui précède, nous pouvons déduire que cette dernière opération à mis l’occident face à un dilemme. Soit il choisit l’escalade et risque la confrontation militaire, auquel cas nul ne sait jusqu’où elle le mènerait alors qu’il n’est pas prêt. Soit il reprend ses esprits, tient compte des réalités, admet que les temps ont changé et qu’il n’a plus le leadership du monde ; ce qui devrait l’amener à reconnaître les autres et à dialoguer avec eux sérieusement sans diktats ni arrogance.

Nous croyons que l’Occident tendra plutôt vers ce deuxième choix et que l’OTAN n’optera pas pour la réponse militaire ; ce qui permettrait, si les gouvernements occidentaux ont bien intégré les nouvelles donnes, d’ouvrir la voie de la solution pacifique recherchée par la Syrie et ses alliés. Dans le cas contraire, la confrontation ira vers l’escalade avec de plus en plus de pertes pour l’Occident, car la Syrie est déterminée à assurer la victoire pour son peuple qui soutient son gouvernement et ses autorités, même s’il doit payer le prix fort !

Dr Amin Hoteit
25/06/2012

Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal [Biologiste]

Article original : Al-thawra
http://thawra.alwehda.gov.sy/_kuttab_a.asp?FileName=85697492620120625005453

[1] En Syrie, les médias sont pris pour cible
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/En-Syrie-les-medias...
Extrait : « Les radios et télévisions publiques sont visées par les dernières sanctions européennes, Bruxelles estimant que ces médias incitaient "à la violence contre la population civile en Syrie" et servaient "d’instrument de propagande au régime" ».

NB : Alors que «  La Croix » cite texto la phrase du ministre syrien de l’information : "Tous ceux qui incitent à la violence, tous ceux qui font campagne contre la Syrie, que ce soit des médias, des responsables ou le Conseil de sécurité (de l’ONU), notamment ceux qui ignorent la présence d’hommes armés, assument l’entière responsabilité du crime", a-t-il accusé ; il ne se gêne pas pour titrer : «  Une annonce du gouvernement Syrien stipule que "tout ceux qui font campagne contre la Syrie", médias compris, doivent être "exécutés" !!!

[2] Attaque terroriste contre le siège d’Al-Ikhbariya, chaine officielle syrienne
http://www.youtube.com/watch?v=JBuwkjsyC8g&feature=youtu.be

[3] Syrie : Manoeuvres militaires en Jordanie...simple message ou signes avant-coureurs d’une opération militaire conjointe de 19 pays
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31016

[4] Syrie ou le message d’un missile russe…
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31403

Le Docteur Amin Hoteit est libanais, analyste politique, expert en stratégie militaire, et Général de brigade à la retraite.

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