Généralités
En effet, il devient de plus en plus clair que les maîtres de la guerre impérialiste contre la Syrie veulent, à tout prix, renverser le rapport de force établi en faveur du gouvernement syrien par suite à la chute de l’émirat islamiste de Baba Amr en mars dernier. Toutes les données du terrain, accumulées récemment, indiquent que la crise syrienne se dirige vers une exacerbation militaire menant certainement non à une guerre civile, comme le souhaitent les impérialistes, mais plutôt à l’écroulement du temple de Dagon [1] sur la tête de Samson et des Philistins à la fois.
De la déclaration soupçonnable de l’ONU
Finalement, après quinze mois de violences, de terrorisme et d’ingérences arabo-atlantiques dans les affaires internes de la Syrie, le secrétaire de l’ONU pour les affaires du maintien de la paix, monsieur Hervé Ladsous, a déclaré le 12 juin que la Syrie « est en état de guerre civile » [2].
Pourtant, avant de se laisser prendre par la « constatation glorieuse » de M. Ladsous, il sera mieux d’observer de près ses mots, pour dévoiler ce qui se cache et se prépare pour la Syrie dans les coulisses de l’ONU et de la Sainte-Alliance arabo-atlantique. D’ailleurs, vue de sa surface, la déclaration de M. Ladsous dément, finalement, la propagande arabo-atlantique qui nous éblouit, depuis quinze mois, par des mensonges concernant la nature pacifique et « transcendantale » des « moines-saints » de la prétendue « révolution » syrienne. Malheureusement, après tant de victimes et de sang coulé sur les chemins de la conjuration impérialiste contre la Syrie, l’ONU admet que le conflit se déroule « désormais » entre deux parties armées « des dents jusqu’aux talons ». Honnêtement, M. Ladsous mérite un grand merci de la part du peuple syrien pour sa « constatation glorieuse » ! Cependant, notre état d’exaltation ne tarde pas à s’évaporer, étant donné que tout sentiment d’extase est condamné par sa courte durée. Vue de son profond, cette déclaration cache de mauvaises intentions, et prépare pour des jours sanglants en Syrie.
Premièrement, nous devons partir du fait que depuis le début des violences, la position de l’ONU envers la Syrie était doutée ; et qu’à plusieurs reprises, le secrétaire général de l’ONU, monsieur Ban Ki-moon, a fait des déclarations biaisées concernant ce pays, surtout sa réaction envers les attentats terroristes qui avaient frappé au coeur de Damas. Malheureusement, même si ces attentats terroristes portaient les « empreints digitaux » d’Al-Qaïda [3], M. Ki-moon angélisait les groupes armés de l’ « opposition », qui terrorisaient les civiles, en les traitant d’abord comme « avant-garde » des « révolutions printanières », puis en diabolisant les forces de sécurité qui défendaient le pays contre l’infestation terroriste, enfin en incriminant le président Bachar al-Assad de tous les vices des fils d’Adam. Ainsi, monsieur le secrétaire général s’est précipité à la rencontre de la Sainte-Alliance dans sa campagne contre la Syrie.
Deuxièmement, les multiples visites en Syrie de l’émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe, monsieur Kofi Annan, et le déploiement des observateurs de l’ONU ont été utilisés de la part de la Sainte-Alliance dans le but d’atteindre un seul objectif : offrir aux groupes armés et aux combattants étrangers le temps nécessaire, dont ils avaient besoin, pour qu’ils pussent se réorganiser, s’armer - cette fois-ci lourdement - et s’infiltrer de nouveau dans le pays à travers la frontière avec le Liban et la Turquie. Il faut mentionner ici que le Nord du Liban s’est transformé récemment en une sorte d’émirat salafiste [4], fournissant les insurgés syriens d’un arrière-front sûr et sécurisé [5]. La preuve en est que depuis le cessez-le-feu du 12 avril, les groupes armés ont pris contrôle de grandes parties de la Syrie et du Nord du Liban, et ont réussi à y chasser l’armée syrienne et l’armée libanaise, comme l’a indiqué monsieur Hervé Ladsous [6]. En plus, maintenant que les groupes armés ont renforcé leurs rangs, appuyés par des milliers de terroristes et de mercenaires étrangers, la Sainte-Alliance et sa chouette [7], le Conseil national syrien (CNS), annoncent la mort de l’initiative de M. Annan, sans prendre la peine de l’ensevelir.
Troisièmement, le gouvernement syrien a exprimé son « étonnement » de la déclaration soupçonnée de M. Ladsous, et l’a considérée comme violation de la neutralité attendue des responsables de l’ONU. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères a souligné que la Syrie avait attendu et attend des responsables de l’ONU de traiter avec objectivité et neutralité les derniers développements en Syrie notamment après le déploiement des observateurs internationaux dans la plupart des gouvernorats syriens : « Parler d’une guerre civile en Syrie ne s’harmonise pas avec la réalité et se contredit avec les orientations du peuple syrien, car ce qui se passe en Syrie est une guerre menée contre les groupes armés qui avaient choisi le terrorisme comme voix pour réaliser leurs buts et leur complot contre l’avenir du pays », précise le communiqué [8].
En tenant compte des trois points mentionnés ci-devant, la déclaration de M. Ladsous tombe sous le filet de soupçon.
A quoi bon ces niaiseries et ces mensonges officiels !
Vous connaissez suffisamment la propagande impérialiste pour saisir le ridicule de cette déclaration a priori hostile à la Syrie.
État de guerre ou état de guerre civile ?
En déclarant que la Syrie est en état de guerre civile, le secrétaire de l’ONU crée une image mensongère de ce qui se passe sur le terrain et vise à atteindre plusieurs objectifs :
premièrement, parler d’une guerre civile falsifie la réalité que la Syrie est en état de guerre contre les groupes terroristes d’Al-Qaïda et du wahhabisme ; jadis considérés comme l’ennemi le plus dangereux des puissances occidentales, aujourd’hui vus par ces même puissances comme des « messies sauveurs » des peuples arabes.
deuxièmement, l’emploi du terme « guerre civile » donne l’impression que le gouvernement syrien est tombé et que le régime s’est écroulé. En plus, cet emploi crée une sorte de panique parmi la population syrienne en prétendant que le pays se trouve désormais divisé et déchiré par des groupes belligérants : les « voyous » du régime, d’un côté, et les « saints » de l’opposition, de l’autre côté.
troisièmement, la déclaration de M. Ladsous nie à la Syrie son droit et son devoir - conformes à la loi internationale - à éradiquer le terrorisme et à faire face à la tuerie, à l’enlèvement, aux explosions et aux agressions contre les établissements étatiques et privés. Selon la loi internationale et l’entente initiale avec l’ONU le 19 avril 2012, il est du devoir des autorités syriennes « de faire face à ces crimes et d’imposer leur autorité sur tous les territoires syriens » [9] .
quatrièmement, cette déclaration offre à la Sainte-Alliance une excuse tant attendue pour intervenir militairement en Syrie sans revenir au Conseil de sécurité ; tout en justifiant son agression en déclarant que la situation en Syrie ressemble, du côté humanitaire, à celle de Bosnie dans les années 90. Ceci crée, en effet, un scénario hollywoodien qui permettrait à l’OTAN et à ses alliés arabiques - les monarchies despotiques obscurantistes de la péninsule Arabique - d’intervenir sous le prétexte douté de « Responsabilité de protéger » (R2P).
Tragiquement, l’application d’une telle responsabilité en Libye a entraîné à la démolition totale du pays et à son retour à l’âge de la pierre [10].
cinquièmement, dire que la Syrie est entrée en état de guerre civile vise d’une part à « démentir » le fait que la majorité du peuple syrien soutient son gouvernement dans sa guerre contre le terrorisme, et d’autre part à donner l’impression que les Syriens se déchirent par leurs appartenances ethniques, religieuses et confessionnelles ; ce qui préparerait au découpage de la Syrie en plusieurs États-Religions, États-Confessions et États-Ethnies.
sixièmement, en tenant compte des points mentionnés ci-devant, la Sainte-Alliance arabo-atlantique se trouverait libérée de toute obligation envers la loi internationale, et se donnerait le droit d’envoyer ses arsenaux et ses mercenaires directement aux groupes armés, sans craindre la « colère » de Zeus de l’ONU, monsieur Ban Ki-moon, sous prétexte que l’État syrien se serait écroulé, et que les « voyous » alaouites du régime auraient égorgé la majorité sunnite ; un scénario qui avait été bien joué en Somalie, en Bosnie et au Kosovo. A fortiori, les groupes armés ont déjà reçu, au cours des deux derniers mois, des armes modernes et sophistiquées, anti-char et anti-avion, ainsi que des batteries d’artillerie lourde, en provenance des monarchies obscurantistes arabiques et des puissances impérialistes, dans le but de détruire la suprématie de l’armée syrienne [11], ce qui permettrait aux groupes terroristes d’occuper et de maintenir des « zones libres » tout au long de la frontière avec le Liban et la Turquie, et à proximité des grandes villes, surtout aux rifs de Damas et d’Alep [12].
Nous trouvons utile d’ouvrir ici les parenthèses et de nous demander pourquoi la Sainte-Alliance arabo-atlantique n’applique pas sa « Responsabilité de protéger » (R2P) lorsqu’il s’agit de l’égorgement du peuple palestinien par la soldatesque israélienne ? Nous fermons les parenthèses.
La Syrie en état de guerre contre le terrorisme
Tout le monde sait maintenant qu’une nouvelle « Sainte-Alliance » a été conclue il y a déjà une quinzaine de mois entre l’impérialisme étasunien, le colonialisme européen, l’islamisme turc et l’obscurantisme arabique. Les principes divins d’une telle alliance ont été déjà appliqués dans la campagne arabo-atlantique contre la Syrie. L’âme éternelle de cette alliance de messies libérateurs c’est l’absolutisme arabique. En revanche toute la campagne politique et diplomatique, ainsi que l’armement des groupes terroristes et l’infiltration des milliers de mercenaires dans le territoire syrien se reposent sur les épaules des émirats et sultanats arabiques. Ajoutons à ces efforts de guerre, l’expulsion des ambassadeurs syriens des pays occidentaux [13], les sanctions économiques occidentales et arabiques contre le peuple syrien [14], les menaces d’intervention militaire, la propagande arabo-atlantique contre le gouvernement syrien, les attentats et les massacres terroristes contre les civils et les établissements de l’État, nous pourrions en citer encore des douzaines, sans parler des attaques terroristes contre les communautés minoritaires à l’instigation de l’agitation sectaire religieuse et confessionnelle, diffusée par les médias arabiques, tous ceux-ci constituent des actes de guerre contre la Syrie et le peuple syrien.
Dans ce contexte, Faisal al-Qudsi, fils de l’ancien chef d’État syrien Nazim al-Quds, affirme que les sanctions économiques ne touchent pas seulement le régime mais tout le pays : « Depuis avril, il n’y a plus de tourisme, cela représentait 15 % du PIB. Depuis novembre, les exportations de pétrole ont cessé, et cela représentait 30 % du PIB. A cause des sanctions sur les produits exportés par la Syrie, ces produits peuvent seulement être exportés en Jordanie, en Irak et au Liban » [15] , détaille dans une interview à BBC World Service.
Toutes les données mentionnées ci-devant indiquent que l’objectif principal de la Sainte-Alliance arabo-atlantique est de détruire la Syrie et de la découper en plusieurs pièces de puzzle ethnique et religieux.
Le sort du village de Macondo
Ceci dit, il nous reste à dire aux naïfs du monde arabe qui se laissent prendre comme des marionnettes aux mains des puissances impérialistes, qui croient et se font croire encore que le conflit en Syrie se déroule vraiment entre des messies libérateurs de la prétendue « révolution » syrienne et des démons du régime, nous leur disons : « Dormez-vous bien ! Ayez de beaux rêves ! Demain, vous vous rendrez compte avec Aureliano [16] que tout était prédit dans les parchemins de Melquiades [17], et que l’histoire du soi disant « Printemps arabe » était déjà écrite à l’avance dans les coulisses de l’impérialisme mondial ; vous comprendrez alors que votre propre histoire, faisant partie de l’histoire de l’humanité, s’achève là et avec vous ; c’est le sort du village de Macondo [18].
Fida Dakroub, Ph.D.
Pour communiquer avec l’auteure : http://bofdakroub.blogspot.com/
Docteur en Études françaises (UWO, 2010), Fida Dakroub est écrivaine et chercheure, membre du « Groupe de recherche et d’études sur les littératures et cultures de l’espace francophone » (GRELCEF) à l’Université Western Ontario. Elle est l’auteur de « L’Orient d’Amin Maalouf, Écriture et construction identitaire dans les romans historiques d’Amin Maalouf » (2011). Fida Dakroub est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.
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