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Québec : Retour sur cent-vingt jours de grève étudiante

Contre le Courant-Québec


Source : http://www.ccr4.org/Retour-sur-cent-vingt-jours-de-greve-etudiante

Ce n’est plus seulement la question de frais de scolarité à l’université que les étudiant-e-s du Québec sont en train de remettre en cause. C’est le gouvernement libéral de Jean Charest et ses lois antisociales et liberticides qu’ils sont en train de défier. Nous revenons dans cette interview sur plus de cent jours de grève avec des camarades qui militent autour du bulletin Contre le courant.

Pouvez-vous nous dire ce qu’est la CLASSE, l’organisation la plus radicale qui est à la pointe du mouvement étudiant aujourd’hui ?

La CLASSE est une coalition qui est née autour de l’ASSÉ, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante. Elle a vue le jour pour permettre la création d’un mouvement large contre la hausse des frais de scolarité. L’ASSÉ a été fondée en février 2001. Elle faisait suite à la volonté du mouvement étudiant de disposer d’une association nationale plus combative. 2001, c’était aussi l’année des manifestations anti-globalisation contre le Sommet des Amériques à Québec et la mise en place de la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA), qui a fait long feu d’ailleurs. Le mouvement étudiant, alors, était partie prenante de la vague plus large d’opposition à ce que l’on appelait la « globalisation capitaliste ». C’est à ce moment que l’ASSÉ a pu consolider certaines de ses bases.

Au cours des années suivantes, plusieurs associations facultaires ont remis en question le rôle de la FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec, pour promouvoir la nécessité de s’organiser sans elle. En se désaffiliant des fédérations qui ne les représentaient pas, les étudiants ont fait un pas en avant pour mettre sur pied une association qui se réclame du syndicalisme de combat. En effet, l’ASSÉ considère l’éducation comme un droit et non comme un privilège. C’est pourquoi elle lutte pour une éducation gratuite, publique, laïque, de qualité, accessible et non-discriminatoire et ce, à tous les niveaux scolaires.

La première épreuve de l’ASSÉ a été la grande grève étudiante de 2005 qui a tenu tête au gouvernement libéral de Jean Charest qui prétendait annuler les 103 millions de bourses financières pour les transformer en prêts étudiants. Cette mesure allait augmenter grandement l’endettement étudiant. La grève générale a débuté et les étudiants sont descendus dans la rue. A la différence ce de qui se passe actuellement, en 2005, les fédérations étudiantes ont négocié dans le dos du mouvement, avec le gouvernement, sans inclure l’ASSÉ (qui s’appelait CASSÉ à l’époque). Elles ont même appelé clairement à cesser le conflit, sans en référer aux assemblées générales.

Depuis lors, l’ASSÉ s’est renforcée. Elle est devenue une organisation reconnue par le mouvement, notamment face aux directions étudiantes réformistes, modérées, qui n’ont pas hésité, de par le passé, à poignarder le mouvement étudiant dans le dos. L’ASSÉ a dénoncé, depuis le début, l’intention du gouvernement Charest d’augmenter les frais de scolarité et elle a commencé à préparer la mobilisation. A la fin de l’année 2011, l’ASSÉ a donc impulsé la CLASSE en tant que grande coalition pour représenter les grévistes. En effet, depuis le début du mouvement, la majorité des grévistes sont membres de cette coalition et elle réunit l’aile la plus combative et la plus radicale du mouvement étudiant. La CLASSE est une coalition qui se réclame de la démocratie directe, où les décisions sont prises en Assemblée générale. Ce sont des porte-paroles qui parlent aux médias et au gouvernement et non pas un président ou une présidente, comme dans le cas des fédérations. De plus, cette coalition se réclame du féminisme, contre toutes les discriminations, et s’inscrit dans une lutte ouverte contre l’État.

Quel est la répercussion du mouvement étudiant sur la société québécoise ? Quel a été l’impact sur le mouvement ouvrier organisé en tant que tel ?

Depuis plus de cent jours, la grève fait partie du quotidien de dizaine de milliers de personnes. Le débat ne se limite plus aux frais de scolarité. Il s’est transformé en un débat de société où le gouvernement est remis en question. Désormais, C’est la tête de Charest qu’on réclame. Suite au dépôt de la loi 78 qui restreint le droit de manifester, la population est descendue dans la rue, à grand renfort de casseroles, pour montrer son ras-le-bol. Les gens sortent le soir et se regroupent aux coins de rue. Ensuite, tous ces groupes se réunissent et marchent ensemble. Dans plusieurs quartiers de Montréal, des manifestations se produisent conjointement et le mouvement prend de plus en plus d’ampleur. Désormais, ce sont les principales villes du Québec qui sont touchées. Hier soir [le 5 juin], il y a même eu une grosse manif de solidarité à Toronto, la plus grosse ville du Canada, dans la partie anglophone. La lutte et le mouvement ne sont plus seulement étudiants. La population s’est unie dans un ras-le-bol collectif contre le gouvernement.

D’autre part, le mouvement étudiant s’est solidarisé avec d’autres mouvements sociaux. Il a soutenu les travailleurs de Rio Tinto-Alcan dans leur lutte contre le lock-out. Il a aussi manifesté avec les plusieurs groupes autochtones et nations indiennes contre le Plan Nord de Charest qui prétend ouvrir les territoires québécois aux entreprises minières et forestières. Il a bloqué la Bourse avec la « Coalition » opposée à la tarification des services publics. Il a reçu l’appui des travailleurs lors de chacune des manifestations. Une unité sans précédent s’est forgée tout au long de ces derniers mois. Parler du mouvement étudiant, c’est parler d’un avant et d’un après dans l’histoire du mouvement social au Québec. C’est incroyable de trouver des gens qui disent : « On en avait beaucoup laissé passer, mais aujourd’hui, les étudiants parlent pour nous : ça suffit ! On a retrouvé notre dignité dans la rue ».

Ce qu’il faut, maintenant, c’est que le mouvement soit en capacité de transformer l’unité de facto en un mouvement plus large où les salariés, les jeunes, les nations autochtones, les migrants et le peuple tout entier puisse s’organiser pour lutter et imposer ses revendications.

Plus de cent jours après le début de la grève, quelles sont les perspectives ?

Les étudiant-e-s ont montré une très forte détermination. Ils veulent gagner et c’est sûr que la grève et la mobilisation se poursuivront. Jusqu’à ce présent, le mouvement étudiant a joué un rôle de catalyseur du mouvement populaire. Mais il doit se doter d’une stratégie politique pour que la lutte mène à la victoire. Cela passe par la consolidation d’une unité avec les travailleurs. Ces derniers, avec leurs méthodes de lutte, ont le pouvoir d’arrêter l’économie, de remettre en question le régime bourgeois, de tout paralyser pour mettre en échec les patrons et les politiciens qui sont à leur service. C’est vrai que les étudiants ont une certaine réticence par rapport au rôle que jouent les fédérations syndicales parce qu’ils se sont aperçus qu’elles ne représentent plus les intérêts de la base. Et c’est exactement cela qui arrive, mais la conclusion ne doit pas être : « les syndicats ouvriers ne fonctionnent plus ». Le mouvement étudiant doit aider les travailleurs à lutter pour récupérer leurs organisations, en expulser bureaucratie, et rétablir la démocratie ouvrière. On oublie souvent que la démocratie directe et horizontale, la pleine démocratie en assemblée, l’élection directe des représentants qui répondent au mandat des bases, leur révocabilité, etc, sont des legs de la tradition de lutte de la classe ouvrière. Les étudiants doivent aussi comprendre que la corruption qui existe au sein d’une fraction de la classe ouvrière est liée aux privilèges que le Canada maintient, du fait qu’il s’agit d’un pays impérialiste, qui a réussi son industrialisation au détriment des pays pauvres, en raison d’une politique coloniale qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui, grâce aux entreprises transnationales canadiennes, grâce à ses entreprises multinationales minières par exemple, qui sont présentes aux quatre coins du monde.

La lutte étudiante est à un tournant aujourd’hui. Charest va-t-il céder ?

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Charest est droit dans ses bottes et campe sur ses positions. Avec la loi 78, il voulait écraser définitivement le mouvement, mais il n’y a pas réussi. Les étudiants vont poursuivre la grève. Mais nous sommes persuadés que tout dépendra, au final, de la capacité des autres forces sociales, avec lesquelles le mouvement étudiant a un rapport, à avancer et à occuper le devant de la scène politique. Nous pensons notamment à la question des travailleurs.

Au moment où nous parlons, Charest a commencé à s’attaquer au syndicat des travailleurs de la construction. C’est en fait une attaque en règle plus globale contre l’ensemble du mouvement ouvrier organisé. La Fédération des Travailleurs du Québec (FTQ)-Construction menace de lancer un mot d’ordre de grève générale illimitée contre l’ingérence de l’Etat dans ses affaires internes. Un affrontement plus large donc, avec les salarié-e-s dans la rue, les étudiants, les peuples autochtones, les classes populaires, tous ensemble, voilà qui pourrait forcer le gouvernement à reculer totalement. Pour cela cependant, il faudrait que le mouvement étudiant puisse discuter et lancer un appel allant dans ce sens.

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Quel est le rôle que vous entendez jouer, avec votre journal, Contre le courant ?

Avec les forces modestes dont nous disposons, c’est précisément pour la perspective dont nous parlions que nous voulons nous bagarrer. C’est dans ce sens que vont les propositions que nous avons faites dans notre petit journal de lutte. Il faudrait que les étudiant-e-s les plus radicaux et combatifs puissent se regrouper au sein d’une organisation afin de défendre un programme révolutionnaire pour gagner la grève. Une telle organisation fait cruellement défaut. C’est pour cela que nous pensons que la grève actuelle est aussi une occasion pour lutter pour une refondation du marxisme révolutionnaire au Québec.

Montréal, 06/06/12.

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