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Au Venezuela, une campagne présidentielle en suspens

"Au revoir, peuple vénézuélien, je m’en vais à La Havane. Je reviens dans quelques jours", déclarait le président Chávez depuis l’aéroport international de Maiquetà­a, situé en banlieue de Caracas. Il annonçait ainsi à ses compatriotes un nouveau cycle de radiothérapie, tout en rassurant ses partisans : "Tous les signes vitaux réagissent bien. Grâce à l’amour que me donne le peuple, je continue la lutte".

Lors de son avant-dernier déplacement à Cuba, des manifestations de masse s’étaient déroulées dans toutes les régions du pays pour lui souhaiter un prompt rétablissement. La campagne électorale débutant officiellement début juillet, soit trois mois avant l’élection, elles ont aussi permis aux militants du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) de faire une première démonstration de force.

La santé du président vénézuélien a fait couler beaucoup d’encre dans la presse nationale et internationale. Sera-t-il ou non candidat ? Le PSUV aurait-il un plan B ?

Lorsque Chávez a annoncé son cancer le 30 juin 2011, la nouvelle a provoqué une onde de choc. On avait beau citer les précédents historiques de François Mitterrand, de Fernando Lugo ou de Dilma Rousseff qui, malgré cette maladie, ont continué d’exercer le pouvoir, la blessure n’en était pas moins profonde. Car Hugo Chávez a rappelé une évidence que ses partisans avaient quelque peu oubliée : il est un être humain, et comme tout être humain, il est mortel.

Sa maladie a indirectement ravivé la peur de la disparition du processus révolutionnaire bolivarien, au cas où le président devait abandonner le pouvoir. En réalité, la conscience politique et la capacité d’organisation acquises par le peuple empêcheraient certainement un réel retour en arrière. Même si l’évolution du cancer du Président est un secret d’Etat bien gardé, les dirigeants du PSUV ont maintes fois réaffirmé que Chávez serait candidat à l’élection présidentielle, propos plusieurs fois confirmés par l’intéressé. Son énergie légendaire semble intacte et rien ne permet de dire qu’il ne briguerait pas sa propre succession.

En face, le camp de la droite peine à démarrer sa campagne. Le candidat Henrique Capriles Radonski ne décolle pas dans les sondages. Les derniers publiés indiquent que Hugo Chávez disposerait d’une marge d’intentions de vote se situant entre 13 % et 33 % au-dessus du score de Capriles [
1]. Le chef de l’Etat, sans faire campagne, dispose donc d’une large avance. L’opposition paie ainsi sa stratégie de focalisation sur sa personne, menée sans discontinuer depuis une décennie. En le rendant responsable de tous les maux politiques, économiques et sociaux de l’histoire récente du Venezuela, la droite a ainsi largement contribué à la personnalisation du jeu politique.

Prenant conscience de cette erreur, l’opposition tente aujourd’hui de retourner cette situation en attaquant le président de manière indirecte. Henrique Capriles Radonski ne prononce jamais son nom, mais parle du «  candidat du PSUV ». Cependant, cette tactique ne semble pas porter ses fruits et les électeurs vénézuéliens ne s’y trompent pas. L’élection présidentielle du 7 octobre prochain sera encore un référendum pour ou contre Hugo Chávez. Plus le Président commencera sa campagne tard, et plus le candidat de l’opposition stagnera dans les enquêtes d’opinion.

Face à cette situation, la Mesa de Unidad Democratica (MUD), qui regroupe les partis et organisations soutenant Capriles, a opté pour une offensive médiatique. Son but : créer un choc psychologique dans la population et en faire porter la responsabilité au gouvernement en place. Ainsi, le 14 mars dernier, Henrique Salas Feo, gouverneur de l’Etat de Carabobo, dénonçait la contamination de réserves d’eau et accusait le gouvernement de laxisme et de mauvaise gestion de cette ressource naturelle. Propagée par les médias privés, cette rumeur n’avait pourtant aucun fondement.

Que le gouverneur d’un Etat fédéré ait préféré organiser un one-man-show, plutôt que de saisir les tribunaux compétents, devrait poser des questions sur l’authenticité de ses propos. Il faut rappeler que, dans les grandes villes du Venezuela, personne ne consomme l’eau du robinet sans au préalable la filtrer ou la faire bouillir. Beaucoup d’habitants consomment directement de l’eau minérale. De plus, pour ne pas gêner les affaires de Polar, l’entreprise agroalimentaire privée la plus importante du pays, le gouverneur de Carabobo a sciemment omis de préciser que cette même eau était utilisée pour la production de sodas et de bière, dont les Vénézuéliens sont de grands consommateurs.

Dans le même registre, une affaire politico-judiciaire a enflammé la rhétorique de l’opposition. Tout a débuté par la mise en examen d’un haut magistrat vénézuélien, Eladio Aponte Aponte, pour complicité dans une affaire de trafic de drogue. Ce dernier a immédiatement fui à Miami grâce á l’aide de la Drug Enforcement Administration (DEA), l’agence antidrogue étatsunienne. A peine arrivé dans le bastion de l’extrême-droite latino-américaine, Eladio Aponte donna une conférence de presse pour dénoncer la «  corruption » du système judiciaire vénézuélien et sa «  soumission au pouvoir exécutif ».

Ce genre de déclaration s’apparente fort à un renvoi d’ascenseur à ceux qui lui ont permis d’éviter d’être incarcéré par la justice vénézuélienne. L’opposition a vu dans ces opportunes déclarations un moyen d’attaquer le gouvernement bolivarien et Hugo Chávez. Pour elle, peu importe que le pouvoir judiciaire ait ouvert une enquête contre le magistrat : ces attaques, qui vont sans aucun doute aller en s’intensifiant, lui permettent surtout de ne pas exposer aux électeurs le contenu de son programme ultralibéral. Nous reviendrons sur ce programme dans une prochaine chronique.

10 mai 2012, Caracas.

Romain Migus

Source : Mémoire des luttes

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