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Echos, petits potins et faits divers politiques

Dans les coulisses du meeting de Jean-Luc Mélenchon à Toulouse

Organiser un meeting, c’est facile : vous trouvez un micro, une sono, vous collez des affiches et vogue la galère. Sauf que ce n’est pas ça.

Organiser un meeting de gauche dans une ville socialiste, là , ça roule tout seul. Sauf que...

Le plus dur, en fait, c’est d’organiser un meeting et de se dire deux heures avant qu’ils vont être trop nombreux.

Et puis il y a les médias dont on se demande parfois, à les lire, s’ils étaient bien là ou s’ils en ont envoyé un seul, les autres recopiant ses notes.

En tout cas, voici le récit d’une journée d’une petite souris qui a vu, entendu, et qui raconte.

LGS

Quand les Espagnols de la «  retirada » eurent fait de Toulouse «  la Capitale de la République espagnole », ils prirent l’habitude de se réunir en palabres sur la place Wilson bordée d’immeubles de briques qui tournent autour de la statue de Goudouli, poète occitan, dans l’hypercentre de Toulouse.

Les Toulousains, poètes, au moins depuis que l’Académie des jeux floraux décerna son premier prix à un adolescent nommé Victor Hugo (à Paris, d’aucuns, crurent longtemps qu’il était Toulousain), surnommèrent la place «  l’enclave de Llivia », nom d’une terre espagnole de 13 km2 plantée en plein milieux des Pyrénées Orientales.

Ce préambule pour réunir quelques ingrédients du parfum du meeting du 5 avril à Toulouse : l’Espagne, partout l’amour de la République, l’évocation des combats solidaires, la fraternité des hommes, loin du sentiment que nous éprouvons parfois et qui nous pousse à paraphraser Villon : «  En Sarkozie, suis en terre lointaine ». Sarkozie du Fouquet’s, de l’Atlantisme, de l’égoïsme et de l’argent.

Le meeting devait commencer à 19 H, place du Capitole, par un spectacle des «  Grandes Bouches » suivi d’interventions : Nicole Borvo, sénatrice communiste, Christian Piquet (Gauche unitaire) venu du NPA et Myriam Martin, également du NPA dont elle est une dirigeante nationale et la tête de liste habituelle dans la région.

Jean-Luc Mélenchon était annoncé pour 20H.

L’après-midi la température était douce, place du Capitole. Et même, on avait chaud. La pluie était annoncée, mais le soleil brillait dans un beau ciel bleu. Parfois, les Toulousains ironisent sur la Météo (dont ils sont fiers qu’elle soit installée à Toulouse) en répétant la phrase sarcastique des vieux : «  Ils auraient plus vite fait de mettre la main dehors » (sous-entendu : pour voir s’il pleut, avant de nous le dire).

A 15 H, la Salle du Sénéchal, à deux pas de là s’est remplie. Jean-Luc Mélenchon, ? Pour une répèt ?

Il était déjà venu dans cette salle le 9 octobre 2008 pour disserter sur le thème de «  Choc de civilisations et laïcité ». La salle alors était comble ; la presse avait annoncé 300 personnes.

Arnaud Montebourg la connaît aussi. Il y a parlé le 26 septembre 2011 comme candidat aux primaires du PS. La salle était comble ; la presse avait annoncé 500 personnes. Après, il avait voulu haranguer les passants, place du Capitole, mais il n’y avait pas un chat. Passons, c’est juste pour dire...

Bon, là , la salle était remplie aussi, mais par des volontaires pour assurer «  le service d’ordre et la sécurité ». Pas de gros bras, mais des gens du peuple, des amateurs  : jeunes vieux, femmes, hommes décidés à aider au bon déroulement de la soirée. L’organisateur les a répartis en groupes avec un «  chef de groupe » qui sera muni d’une oreillette pour communiquer avec les autres groupes. A chacun fut fourni un brassard rouge. L’organisateur a indiqué à chaque groupe l’endroit où il devra se trouver. Il n’était pas Toulousain, ne connaissait pas le nom des rues qui débouchent place du Capitole et il palliait ses lacunes par des gestes qui finirent par faire rire des volontaires-bénévoles : «  Quelle rue ? Celle où il y a une boulangerie ? Celle où on a vu un chien passer ? ».

Bon, ils ont fini par s’entendre et la suite prouvera qu’il le fallait. La consigne n’était pas sarkoziste, genre : «  Avec tes gros biscottos, tu me fous à plat ventre les récalcitrants ». C’était : «  Les gens derrière les barrières vont peut-être s’énerver, ils voudront avancer. C’est normal. Soyez patients, polis, calmes ». Le message passait bien.

Faisant les cent pas entre cette salle et la place du Cap’, Jean-Christophe Sellin, élu municipal, responsable départemental du PG et chef d’orchestre du concert politique de ce soir, avait tout l’air de se faire du souci.

Les tractations se passaient moyennement bien avec la mairie et, deux jours avant, François Delapierre, Directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon avait publié un vigoureux communiqué de presse visant à recadrer les choses.

Une scène de 9 x 7 mètres avait été prévue sur la place, devant l’entrée du Capitole, lequel devait abriter dans sa cour intérieure un PMA (poste médical avancé). C’était aussi un bon emplacement qui permettrait à Jean-Luc Mélenchon d’accéder au micro sans risque d’être étouffé par la foule compacte. Et puis, pour les médias, c’était super, cet édifice symbolique au fronton marqué «  Capitolium ».

Les autorités locales l’auraient bien vue ailleurs, cette tribune. Où ? Devant le mythique café «  Mon caf ’ » au décor Belle Époque ? (démoli), devant la célèbre librairie Castèla ? (liquidée). Devant le marchand de journaux qui recevait la livraison du Monde le jour même de sa parution ? (fermé) ? Devant le Mcdo ? (ouvert).

Les organisateurs, prudents, avaient demandé aux militants d’être sur les lieux dès 6 H du matin pour veiller à ce que la scène trône au bon endroit.

16H. Au milieu de la place, on confectionnait des pancartes et banderoles à même le sol, près du bronze de l’immense croix occitane encastrée dans le pavement de la place et représentant les 12 signes du zodiaque. L’oeuvre avait été commandée à Moretti par le maire d’alors : Dominique Baudis. Certains autochtones avaient trouvé qu’elle coûtait très cher et d’autres (les laïques) qu’elle n’avait rien à faire là . La branche portant le signe du bélier est dirigée vers l’entrée de la mairie. Le maire était bélier. C’était une attention délicate, tout de même.

Confection des pancartes

Les voitures de presse, bardées de matériel et surmontées de paraboles étaient en place depuis le matin. Tout près, un chapiteau abritait les journalistes. Une table leur offrait des douceurs peu dispendieuses : jus de fruits, eau, thé, gâteaux secs salés et ships. Les journalistes étaient à l’oeuvre, concentrés sur leurs ordinateurs portables. Je me demandais ce qu’ils écrivaient. La trame où il suffira, pour aller vite, parce que c’est la règle, de greffer quelques mots de l’orateur et des infos sur la foule ? Beaucoup étaient très jeunes, souvent des jeunes filles. Pigistes ? CDD ?

Chapiteau de la presse

Jean-Luc Mélenchon parle de «  précariat », mot fait avec «  précaire » et «  prolétariat ». Il propose de mettre fin à cet état. Combien de ces jeunes-gens nous feront un compte-rendu où se lira en filigrane que leur préférence, ou celle de leur employeur, va à d’autres candidats qui ne leur permettront pas de se sortir de cet servage moderne ? En les lisant sur Internet, j’ai eu la réponse.

L’après-midi avançait, la foule commençait à affluer, maintenue à l’écart derrière des barrières. Elle patientera, bon enfant, plusieurs heures. La récompense sera au bout : les premiers rangs.

Chez les organisateurs, la nervosité ne baissait pas. On pouvait les comprendre, à ce moment-là . Car il était évident que la place du Capitole est trop petite et que, s’ouvrant chichement sur des rues étroites du Toulouse historique, elle pouvait se transformer en nasse. Or, la mairie freinait pour donner son autorisation définitive à l’ouverture au public de la place Wilson «  par mesure de sécurité » . Deux écrans géants y avaient été installés malgré tout par le Front de gauche, des barrières posées, mais il n’était pas dit que cela pourrait servir. Pire, encore : il avait été envisagé par les organisateurs d’installer des écrans dans l’Avenue Alsace-Lorraine, large artère rectiligne qui sépare les deux places. Paf ! elle fut décrétée «  axe rouge » par la Préfecture (qui obéit à qui ? A S... Sar.., Sark...). En clair, elle était réservée au passage des pompiers.

18 H. La foule devenait plus nombreuse. Des personnalités arrivaient, cernées ou pas par les médias. On pouvait voir Pierre Laurent (PCF), Christian Piquet (G.U), Pierre Lacaze, (adjoint communiste au maire socialiste Pierre Cohen), responsable fédéral du PCF, un autre communiste, Charles Marziani, du Conseil régional, Corinne Darleux-Morel qui est «  Madame Ecologie » du PG (dont je vous recommande le blog (www.lespetitspoissontrouges.org/ ), des militants du NPA qui ont fait le choix de l’union...

Trois heures avant...

Le ciel virait au gris. La rumeur disait que la place Wilson serait finalement autorisée. Elle le sera effectivement, par bonheur.

La société de transport Tisséo (bus, métro, dont le président est le député-maire) avait déployé des moyens humains importants pour réguler les entrées et sorties de métro : Capitole, Jean-Jaurès, Jeanne d’Arc, Esquirol et Marengo (la gare SNCF).

18H45. Sous un ciel qui charriait des nuages pansus, la place du Capitole était bondée, rougie par des nuées de drapeaux. Beaucoup de jeunes, à croire qu’on avait réquisitionné une fac. Le concert allait commencer un peu en avance.

Le réseau téléphonique saturait, les communications passaient mal.

Les «  Grandes Bouches » ont fait chanter la place avec des chants qui parlent à l’intelligence politique, suivis des interventions de Nicole Borvo, Christian Piquet, et Myriam Martin (qui se dit étonnée de parler devant une telle foule).

Les rues débouchant sur la place du Capitole étaient à présent fermées.On pouvait sortir mais plus entrer. Il était temps. Les rues adjacentes se remplissaient, la place Wilson débordait.

Vous avez prévu trop petit, les amis. Ne l’avais-je pas prédit bien avant ? Mais qui me lit, moi, scribouillard, grand Maître de mon Personal Computer ? Passons. Oubliez ça et revenons à l’essentiel.

Alors qu’une pluie fine s’était mise à tomber, Jean-Luc Mélenchon arriva. Un quart d’heure plus tôt que prévu. A cause d’un risque de déluge ? De la situation dangereuse créée par l’entassement sur deux places et dans près d’une dizaine des rues dont certaines ne méritent que le nom de ruelles ?

En tout cas, retenez seulement ceci avant d’aller voir (pour le discours) la vidéo sur le blog du Jean-Luc Mélenchon : il arriva et, en deux phrases, d’emblée, après avoir salué son auditoire, il souleva la foule, fit jaillir d’enthousiastes vivats (avec un «  t », j’y tiens) par un «  salud a vosostros d’Espana tambien » (ovation), «  y con respeto a la bandera gloriosa de la Republica ! » (ovation).

Le peuple de Toulouse se la jouait enclave de Llivia. Ollé !
Se la jouait même doublement, par cette impression d’apporter une douce étrangeté rougeoyante en ces terres où la mairie, le conseil général, le conseil régional et la plupart des communes avancent au pas d’un PS qui n’a renoncé à sa ferveur militante envers DSK que grâce aux injonctions d’une lointaine femme de chambre de couleur (comme quoi, aux States, tout n’est pas mauvais).

Jean-Luc Mélenchon parlait-il devant 70 000 personnes répartis sur deux places et dans les ruelles du centre ville ? 40 000 a compté la Préfecture (celle qui a décrété l’ «  axe rouge »).

Quand le réseau téléphonique consentait à fonctionner, on recevait des appels d’amis qui étaient rentrés chez eux : trop de monde, trop serrés, et la pluie qui grossissait ses gouttes.

Le discours de Jean-Luc Mélenchon a été plus bref que prévu et s’est terminé sur un cri d’amour et d’espoir (tu entends ça, Marine ?) : « Nous sommes au mois de Germinal, les bourgeons gonflés de vie s’annoncent déjà et dans cette France belle et rebelle, vienne le temps des cerises et des jours heureux ».
Ovation, chant de l’Internationale et de la Marseillaise, et puis, en suivant, le bouquet : les nuages, longtemps patients, ont ouvert leur ventre d’un seul coup et vidé de solides paquets d’eau froide sur 70 000 têtes (dont 40 000 seulement furent mouillées selon la police).

Juste après, notez bien.

Pas une seconde avant.

Comme quoi, ils sont forts au Front de gauche ! Ou bien, ou bien, ou bien, Dieu, dont on a tout dit, et même qu’il n’existe pas (mais jamais que c’est un pétochard), Dieu a voulu faire savoir pour qui il va voter. Bon ne prenez pas ça au pied de la lettre, non plus. Quoique...

Maxime Vivas

NB. Pour ceux qui savent transformer leurs colères en rire, voir sur le site du Nouvel-obs un article signé «  Lucien Pambou Professeur d’Economie » :
«  Mélenchon, l’homme qui ne voulait pas présider, mais faisait peur à Sarkozy et Hollande ».

«  Professeur d’Economie », ça en jette, ça valorise.

Sauf si l’on apprend que le monsieur est un élu UMP d’Alfortville (94). Un modeste qui, ayant affiché son diplôme, répugne à nous bassiner avec l’usage qu’il en fait.

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Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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