RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Des manifestations de masse en Russie appellent à de nouvelles élections (The Independent)

Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Moscou, dans un grand rassemblement anti-Poutine.

La foule s’étendait le long de l’interminable étendue étroite de la place Bolotnaya aussi loin que le regard pouvait porter. Ils se sont répandus sur les rues des berges, et à un moment donné, ils ont tant pesé sur un pont, qui y eut un bateau de police pour les avertir de se déplacer pour ne pas risquer que le pont s’effondre. Les autorités ont déclaré qu’il y avait 30 000 personnes, les organisateurs ont dit qu’ils étaient 100 000.

Le chiffre exact était sans importance. Dans un pays où une « manifestation de l’opposition » signifie quelques centaines de dissidents purs et durs, dont beaucoup seraient malmenés et interpellés par la police anti-émeute, des dizaines de milliers de personnes étaient sortis dans les rues, demandant de nouvelles élections après des allégations de fraude généralisée dans les élections de dimanche. Les manifestations d’hier à Moscou et dans toute la Russie ont été les plus importantes depuis de nombreuses années.

Le kaléidoscope des drapeaux de couleur visible à travers la place Bolotnaya témoigne de la grande variété des groupes d’opposition représentés. Il y avait le drapeau orange du mouvement libéral Solidarité, (le drapeau tricolore blanc, noir et jaune des sinistres néo-fascistes nationalistes russes,) [1] et bien sûr le drapeau rouge vif des communistes et des factions radicales pseudo-communistes. Mais la majorité n’était pas venue pour soutenir un quelconque parti politique. Ce fut quelque chose de plus fondamental. Hier était le jour où toute une génération de jeunes, les Russes intelligents se sentaient comme s’ils avaient retrouvé une voix. Ou, à tout le moins, ils se sentaient comme si le temps était venu pour eux de demander une voix.

« Je n’ai jamais été politisé, mais assez c’en est assez », déclare Tatiana, âgée de 28 ans, qui a voté pour la première fois aux élections parlementaires. « J’ai commencé à lire les nouvelles en ligne et à les comparer aux absurdités à la télévision. Il n’avait jamais semblé auparavant que protester aurait un effet, mais j’ai ensuite réalisé que si vous n’avez pas au moins essayé de changer les choses, vous ne pouvez pas vous plaindre. » Un autre manifestant, Sergei Shipov, âgé de 38 ans, dit que c’était la première fois qu’il avait protesté depuis 1993. « Je suis malade de Poutine, malade à la vue de son visage tous les jours sur ma télévision, dans mes journaux. Il est temps pour quelque chose de nouveau », dit-il.

Principalement, il a été appelé à de nouvelles élections. Il y avait aussi des cris de « la Russie sans Poutine ! » et « Poutine est un voleur ! » Mais quand un petit groupe de personnes a commencé à crier « Révolution ! » la majorité l’a hué et sifflé. Les Russes savent mieux que quiconque comment les révolutions peuvent être douloureuses, et la place Bolotnaya d’hier n’était pas la version russe de la place Tahrir. Mais dans le même temps, il n’est pas exagéré de dire que la Russie ne sera jamais la même après une si extraordinaire semaine d’événements que personne, et surement pas Vladimir Poutine, n’avait vu venir.

Les élections législatives de dimanche dernier, destinées à aplanir le chemin pour le retour de Vladimir Poutine au Kremlin dans les élections présidentielles en mars, a vu son parti Russie unie obtenir 49 pour cent des voix, contre 64 pour cent la fois précédente. Mais malgré la baisse, les gens ont estimé que même ce nombre avait été gonflé, et ils ont mis l’accent sur plusieurs milliers d’allégations de fraudes électorales, certaines d’entre elles capturés en vidéo et mises en ligne.

Quelque 8 000 personnes sont venues pour protester le jour suivant les élections, alors que seulement quelques centaines d’opposants inconditionnels habituels étaient attendus. Le charismatique blogueur anti-corruption Alexeï Navalny, qui a émergé comme le nouveau leader du mouvement anti-Poutine, a été emprisonné pendant 15 jours, tandis que 200 autres personnes ont été interpellées. Le lendemain, des milliers de jeunes pro-Kremlin ont été dépêchés à l’emplacement d’une manifestation prévue pour la perturber, et la police antiémeute en a arrêté plus de 500 juste pour s’être pointés. La télévision publique a complètement ignoré les protestations, et au contraire a diffusé des images d’adolescents grotesques transportés par autobus à Moscou pour des rassemblements pour célébrer la victoire de Russie Unie. Vladimir Poutine, dans sa première référence aux manifestations jeudi, a insisté qu’elles auraient été coordonnés par Washington, après que la Secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, ait « donné un signal » à l’opposition russe.

Mais un nombre croissant de Russes se procurent leurs nouvelles à partir d’Internet, et à la grande horreur du Kremlin, aucune des tactiques habituelles d’intimidation ni d’accusation de l’Occident ne semblait fonctionner, alors que 35 000 Russes signaient pour un groupe Facebook promouvant les manifestations d’hier.

En contraste frappant avec le troupeau qui agitait des drapeaux identiques, et scandait des « Poutine ! Russie ! » et « Medvedev ! Victoire ! » aux rassemblements pro-Kremlin la semaine dernière, il était clair que c’était en grande partie un rassemblement spontané où les gens avaient conçu leurs propres bannières et pancartes. Certaines d’entre elles disaient simplement « Poutine doit partir ! » mais l’un des aspects les plus encourageants de la journée, est qu’il y eu un signe qu’un débat intelligent et de l’esprit étaient revenus dans le discours politique russe. Dès lors une version russe de Spitting Image [2] a été lancée sur les ondes peu après que Vladimir Poutine était entré au Kremlin ; rire des hauts fonctionnaires était un tabou, sauf en ligne. Jusqu’à hier.

Le chef du Comité central électoral, Vladimir Tchourov, a été particulièrement ciblé, un technocrate pompeux qui pour beaucoup incarne désormais le visage de la fraude électorale. Une affiche indique : « 146 pour cent des Moscovites veulent des élections justes ! » faisant référence à un district méridional de la Russie où la télévision d’Etat a rapporté un taux de participation de 146 pour cent. Peut-être la meilleure pancarte de la journée mentionnait-elle : « je n’ai pas voté pour ces salauds, j’ai voté pour d’autres salauds, je demande un nouveau décompte ! »

Pour beaucoup, la journée commençait Place de la Révolution, le lieu central symbolique où les manifestations sont interdites. Mais les autorités de Moscou ont fait un compromis. Elles ont convenu que les gens pourraient se réunir place de la Révolution et faire la marche d’une demi-heure vers la place Bolotnaya. Ainsi, une foule de plusieurs milliers de personnes ont commencé un extraordinaire défilé passant devant certains des bâtiments les plus symboliques de Moscou : la Loubianka, l’ancien siège du KGB qui abrite aujourd’hui son successeur, le FSB. Ils ont défilé devant le bâtiment de la présidence, la cathédrale Saint-Basile et les murs du Kremlin, et au dessus de la rivière de Moscou, dans des scènes qu’il y a une semaine de cela auraient été impensables. La police anti-émeute bordait les rues sur tout le long du parcours.

Il y avait même des signes que, peut-être juste l’opposition démocratique notoirement houleuse aurait pu être capable de mettre en évidence aux élections présidentielles du mois de mars. Si Alexeï Navalny met en avant sa candidature, le Kremlin ne va pas trouver si facile de lui interdire de se présenter comme il l’a fait dans le passé en excluant les libéraux marginaux du scrutin. Alexeï Navalny, purgeant toujours sa peine de 15 jours, n’était pas au rassemblement, mais un message de celui-ci a été lu à la foule.

« La clique au pouvoir ... continue de nous dire que la falsification des votes en faveur de leur parti d’escrocs et de voleurs est une condition nécessaire afin de nous assurer que nous ayons de l’eau chaude et des prêts bon marché », peut-on lire sur le site d’Alexeï Navalny. « Nous avons été nourris avec ça depuis 12 ans, et nous en sommes malades. Il est temps de sortir de notre coma. Nous ne sommes pas du bétail ou des esclaves. Nous avons une voix, et nous avons la force de la faire entendre. »

Pour la première fois depuis des années, la politique en Russie est devenue imprévisible.

Shaun Walker - (The Independent)

Moscou, dimanche 11 Décembre 2011.

NdT :

[1] D’après les médias russe, (RIA Novosti par exemple) le parti d’extrême droite n’a pas pris part aux manifestations de samedi, mais a manifesté seul - 150 protestataires seulement environ - le lendemain.

[2] Emission de TV satyrique britannique dont les marionnettes sont reprises dans le clip de Land of Confusion de Genesis.

Source : Mass protests in Russia call for election rerun

Traduction par un lecteur assidu du Grand Soir

URL de cet article 15374
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Le choix de la défaite - Les élites françaises dans les années 1930
Annie LACROIX-RIZ
Comment, pour préserver leur domination sociale, les élites économiques et politiques françaises firent le choix de la défaite. Un grand livre d’histoire se définit premièrement par la découverte et l’exploitation méthodique de documents assez nombreux pour permettre des recoupements, deuxièmement, par un point de vue qui structure l’enquête sur le passé (Annie Lacroix-Riz répond à Marc Bloch qui, avant d’être fusillé en 1944, s’interrogeait sur les intrigues menées entre 1933 et 1939 qui conduisirent à (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Sous une dictature, il y a une chose pour laquelle nous avons plus de chance que vous en Occident. Nous ne croyons à rien de ce que nous lisons dans la presse, à rien de ce que nous voyons à la télévision, parce que nous savons que c’est de la propagande et des mensonges. Contrairement aux Occidentaux, nous avons appris à voir au-delà de la propagande et à lire entre les lignes et, contrairement à vous, nous savons que la vérité est toujours subversive.

Zdener Urbanek

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.