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Le Monde Diplomatique, décembre 2011

A propos des derniers " remaniements " politiques en Europe, effectués sans appel au suffrage universel, Serge Halimi (dans son éditorial) n’hésite pas à parler (en forgeant une expression qui mérite de rester dans les annales) de « juntes civiles » pour évoquer ces dénis de démocratie : « Maniant le chantage à la faillite et la peur du chaos, deux anciens banquiers, MM. Lucas Papadémos et Mario Monti, viennent de prendre le pouvoir à Athènes et à Rome. Ce ne sont pas des techniciens apolitiques, mais des hommes de droite, membres de la Commission trilatérale, connue pour avoir dénoncé l’excès de démocratie des sociétés occidentales. […] Aux peuples que martyrisent les politiques d’austérité, l’histoire de l’Europe offre un large choix d’analogies abusives. Mais, toutes proportions gardées, les derniers événements d’Athènes rappelleraient plutôt l’été 1968 en Tchécoslovaquie, la « normalisation » à Prague et l’éviction du dirigeant communiste Alexandre Dubcek. La « troïka » qui vient de transformer la Grèce en protectorat a joué le rôle autrefois dévolu au pacte de Varsovie ; M. Papandréou, celui d’un Dubcek qui n’aurait jamais osé résister. Avec, dans les deux cas, la mise en oeuvre d’une doctrine de la « souveraineté limitée » dont on concédera volontiers la nature moins meurtrière quand trois agences de notation en dictent les paramètres que lorsque les chars soviétiques franchissaient des frontières. Après avoir écrasé la Grèce et piétiné l’Italie, l’Union européenne et le FMI tournent à présent leur regard vers la Hongrie et l’Espagne. »

Par ailleurs, Halimi, en rappelant la mésaventure de La Tribune qui avait osé publier un article critique sur EDF, explique que l’indépendance a un prix : « Le Monde diplomatique a publié une enquête sur la filière nucléaire française (lire « Fissions au coeur du nucléaire français »). Elle faisait état de problèmes de sécurité, en partie occasionnés par l’obsession de rentabilité d’Electricité de France (EDF), dont les actionnaires se soucient avant tout de réduire les dépenses. Jusque-là , rien de très remarquable. A ceci près que le quotidien économique La Tribune vient de se voir retirer le budget publicitaire d’EDF pour avoir publié une information lui ayant déplu. La question du risque financier découlant de la parution d’un article de ce genre ne se pose pas pour nous. D’une part, les recettes publicitaires, qui ont toujours été plafonnées à 5 % de notre chiffre d’affaires, représentent à l’heure actuelle moins de 3 % de celui-ci. D’autre part, nos choix rédactionnels relèvent exclusivement de l’équipe du journal. Cela ne nous permet pas de devenir très riches, mais cela rend notre vie moins tourmentée. »

La situation des femmes en Amérique latine est-elle en train de changer , demande Lamia Oualalou ? « Depuis quelques années, des dirigeantes ont pris la tête d’Etats latino-américains. L’émergence de ces figures politiques de premier rang suggère une amélioration " souvent timide " de la condition des femmes dans la région. Permettra-t-elle de l’accélérer ? »

Peut-on rendre inaliénables les biens communs (Ugo mattei) ? « Comment protéger la propriété collective lorsque, pour « équilibrer » leur budget, des gouvernements bradent les services publics ou dilapident les ressources naturelles ? Forgée dans le monde anglo-saxon et développée dans des pays aux Etats peu centralisés comme l’Italie, la notion de « biens communs » propose de dépasser l’antinomie entre propriété publique et propriété privée. »

Que faut-il attendre d’une réélection de Poutine à la tête de la Russie, demande Nina Bachkatov, pour qui les Russes sont les héritiers des tsars et des soviets ? « Au cours d’une compétition d’arts martiaux retransmise à la télévision et à laquelle il participait, le premier ministre Vladimir Poutine a été hué par le public. Sa candidature à l’élection présidentielle de mars 2012 a plongé nombre de Russes dans le pessimisme et ravivé les interrogations sur l’avenir et l’identité du pays, ce qui pourrait se retourner contre son parti aux élections législatives de ce mois-ci. »

Une interrogation de Tristan Coloma sur l’élection présidentielle au Congo : « Trente millions de Congolais se sont inscrits sur les listes électorales en vue du second scrutin libre de l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC). Fixé au 28 novembre, il a pour but de désigner le chef de l’Etat et les cinq cents députés. Si les difficultés matérielles et la corruption inquiètent les observateurs des Nations unies, la population se mobilise pour la réussite des opérations. »

Pour Alain Gresh, il faut s’attendre à un séisme géopolitique au Proche-Orient : « La poursuite des manifestations en Egypte, en Syrie, au Yémen, à Bahreïn et dans d’autres pays arabes confirme que les soulèvements qui ont embrasé la région il y a un an sont loin d’être terminés. Mais on ne peut oublier que, outre la démocratisation, se joue également la place de la région, déchirée par de nombreux conflits, dans la géopolitique mondiale. »

Qui a gagné la guerre en Libye, s’interroge Patrick Haimzadeh ? « Même si le Conseil national de transition (CNT) libyen a nommé ministres certains chefs rebelles, le nouveau gouvernement n’est guère reconnu par la population. La reconstruction d’un Etat de droit se heurte à la militarisation de la société, au repli sur les identités clanique et religieuse, ainsi qu’à l’intervention d’acteurs étrangers. »

Rémi Carayo décrit la situation à Mayotte : « Grèves, manifestations, barrages : Mayotte vient de connaître un conflit social d’une rare intensité. Syndicats et associations de consommateurs protestaient contre le coût de la vie, particulièrement élevé dans ce département français de l’océan Indien. A défaut de produire des résultats tangibles, le mouvement a mis en lumière la crudité des rapports de domination à l’oeuvre dans l’île. »

Pour Pierre Musso, le berlusconisme n’est peut-être pas mort : « Les records de popularité attribués par les instituts de sondage au nouveau gouvernement italien, dirigé par l’ex-commissaire européen Mario Monti, laissent d’autant plus circonspect que celui-ci va imposer au pays un sévère plan d’austérité. M. Silvio Berlusconi a dû céder la place ; mais il aura marqué la société d’une empreinte profonde. »

A lire un dossier passionnant : « De la rigueur à la récession ». Frédéric Lordon décrit le « toboggan de la crise européenne » : « Que se passe-t-il lorsque l’ultime refuge se trouve lui-même secoué par la tempête ? Mercredi 23 novembre, les investisseurs ont boudé un octroi de dette allemande, signe d’une défiance inédite. Pris à leur propre piège, les marchés qui exigeaient la rigueur redoutent désormais la dépression. A ces louvoiements tentent de répondre des « sommets » dont la multiplication démontre l’inutilité. »

Pour Noëlle Burgi, les Grecs sont « sous le scalpel : « Tu ne sais pas ce qui t’attend demain au réveil. » Pas une personne rencontrée à Athènes, à Salonique ou ailleurs qui n’ait, à un moment ou à un autre, prononcé cette phrase. En Grèce, la hantise du lendemain est ressentie comme une prison enfermant chacun dans l’incertitude d’une existence individuelle et collective menacée de destruction imminente. Pourtant, ce pays à l’histoire tourmentée n’en est pas à sa première épreuve. Les Grecs se conçoivent comme un peuple doté d’une intelligence spéciale, d’un caractère bien trempé, surtout dans l’adversité. « Nous avons toujours connu des périodes difficiles ; nous nous en sommes toujours sortis. Mais maintenant, on nous a enlevé l’espoir », soupire la gérante d’une petite entreprise. »

Pour Claude Jacquin, Les licenciements boursiers n’existent pas : « On les considérait comme une fatalité liée à la « modernisation » de l’économie, voici que les licenciements indignent de nouveau. Faudra-t-il pour autant se satisfaire de ce que leur dénonciation ne resurgisse qu’au travers de la stigmatisation des « dérives » de la finance ? Dans une version abstraitement morale, celle de M. Nicolas Sarkozy à l’occasion de son discours de Toulon, le 25 septembre 2008, proclamant qu’il faut « opposer l’effort du travailleur à l’argent facile de la spéculation ». Ou dans une version un peu plus précise : celle des « licenciements boursiers » que M. François Hollande, candidat socialiste à l’élection présidentielle, propose de « taxer », que M. Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche, souhaite « interdire »,et que la finaliste malheureuse du scrutin de 2007, Mme Ségolène Royal, ne veut plus voir « camouflés »en licenciements économiques. En septembre 1999, un bond du cours en Bourse avait salué l’annonce simultanée par la direction de Michelin d’une hausse de 20 % de son bénéfice semestriel et de sept mille cinq cents licenciements. L’opération avait été qualifiée de « boursière ». Mais cette formule ne constitue-t-elle pas un raccourci ? »

Que se passe-t-il « Quand l’Inde se regarde en peintures » ? (Philippe Pataud Célérier) « Encore peu connu, l’art indien contemporain s’est profondément renouvelé ces dernières décennies. Si certains peintres et sculpteurs se plient aux demandes du marché mondial, beaucoup développent une vision originale, plongeant dans les racines historiques du pays et pointant les tares de la société : déshumanisation, misère des paysans, condition féminine… »

A lire une puissante réflexion de Jane Burbank et Frederic Cooper : " De Rome à Constantinople, penser l’empire pour comprendre le monde " : « A l’heure où des États-nations ploient sous les forces du marché et où chancelle la configuration géopolitique héritée de l’après-guerre, les dirigeants rêvent de stabilité. Or les formes de gouvernement mises en place par les empires fascinent par leur résistance aux soubresauts de l’histoire, leur plasticité, leur capacité à unir des populations différentes. Que peuvent-elles nous apprendre ? »

Pour Olivier Appaix, le marché des " déordres psychologiquyes " est florissant : « Apparu il y a un demi-siècle, l’usage des neuroleptiques, en dépit de ses piètres résultats, est devenu massif dans la médecine psychiatrique américaine. Il repose sur une vision particulièrement fruste de la maladie mentale, que propage également, au niveau mondial, le répertoire des pathologies le plus souvent utilisé par la profession. »

Gérard Pommier nous parle de " La bible américaine de la santé mentale " : « En 2013, l’Association américaine de psychiatrie (American Psychiatric Association, APA) doit faire paraître la cinquième version de son répertoire des maladies mentales, connu sous le nom de DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders). Une version préparatoire se trouve déjà en ligne pour discussion. Or il ne s’agit pas d’une mince affaire : initialement destiné aux Etats-Unis, cet outil utilisé à des fins statistiques et pour établir les diagnostics des « troubles mentaux » jouit d’une influence considérable à l’échelle mondiale. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est très rapidement appuyée sur le DSM, créé en 1952 " comme elle l’avait fait avec son prédécesseur, le « Medical 203 », préparé par le département de la guerre américain ", pour rédiger la classification internationale des maladies (CIM). »

Où donc est l’arbre qui cache la forêt de la compensation carbone (Anne Vigna) ? : « Situé sur un territoire à la biodiversité exceptionnelle, un village mexicain avait adopté un programme national censé préserver à la fois les richesses naturelles et les moyens d’existence de la communauté. Sept ans plus tard, il jette l’éponge. L’expérience met en lumière les contraintes aberrantes parfois imposées aux populations au nom de la lutte contre le changement climatique. »

Aurélien Bernier rappelle qu’à la conférence de Cocoyoc, le Sud liait écologie et égalité : « En 1974, à Cocoyoc, au Mexique, un colloque de l’Organisation des Nations unies (ONU) formulait une critique radicale du « développement », du modèle libre-échangiste et des rapports Nord-Sud. Ses conclusions furent vite enterrées… »

Par Christophe Voiullot, une page d’histoire sur la Commune : « L’utopie réalisée de la Commune Changer la politique, instaurer l’égalité entre hommes et femmes, inventer un nouveau mode de gouvernement, faire participer les citoyens... : répétés jusqu’à saturation au point de sembler vides de sens, ces mots d’ordre furent longtemps appuyés par les forces du mouvement ouvrier. En 1871, le peuple parisien insurgé leur donnait une signification concrète. »

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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